La loi grand âge n’aura pas lieu - Objectif Soins & Management n° 0283 du 14/10/2021 | Espace Infirmier
 

OBJECTIF SOINS n° 0283 du 14/10/2021

 

Autonomie

ACTUALITÉS

Anne Lise Favier  

Promise depuis longtemps, la loi préservant l’autonomie des plus âgés ne verra pas le jour avant la fin du quinquennat. Mais le gouvernement promet de l’argent pour financer le grand âge...

La crise sanitaire a remis sur le devant de la scène ceux qu’on voulait cacher, dans les Ehpad, montrant ainsi l’urgence d’une réforme du grand âge promise depuis 2019. Il y a eu l’an dernier la création d’une cinquième branche au sein de la Sécurité sociale vouée à l’autonomie des personnes âgées mais aussi handicapées, et plus près de nous une proposition de loi « visant à agir et préserver l’autonomie et garantir les choix de vie de nos aînés ». Mais cela n’ira pas plus loin, pas plus spécifiquement. Le Premier ministre Jean Castex a en effet annoncé que les mesures pour la dépendance seraient inscrites dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), signifiant le renforcement de la branche autonomie, sans autres précisions. De son côté, Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’Autonomie, a déclaré qu’elle était « en charge, non pas d’une loi, mais d’une réforme », enterrant définitivement l’idée d’une loi pourtant promise de longue date par le président de la République, et même confirmée par le ministre de la Santé. Aucune loi dédiée au grand âge et à l’autonomie ne verra donc le jour prochainement, en tout état de cause pas avant la fin du quinquennat.

Promesses et déceptions

Une perspective qui n’a évidemment pas fait plaisir aux acteurs du secteur de l’autonomie qui attendaient patiemment leur tour. Et ce d’autant que, cet été, le ministre de la Santé laissait entendre que les choses allaient bon train, estimant que « le projet de loi pourrait être mature et présenté dans le courant de l’été en Conseil des ministres, de manière à pouvoir potentiellement être examiné à la rentrée ». Et c’est donc en évoquant le nouveau PLFSS que le Premier ministre Jean Castex a mis fin au suspense en inscrivant des mesures pour la dépendance dans ce texte. Et ce ne sont pas ses annonces, promettant une enveloppe de plus de 400 millions d’euros en 2022, qui ont apaisé le secteur. Ainsi, la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa) « ne peut cacher sa déception devant les mesures qui sont insuffisantes et ne permettent aucunement de pallier l’abandon de la loi Autonomie ». Et souligne le « décalage entre les 10 000 recrutements prévus sur 5 ans en Ehpad, soit 2000 par an, et le besoin réel de 350 000 d’ici 2024 ».

Besoins et enjeux

Pas de loi avant la fin du quinquennat donc, même si le PLFSS promet de donner plus de moyens : tarif plancher pour les aides à domicile afin de favoriser l’attractivité du secteur et, concernant les Ehpad, hausse des effectifs soignants (10 000 recrutements en cinq ans), renforcement des astreintes de nuit et augmentation du temps de présence du médecin coordinateur. Le tout correspondant à 400 millions d’euros de financements nouveaux. Des rustines sur un système qui date, rétorquent des professionnels du secteur qui rappellent que certains établissements sont devenus vétustes et ne répondent plus aux futurs enjeux d’une population vieillissante. Les experts prévoient en effet une massification du vieillissement d’ici à dix ans, avec une forte « géronto-croissance » à partir de 2025 (rapport du think tank Matières Grises) dans une France qui comptera plus de 20 millions de personnes âgées de plus de 60 ans, dont 3 millions en perte d’autonomie. C’est dire l’urgence d’une réforme et le profond décalage entre ce que propose le gouvernement pour le moment et les perspectives pour les années à venir. D’autres restent pourtant confiants : mieux vaut attendre « une bonne loi après les élections qu’une mauvaise loi tout de suite », estime ainsi le Syndicat national des établissements et résidences privés et services d’aide à domicile des personnes âgées (Synerpa). Une chose est sûre : si le sujet semble définitivement enterré pour ce quinquennat, il renaîtra de ses cendres lors de la campagne précédant l’élection présidentielle – les professionnels du secteur ayant promis de se faire entendre pour porter un projet d’autonomie pour tous, cohérent avec les enjeux d’avenir.