Le cadre, vigilant et à l’écoute des équipes - Objectif Soins & Management n° 241 du 01/12/2015 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 241 du 01/12/2015

 

Actualités

Laure de Montalembert  

Management Comment accompagner les soignants à la suite des attentats du 13 novembre ? C’est une question à laquelle sont confrontés tous les cadres exerçant dans les établissements ayant accueilli des victimes.

Bertrand [son nom a été changé pour des raisons de confidentialité] est cadre au sein d’un service d’hospitalisation chirurgicale à Paris. Dès l’annonce des attentats du 13 novembre, il a proposé son aide, mais l’afflux des soignants s’est avéré suffisant.

« Nous sommes tous touchés »

Le lundi, il a donc pris son service et s’est trouvé en immersion avec les victimes des actes terroristes qui ont frappé la capitale. Même à quelques jours de distance, lorsqu’on lui demande ce qu’il a ressenti, il répond : « J’ai été désemparé. Je ne m’attendais pas du tout à ce genre d’événement dans son ampleur. Au début, on est juste accaparé par les actions à mener, par l’activité. En tant que cadre, on voit les malades mais on ne leur fait pas les soins… Les victimes qui ont été traitées en chirurgie chez nous ont été sauvées, mais il leur reste encore un long parcours en réanimation, un parcours parfois même incertain. Il n’est facile pour personne d’être au contact des victimes. Nous sommes tous touchés. »

Point positif, néanmoins, le plan blanc semble avoir été efficace. Tous les cadres suivent une formation sur le sujet. Encore faudrait-il que la mise à niveau se fasse chaque année, ce que souhaiterait Bertrand. « Comme la formation incendie, c’est peu respecté », déplore-t-il.

Rester vigilant, main dans la main

La question du partage de la parole et des expériences se pose aussi. Notre cadre assure que, dans son établissement, les échanges ont été nombreux entre managers.

« Nous avons beaucoup parlé de la manière dont les uns et les autres essayaient d’aider les soignants en difficulté. Il s’agit de situations individuelles à chaque fois. Ce qui complique un peu les choses, mais nous restons vigilants », indique-t-il.

Évaluer la souffrance psychique

Mais la question persiste : comment évaluer la souffrance psychique d’une personne ? Et quels sont les signes repérables ?

Bertrand livre quelques éléments de réponse : « D’abord, tout simplement les demandes de jours de repos non prévus quand ils “craquent”. Pour ceux qui “tiennent” coûte que coûte alors qu’ils sont clairement en souffrance, nous comptons sur leurs collègues. S’ils ne parlent pas aux cadres, nous pouvons compter sur l’équipe pour nous alerter. En ces moments, la parole est libre. Les soignants se serrent les coudes. Avant l’événement, le plan de réorganisation de l’AP-HP avait plutôt démobilisé les personnels. D’un seul coup, cette question est devenue un peu secondaire. »

Mieux écoutés qu’à l’ordinaire ?

Se sentir soutenu par les hautes autorités de santé et la direction des établissements n’a pas été un sentiment si courant ces derniers temps. Pourtant, Bertrand se montre plutôt satisfait de la manière dont la communication a été organisée. « Nous nous sommes sentis soutenus par la direction de l’hôpital. Cela a même été une bonne surprise, alors que nous nous sentions peu écoutés à l’ordinaire. Très vite, une réunion a été organisée avec tous les cadres de l’établissement. On nous a donné des nouvelles, un rappel sur le plan blanc et sur la vigilance face aux souffrances des soignants a été diffusé », s’étonne-t-il presque.