INSTALLATION : POUR QUELLE SOCIÉTÉ OPTER ? - Ma revue n° 022 du 01/07/2022 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 022 du 01/07/2022

 

EXERCICE

J’EXERCE EN LIBÉRAL

RÉGLEMENTATION

Laure Martin*   Agathe Blondeaux**  


*juriste spécialisée en professions libérales de santé chez Fiducial.

Qu’elle exerce seule ou avec des consœurs, une Idel peut être amenée à créer une société. Il en existe plusieurs types, et le choix dépend avant tout des objectifs fixés ainsi que des intérêts financiers et fiscaux qui en découlent.

Généralement, une société est créée pour réguler les modalités de travail et financières entre plusieurs Idels ou entre des Idels et d’autres professionnels de santé, et doit répondre à un besoin. Un contrat d’exercice professionnel à frais communs peut dans certains cas suffire à organiser les relations, notamment lorsque les dépenses mises en commun avec un ou plusieurs autres soignants ne sont pas trop importantes (frais de fonctionnement du cabinet, chauffage, électricité, téléphone, secrétariat, entretien, etc.). Ces frais sont alors payés par chacune des parties en fonction d’une répartition définie dans le contrat, lequel prévoit aussi les modalités d’exercice en commun du cabinet (heures d’ouverture et de fermeture, remplacements, etc.).

En revanche, dès lors que les Idels sont nombreuses à travailler au sein d’un même cabinet, si elles souhaitent se structurer en groupe, que ce soit entre infirmières libérales ou avec d’autres professionnels du soin, la création d’une société peut alors être la meilleure solution. Pour autant, il est fortement conseillé de se rapprocher préalablement d’un expert-comptable ou d’un juriste car toute société engendre des coûts de constitution et de gestion (comptabilité, fiscalité).

LA SCM

Avec une société civile de moyens (SCM), l’Idel créé une personne morale, c’est-à-dire une entité différente d’elle en tant que personne physique afin de mutualiser des moyens avec ses consœurs. Ce type de société, monodisciplinaire ou pluridisciplinaire, permet de structurer la relation de groupe et de mutualiser les dépenses, mais pas les recettes. Elle a pour but de fournir des moyens matériels ou des prestations de service à ses membres, comme la mutualisation du local et l’embauche d’une femme de ménage. Comme pour toute société, les statuts doivent être définis pour déterminer le capital social, la dénomination, le siège social et les associés. L’établissement d’un règlement intérieur est en outre nécessaire pour préciser la répartition des dépenses et les modalités d’exercice dans la société.

LA SCP

La société civile professionnelle (SCP), qui est exclusivement monoprofessionnelle, n’a pas les mêmes objectifs que la société civile de moyens. Elle a pour objet de transférer à la société l’exercice de la profession par l’intermédiaire de ses membres. Dès lors, ce ne sont plus l’infirmière X et l’infirmière Y qui exercent ensemble, mais la SCP XY. La patientèle, les dépenses et les recettes sont mutualisées. La SCP se substitue à l’activité libérale, c’est-à-dire que c’est elle qui facture les actes et reverse aux associées leur quote-part. D’un point de vue pratique, les Idels partageant une seule et même patientèle sont les mieux placées pour constituer une SCP. Néanmoins, elles doivent s’entendre sur la façon de travailler, de coter, sur les types de prise en charge, les actes effectués, les jours travaillés, etc., car tout est partagé au regard d’une clé de répartition définie par les associées.

LA SEL

La société d’exercice libéral (SEL) a aussi pour objectif l’exercice de la profession par l’intermédiaire de ses membres. Dans ce cadre, la patientèle appartient donc à la société. Cependant, contrairement à la SCM et à la SCP, il s’agit d’une société commerciale qui dépend du Code du commerce, tandis que les deux autres dépendent du Code civil. Par conséquent, toutes les obligations vont être plus lourdes à gérer, les associées devant tenir une comptabilité commerciale plus contraignante. Cette société peut être unipersonnelle, soit constituée par une seule Idel ; on parle alors de SEL à responsabilité limitée unipersonnelle (Selarlu). En règle générale, c’est un intérêt fiscal qui conduit les Idels à se constituer en SEL, une question d’endettement personnel ou une volonté de lisser les revenus. Un choix à mettre en corrélation avec leur fiscalité personnelle.

Avec une SEL, la rémunération se fait sous forme de dividendes (pour la répartition des bénéfices) et de salaire, la SEL versant le salaire à l’Idel, qui doit donc s’assurer de percevoir des revenus de son activité professionnelle suffisamment importants pour permettre cette double répartition.

LA SCI

La société civile immobilière (SCI) est utile uniquement pour la gestion du local professionnel. Elle a pour objet de détenir, par l’intermédiaire de ses membres, un bien immobilier. La SCI peut ainsi venir en complément des trois autres sociétés pour acquérir un local et le mettre à disposition de ses membres ou d’une autre personne en le louant.

DES RÈGLES À RESPECTER

Quoi qu’il en soit et quel que soit le type de société, il est vivement conseillé d’établir un règlement intérieur avec un juriste ou un expert-comptable qui aidera les sociétaires à prévoir les conditions d’intégration à la société d’un remplaçant, d’un collaborateur ou d’un associé, les modalités de sortie de la société, le droit de vote, le droit de retrait ou encore la régulation des dépenses.

Info +

Les SEL et les SCP sont considérées par la loi comme exerçant la profession d’infirmière par le biais de leurs membres. Par conséquent, elles doivent être inscrites au tableau de l’Ordre et payer une cotisation au titre de personne morale. Ce qui ne dispense pas les Idels deleur obligation d’inscription et de cotisation individuelle.

ÉTHIQUE ET SOINS AU QUOTIDIEN

[ Chaque situation renferme sa propre solution ]

Par Marie-Claude Daydé, infirmière libérale

Quelle infirmière ne s’est pas sentie un jour impuissante face à un patient atteint d’une maladie chronique qui ne parvient pas à modifier ses habitudes de vie et satisfaire les objectifs fixés pour équilibrer son diabète, par exemple. Ces situations mettent en tension « l’idéal soignant » et réinterrogent les objectifs fixés. Par qui ? Pour qui ? Comment préserver la personne soignée du paternalisme où l’on imagine savoir ce qui est bon pour elle ? La question du projet de soins commun, avec et pour la personne, dans le respect de son autonomie, est ici posée. Souhaite-t-elle cette autonomisation et si oui, jusqu’où ? Quelle est la finalité du projet ? L’amélioration de sa qualité de vie ? Son évaluation reste très subjective et propre à chacun. Comment négocier avec elle et non pas imposer un environnement qui favorise les soins, et poser ensemble les limites de celui-ci ? Cet espace de négociation nécessite une relation de confiance. Partager un savoir professionnel et un savoir dit « profane » dans l’écoute et le respect mutuels permet souvent de cheminer ensemble. Il est également question de temporalité, laquelle n’est pas la même pour la personne accompagnée et pour le soignant. L’idée de « compliance » renvoie à la conformité aux normes de conduite dites « adaptées » qui peuvent parfois culpabiliser le patient qui n’y parvient pas. En éthique clinique, il convient de se rappeler que le patient est la norme dans le respect de sa singularité et que, souvent, chaque situation renferme sa propre solution. Mais les soignants ont aussi à interroger leurs comportements, leur propre subjectivité et le fondement de leur désir d’intervenir : prendre soin d’autrui dans le respect de ses valeurs et de son histoire de vie.

Des situations qui mettent en difficulté les professionnels de santé, les confrontent à des limites et des incertitudes : du consentement aux soins, de leur faisabilité, etc., mais aussi de leurs propres savoirs et pouvoirs. Partager ces questions en interdisciplinarité constitue un soutien précieux.