CANCER ET SEXUALITÉ : PRENDRE LE TEMPS D’EN PARLER - Ma revue n° 012 du 01/09/2021 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 012 du 01/09/2021

 

SOINS DE SUPPORT

JE DÉCRYPTE

LE MOIS EN BREF

Laure Martin  

La Fondation Arc pour la recherche sur le cancer a organisé, fin juin, un webinaire sur le cancer et la sexualité. Pour aider les patients à préserver leur vie sexuelle malgré la maladie, le rôle des soignants est indispensable.

Dans l’épreuve de la maladie, la sexualité n’est pas anecdotique car elle touche de nombreux sujets liés à la prise en charge : l’observance des traitements, les effets secondaires, la vie de couple, le désir d’enfant. « La question de la sexualité n’est pas un tabou réel dans la prise en charge des personnes atteintes d’un cancer, mais un problème de priorité », a expliqué le Dr Pierre Bondil, chirurgien urologue et sexologue au centre hospitalier Métropole-Savoie, lors du webinaire. Lorsqu’un patient apprend qu’il est atteint d’un cancer, il pense d’abord à sa guérison. Et lorsque le traitement montre ses premiers effets, il commence alors à s’interroger sur sa sexualité. Outre l’impact psychologique de l’annonce de la maladie, les traitements peuvent occasionner divers troubles : sécheresse, problèmes érectiles, image corporelle détériorée, baisse voire perte du désir, de l’excitation et du plaisir. La maladie peut également être à l’origine de problèmes de communication avec le partenaire. Mais attention, « une personne qui n’est pas en couple a elle aussi besoin d’être entendue, signale Éliane Marx, sexologue et psychologue à Strasbourg. La sexualité existe aussi sans partenaire fixe. »

UNE QUESTION DIFFICILE À ABORDER

« Tous les patients sont demandeurs d’évoquer le sujet, et ils s’attendent à ce que le professionnel de santé le fasse », ajoute le Dr Bondil. Néanmoins, la question peut être difficile à soulever. Les patients peuvent se dire que leur sexualité n’est pas aussi importante que leur guérison ou ne pas être à l’aise pour en parler. De leur côté, les soignants peuvent avoir de fausses croyances, comme penser qu’une personne âgée n’est plus concernée par cette question. « Face aux tabous et au manque de temps, il peut être inconfortable pour les professionnels de santé d’évoquer ce sujet », reconnaît le Dr Marion Aupomerol, gynécologue médicale et sexologue, responsable d’une consultation à l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif. D’autant que de nombreux soignants ne sont pas formés à cette question. Alors, comment l’aborder sans savoir quelle prise en charge proposer ensuite ? Pourtant, nombreuses sont les personnes à être touchées. « Dans les cancers pelviens, urologiques et gynécologiques, deux ans après l’annonce, 80 % des patients disent rencontrer des difficultés d’ordre sexuel, et cinq ans après, 50 %, hommes et femmes confondus, sont concernés par une diminution de leur activité sexuelle et par la perte de désir », rapporte le Dr Bondil.

UN TRAVAIL EN INTERPROFESSIONNALITÉ

Côté soignant, pour lever le tabou, un des leviers peut être de parler de santé sexuelle et de vie intime plutôt que de sexualité, et ainsi positionner le professionnel sur le terrain médical. Les équipes doivent ensuite instaurer une communication de qualité pour permettre à la personne en souffrance d’exprimer ses besoins. « Il faut commencer par repérer la souffrance, puis effectuer une évaluation régulière des besoins, notamment ceux liés aux effets secondaires des traitements et de la maladie », indique Éliane Marx, précisant qu’un travail en interprofessionnalité est fondamental. D’autant que l’oncosexualité relève des soins de support, ce qui implique une approche globale du patient. « Les problèmes de sexualité ne sont pas une fatalité, rappelle le Dr Aupomerol. Il faut certes informer les patients qu’ils peuvent avoir des troubles mais aussi qu’il existe de nombreuses solutions. » Les traitements vont varier en fonction des besoins. Il peut s’agir de traitements locaux mais aussi de consultations avec une socio-esthéticienne pour travailler l’image du corps.

Info +

L’édition 2021 du livret « Préserver sa sexualité », réalisé par la Fondation Arc en collaboration avec Rose magazine, est disponible gratuitement en ligne sur : bit.ly/3k1bYKA

Savoir +

Du 7 au 13 juin 2021, la Fondation Arc a mené une enquête auprès de 521 malades du cancer âgés de plus de 40 ans. 40 % d’entre eux se sont posé des questions sur leur sexualité au cours de leur maladie. 73 % des personnes interrogées révèlent que cette question n’a jamais été abordée par l’équipe soignante et 76 % disent n’avoir reçu aucune information sur le sujet. Parmi celles qui ont cherché des renseignements, 59 % se sont rendues sur Internet, 26 % ont demandé à d’autres patients atteints de cancer et 23 % à leur entourage.