Un fil dans le flou - L'Infirmière Magazine n° 415 du 01/05/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 415 du 01/05/2020

 

CELLULES DE SOUTIEN ÉTHIQUE

DOSSIER

Conformément aux préconisations du Comité consultatif national d’éthique (CCnE) en date du 13mars, les espaces éthiques régionaux ont mis en place des cellules de soutien éthique pour aiguiller les soignants face aux questions difficiles.

si, heureusement à ce jour, les services de réanimation français n’ont pas eu, contrairement à l’Italie, à faire de tri entre les patients admissibles pour des raisons de manque de places, l’hypothèse avait été envisagé très tôt. Saisi par le ministre de la Santé, fin février, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu un avis le 13 mars sur les enjeux éthiques face à la pandémie. « Dans le contexte, la place d’une réflexion éthique dans les choix de réorganisation des services de santé devant faire face à la gestion de ressources rares (lits de réanimation, ventilation mécanique) devient incontournable, expliquait alors à la presse son président, le Pr Jean-François Delfraissy. Des cellules de soutien éthique doivent permettre d’accompagner les professionnels de santé au plus près de la définition de leurs priorités en matière de soins. » Le message a été entendu par les différents espaces éthiques régionaux, qui se sont mis très rapidement en ordre de marche pour répondre à ces questions.

Des échanges à favoriser

L’espace éthique d’Île-de-France, la plus ancienne de ces structures (1), avait déjà produit en 2009 une réflexion éthique importante autour de la grippe A. « Dès le début de la crise, nous avons créé l’Observatoire Covid éthique et société, explique Sébastien Claeys, responsable de la médiation de l’espace éthique. Nous avons mis en place des groupes de travail sur des sujets précis, dont la vulnérabilité des personnes âgées en Ehpad et à domicile, le handicap, la précarité des migrants et des sans-abri, les pratiques hospitalières de réanimation autour des questions de tri ainsi que la fin de vie. » Un appel à témoignages a aussi été lancé. « Nous avons remarqué que libérer la parole est très important pour faire le point et discuter des enjeux », commente Sébastien Claeys. Plusieurs rapports ont été publiés, depuis début avril, ainsi que des réflexions éthiques sous forme de podcast vidéo sur le site web de l’espace éthique.

Autre exemple, l’espace éthique de la région Centre Val de Loire a choisi de mettre en réseau les différentes structures éthiques existant dans les départements pour leur permettre d’échanger lors de visioconférences auxquelles participent un philosophe, un juriste et une historienne.

Des sollicitations diverses

Au CHU de Tours, la cellule éthique existante a été élargie aux autres établissements, Ehpad et professionnels libéraux du département. Composée de médecins, d’IDE et de psychologues, elle peut répondre aux questions des équipes. « L’accompagnement consiste à faire un chemin avec eux pour les aider à expliquer les arguments qui fondent leurs décisions, explique la Dr Béatrice Birmélé, directrice de l’espace éthique de la région. Dans une réflexion éthique, toutes les paroles, du chef de service à l’aide-soignante, ont la même valeur même si c’est, in fine, le médecin qui prend une décision. » Séverine Lalande, ancienne IDE au CHU et cadre de santé formateur, fait partie de cette cellule. « La première sollicitation que nous avons reçue venait des personnels d’un Ehpad qui s’interrogeaient sur la questions du confinement des personnes présentant des troubles cognitifs, notamment dans des unités Alzheimer », explique-t-elle. La réponse a été formulée sous forme d’une conduite à tenir, rappelant le contexte réglementaire et proposant des solutions concrètes. Par exemple, la création d’espaces de déambulation distincts entre résidents infectés et non infectés. Elle a été mise à disposition de tous sur le site de l’espace éthique. « Nous avons aussi été saisis par des infirmières au sujet de l’accompagnement des familles en deuil qui ne pouvaient accéder au corps de leur proche », indique Séverine Lalande. La cellule peut encore répondre à des questions d’équipes sur des cas particuliers, après des saisines écrites. « Le risque dans cette situation épidémique est de prendre des décisions hâtives malgré le souci de bien faire, souligne Séverine Lalande. En éthique, même dans l’urgence, il faut toujours prendre le temps d’une réflexion pluridisciplinaire pour entendre tous les points de vue avant de décider. »

1- il est l’émanation de l’espace éthique de l’Ap-Hp, fondé en 1995.

SOURCES UTILES

« Contribution du CCNE : enjeux éthiques face à une pandémie », avis du 13 mars 2020. Disponible sur : bit.ly/2yfT1xS

Espace éthique d’Île-de-France : www.espace-ethique.org

Espace éthique du Centre Val de Loire : www.ererc.fr