Je travaille dans un service Covid-19 et je suis très angoissée. Que faire ? - L'Infirmière Magazine n° 415 du 01/05/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 415 du 01/05/2020

 

ÉPIDÉMIE

SUR LE TERRAIN

MON QUOTIDIEN

ANNE-GAËLLE MOULUN  

En cas d’angoisses liées au Covid-19, il ne faut pas avoir d’appréhension à appeler une ligne d’écoute spécialisée pour parler avec un psychologue. Plusieurs centres hospitaliers ont mis en place ce type de service à destination des soignants et agents hospitaliers dans le cadre de l’épidémie(1). Il ne s’agit pas d’une psychothérapie mais d’échanges informels. Au CHU d’Amiens, « le collège des psychologues tient une permanence téléphonique depuis le 30 mars, explique Alexandre Lemonnier, psychologue clinicien au sein de la structure. Nous nous relayons avec d’autres volontaires afin d’avoir une certaine régularité des intervenants selon les jours », détaille-t-il. Il note que le qualificatif de « héros », qui est actuellement associé aux soignants, leur fait en réalité beaucoup de tort. « C’est un terme dangereux car cela met une pression sur les soignants, qui ne se donnent pas le droit d’être vulnérables, regrette-t-il. Nous voudrions leur rappeler que même s’ils travaillent en première ligne face au Covid-19, ils peuvent avoir besoin de parler, d’être écoutés et entendus. Il faut se laisser le droit d’appeler à l’aide. » Ce même collège de psychologues a en outre édité un livret sur la gestion du stress en cette période d’épidémie. « Nous donnons des conseils utiles pour mieux vivre les émotions », indique Alexandre Lemonnier. Par exemple, il souligne qu’il est « important de continuer à bien manger, bien bouger et bien dormir. Si cette base n’est pas là, nous pourrons donner tous les conseils que nous voulons, nous ne parviendrons pas à améliorer les choses », estime-til. Le livret indique encore qu’il faut rester en lien avec ses proches, limiter l’exposition aux médias qui amplifient le sentiment anxiogène ou encore garder du temps pour soi.

1- Consulter la liste sur : www.ajpja.fr/actualites

LES BONNES PRATIQUES

Ne pas hésiter à solliciter une ligne d’écoute psychologique. Cela peut se faire de façon anonyme.

Garder une bonne hygiène de vie : bien manger, bien bouger, bien dormir.

Utiliser le téléphone, les réseaux sociaux ou les applications pour rester en lien avec ses proches.

Limiter l’exposition aux médias à vingt minutes par jour pour éviter un effet anxiogène.

Se prévoir du temps pour soi pour décompresser après le travail. Ne pas oublier de faire des pauses au travail également.

Respecter les règles d’hygiène : se laver les mains régulièrement, ne pas porter son masque plus de quatre heures, ne pas porter de bijoux au travail.

Se surveiller régulièrement et surveiller ses proches (température, symptômes).

Respirez… déstressez

« Pour gérer une émotion, le souffle peut nous aider, explique alexandre Lemonnier. Il peut juguler jusqu’à 50% de notre émotion. » il suggère par exemple l’exercice de la “respiration carrée”. on imagine les quatre côtés d’un carré et on s’installe sur une chaise en maintenant une posture ouverte. on respire par le nez en sentant les mouvements de l’abdomen qui se gonfle et se dégonfle : inspirer pendant deux secondes, pour le premier côté du carré, puis suspendre sa respiration pendant deux secondes sur le second côté, expirer pendant deux secondes et suspendre à nouveau son souffle pendant deux secondes, sur les 3e et 4e côtés. Faire entre 10 et 20 cycles. autre exercice : inspirer par le nez, puis bloquer la respiration et serrer les poings. en maintenant les poings fermés, lever les épaules, puis souffler en relâchant tout en faisant glisser dans les mains tout le stress. Cela permet un relâchement à la fois musculaire et psychologique.

Précautions d’hygiène

Pascale Chaize, vice-présidente de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H), rappelle les bonnes pratiques :

À l’hôpital : les soignants doivent appliquer les protocoles Covid de leur établissement. ainsi, certaines précautions standards, peu appliquées jusqu’alors, sont davantage comprises : le port de lunettes de protection est impératif chaque fois qu’il y a risque de projections. il y a aussi risque de contamination lorsque l’on porte au visage, sur les muqueuses de la bouche, du nez ou des yeux, nos mains souillées, que celles-ci soient gantées ou non. il faut également être vigilant et se frictionner les mains après avoir touché son masque. en théorie, le masque devrait être changé à chaque soin…

À la maison : au moment de rentrer chez soi, le vestiaire doit être une zone tampon. il faut changer sa tenue professionnelle, tous les jours si possible. La douche peut être prise au travail ou à la maison. Les bijoux des mains et des poignets ne seront remis qu’ensuite. Que l’on travaille en secteur Covid ou en secteur protégé, comme en Ehpad, il faut bien se surveiller, contrôler sa température au moindre doute. enfin, la distanciation sociale doit être respectée, aussi bien quand l’on fait ses courses que lors des pauses sur le lieu de travail.