EN EHPAD, ON MISE SUR L’ORGANISATION ET LA SOLIDARITÉ - L'Infirmière Magazine n° 414 du 01/04/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 414 du 01/04/2020

 

CORONAVIRUS

ACTUALITÉS

FOCUS

ÉLÉONORE DE VAUMAS  

Près de Bordeaux, dans un Ehpad de 110 lits, tout est mis en oeuvre pour épargner les résidents du Covid-19. Explications avec Julie Lavigne, directrice de cet établissement.

Déclenchement du Plan bleu ou pas, dès le 6 mars, la résidence des Jardins de Leysotte, à Villenave-d’Ornon (33) a tout mis en oeuvre pour protéger ses résidents. La direction a pris les devants en limitant les intervenants dans l’enceinte de l’Ehpad aux seuls kinésithérapeutes et orthophonistes, à condition qu’ils suivent, à la lettre, le protocole d’hygiène obligatoire : solution hydroalcoolique, prise de température, masque chirurgical, questionnaire coronavirus. La même tolérance est observée pour les proches dans la situation exceptionnelle d’une fin de vie. De même, toutes les interventions à domicile sont maintenues, toujours dans le respect strict des mesures barrières. « Concrètement, au 17 mars, et malgré l’absence de cas dans notre établissement, toutes les interventions extérieures d’agrément sont annulées. Pour éviter des allersretours inutiles, notre médecin coordonnateur s’est aussi mis en lien avec ses confrères en leur proposant de renouveler les ordonnances », inventorie Julie Lavigne, directrice de l’Ehpad girondin.

Préparatifs divers

Si l’organisation interne semble pour le moment sous contrôle, un problème de matériel de protection risque de se poser rapidement. « Je ne suis pas suffisamment équipée en masques chirurgicaux. Et, sans nouvelles de l’ARS, je ne sais pas quand je pourrai être livrée », s’inquiète Julie Lavigne. Côté ravitaillement, au-delà de la préparation des menus de la semaine réalisés de manière normale, la résidence dispose d’un stock d’une semaine de produits alimentaires à cuisiner facilement. Parce que la crise sanitaire devrait prendre de l’ampleur dans les prochaines semaines, la direction planche, depuis quelques jours déjà, sur un plan de continuité d’activité. « Avant les annonces gouvernementales, nous avions déjà sollicité les personnels soignants pour savoir s’ils avaient des modes de garde alternatifs. Maintenant que nous savons que les enfants seront gardés, il faut anticiper l’éventuelle contagion des soignants de façon à maintenir coûte que coûte l’activité auprès de nos résidents », précise Julie Lavigne. Dans cette même logique, deux soignants récemment partis à la retraite ont accepté de reprendre du service au cas où la situation se dégraderait.

Élan de solidarité

Informé par des points quotidiens de l’évolution des mesures, le personnel soignant s’adapte et fait même preuve d’un élan de solidarité renforcé. « Ils veulent vraiment rendre service, salue la directrice. Ils ont bien conscience que c’est compliqué pour les résidents d’être coupés physiquement de leur famille, même si des solutions numériques ont pu être mises en place. Cela ravive le sens de leur mission. » Reste à savoir si, face à la crise sanitaire majeure qui se profile, cet élan pourra se maintenir. En attendant, la directrice estime qu’elle « est extrêmement bien gérée » : « Je trouve que les in formations transmises par la DGCS (Direction générale de la cohésion sociale, NDLR) sont claires et plutôt transparentes, confirme-t-elle. On ne nous laisse pas seuls dans nos établissements, et on nous soutient autant que possible avec des procédures adaptées à cette situation. »

TÉMOIGNAGES

« JE ME POSE BEAUCOUP DE QUESTIONS SUR LA FAÇON DONT NOUS ALLONS FAIRE FACE si un patient venait à contracter la maladie. Je ne suis pas sûr que l’isoler suffira. J’ai un enfant de 19 mois à la maison et ma femme est enceinte, je ne veux pas ramener ce truc chez moi. »

ALEXANDRE, AIDE-SOIGNANT

« JE CRAINS UNE DÉGRADATION DE L’ÉTAT DE CERTAINS RÉSIDENTS dont on ne pourra pas maintenir le niveau d’autonomie car on limite les interventions des kinés. Nous avons d’ailleurs dû hospitaliser un résident victime d’une chute en raison d’une insuffisance de kiné. De manière générale, nous fonctionnons à effectif réduit avec deux IDE au lieu de trois depuis plusieurs mois et en effectif dégradé pour les AS. Il y a aussi une vraie tension au sein des équipes, liée à la crainte, très anxiogène, d’être à terme obligés de dormir sur place tout une semaine pour limiter les entrées et sorties, de ne pas pouvoir rentrer chez soi… »

MORGANE, IDE EN CHARENTE