ÉCOLOGIE RIME AVEC ÉCONOMIES - L'Infirmière Magazine n° 413 du 01/03/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 413 du 01/03/2020

 

EXPÉRIMENTATION

ACTUALITÉS

FOCUS

ISABEL SOUBELET  

Réduire les déchets, diminuer le gaspillage et développer les achats responsables… Tels étaient les thèmes analysés par l’Ademe lors d’une opération auprès d’établissements de santé et médicaux-sociaux. Sur le terrain, les IDE sont directement concernées.

Pendant neuf mois, l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a accompagné 17 établissements volontaires – 14 établissements sanitaires et trois Ehpad – dans le cadre d’une opération santé témoin sur le thème de l’économie circulaire(1). Cette opération, menée en partenariat avec les fédérations professionnelles(2) et l’Agence nationale d’appui à la performance (Anap), a permis d’analyser les pratiques des établissements.

Des résultats prometteurs

« L’objectif est de démontrer, sur quelques cas, l’intérêt économique et environnemental de la mise en place de gestes qui permettent de prévenir et réduire la production de déchets, souligne Pierre Galio, chef du service consommation et prévention à l’Ademe. Notre prestataire a réalisé un audit dans chaque établissement, puis rédigé un plan d’action dans une démarche de co-construction avec les équipes de chaque site. Ce dernier a validé les actions et s’est engagé à les suivre. Le but est de montrer que les actions sont réalisables, reproductibles, et le plus souvent à coût nul ou quasiment nul. C’est le premier “pied dans la porte” d’une démarche vertueuse ! Notre rôle est ensuite de relayer ces cas afin de massifier et développer les bonnes pratiques dans la santé. »

Si on comptabilise l’ensemble des actions réellement menées par les sites du panel, les résultats sont encourageants. Au total, les 17 établissements ont réalisé une économie de 390 000 € par an, créé 45 filières supplémentaires de valorisation des déchets, réduit le gaspillage alimentaire de 90 tonnes par an, dont 2,5 tonnes de pain, dé tourné 74 tonnes de déchets de la poubelle des déchets d’activités de soins à risques infectieux (Dasri), et formé 21 acheteurs aux achats responsables.

Des Dasri réduits de moitié

La clinique du Val-d’Ouest, située à Écully (69), spécialisée en médecine, chirurgie, obstétrique (MCO), est l’un de ces établissements fortement investis dans la réduction de ses déchets. Elle dispose de 241 lits, réalise 2 700 accouchements par an et emploie 130 infirmières, 70 aidessoignantes et 30 sages-femmes. Elle s’est attaquée notamment aux Dasri. « Nous avons réalisé un audit sur 15 sacs et 37 kg de déchets. Au final, 25 % des déchets n’étaient pas à leur place ! Il y avait des sets non souillés, des flacons de Bétadine, des champs stériles propres, des gants, des charlottes, des papiers… », explique Brice Guérin, responsable contrôle de gestion et performance, et chef du projet. L’équipe opérationnelle d’hygiène (médecin, pharmacien, IDE) s’est mobilisée pour améliorer le tri. « Nous avons remis à jour les référentiels de tri, validés par le Clin(3) bien sûr, et travaillé sur la sensibilisation du personnel avec de nouvelles affiches, souligne Nathalie Oberger, infirmière hygiéniste et infirmière en salle de réveil. Elle effectue un gros travail sur le terrain auprès des IDE de jour et de nuit sur le risque psycho-émotionnel. « Soit le matériel est infecté, soit il ne l’est pas. Je forme les nouveaux arrivants et je sensibilise au tri à chaque formation en hygiène. Il faut sans arrêt rappeler les choses. Plus le travail est simplifié, moins il y a d’erreurs, poursuit Nathalie Oberger. Aujourd’hui, nous avons constaté que dans les services quotidiens – hors bloc opératoire et salle d’accouchement – quasiment plus rien n’était mis en Dasri. C’est le résultat d’un travail collectif fait avec la maintenance, les cadres de santé, le Clin, les correspondants hygiène de chaque service, la direction, le prestataire, les services à risque, la pharmacie… » Et cela porte ses fruits. La clinique a réduit de 50 % ses Dasri entre le premier semestre 2018 et fin 2019.

Autre initiative menée par cet établissement : la mise en place d’une borne de récupération des nourrettes (biberons prêts et remplis à usage unique) près d’un espace de détente. « Nous avons sensibilisé les auxiliaires de puériculture mais, bien sûr, cela reste un geste volontaire de la part des jeunes mamans », explique Brice Guérin. Depuis la moitié de l’année 2018, ce sont ainsi 20 000 nourrettes en plastique qui ont été reprises par le fournisseur de lait.

Pour mener à bien de tels projets, l’implication de tous est essentielle. « Dès le départ, j’ai constitué un groupe interdisciplinaire. C’est une étape indispensable pour réussir dans la démarche », confirme Brice Guérin. Pour conclure, « c’est un secteur qui a un potentiel énorme et où les acteurs de terrain comme les infirmières ont un rôle majeur à jouer, affirme Pierre Galio. Beaucoup d’actions relèvent du changement des comportements et cela demande du temps. Il faut apprendre à faire un pas de côté et à revoir ses pratiques. Mais, dans tous les cas, intégrer une démarche d’économie circulaire crée une motivation d’équipe. » Faire travailler ensemble les différents services et pôles d’un établissement, c’est la clé d’une démarche vertueuse qui bénéficiera à tous.

1- Rapport de cette opération à lire sur : bit.ly/37eg3fc

2- Fédération hospitalière de France (FHF), Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (Fehap).

3- Comité de lutte contre les infections nosocomiales.