« ON NE PEUT PAS S’EN PASSER » - L'Infirmière Magazine n° 413 du 01/03/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 413 du 01/03/2020

 

NUMÉRIQUE EN SANTÉ

ACTUALITÉS

FOCUS

HÉLÈNE TRAPPO  

Alors que s’achève le tour de France des régions de la e-santé, la rédaction a rencontré Laura Létourneau, déléguée ministérielle du numérique en santé(1).

Quelles sont les missions de la délégation ministérielle du numérique en santé (DNS) ?

Elles cherchent d’abord à définir, à coconstruire le « pourquoi » et le « quoi ». Nous en sommes vraiment convaincus : le développement du numérique en santé doit s’inscrire dans un cadre profondément humaniste et éthique. Ce ne sont pas que des mots. Une cellule éthique travaille depuis plusieurs mois de manière très concrète sur l’éthique du numérique en santé. Pour ce qui est du “quoi”, notre vision est que les services numériques doivent s’organiser selon la démarche dite d’État plateforme qui définit la juste place des acteurs, publics versus privés. Ensuite vient la question du « comment ». Beaucoup de monde gravite autour du numérique en santé. On a besoin d’un chef d’orchestre (c’est le rôle de la DNS), qui fasse la coordination et soit le garant de qui fait quoi, entre les acteurs publics régionaux et nationaux, et ceux du privés, pour que chacun soit sur le terrain de jeu qui est le sien.

Quels sont les enjeux ?

Le numérique n’est pas une fin en soi. On s’y engage parce qu’on est convaincu qu’il est indispensable à la transformation du système de santé, à la conservation du modèle de solidarité à la française. C’est pour cela qu’il est nécessaire d’accélérer le virage numérique. Il va contribuer à avoir une meilleure coordination entre professionnels de santé. On parle tout le temps de parcours patient, de décloisonnement ville-hôpital. Pour cela, les professionnels doivent pouvoir disposer d’outils interopérables et sécurisés, permettant de faire passer par exemple un compte-rendu de prise de sang du labo à l’hôpital. Le numérique va aussi permettre au citoyen d’être un acteur de sa santé. Il faut vraiment qu’il puisse avoir en main à la fois ses données et les services numériques qui lui donneront accès à une meilleure prévention, un meilleur diagnostic, une meilleure prise en charge. À ressources égales, on peut faire beaucoup mieux, en partie grâce au numérique. Prenons, par exemple, le nombre d’actes, que ce soit de l’imagerie ou des examens refaits faute de suivi ou de partage d’information entre professionnels. On ne peut se passer du numérique mais pour l’instant, la France n’est pas au niveau des enjeux.

Quelle est la démarche pour développer le numérique ?

Il y a trop peu d’interopérabilité des systèmes d’information, les outils ne sont pas assez ergonomiques, le patient n’a pas suffisamment de services numériques à disposition. Il faut que chacun se repositionne à sa juste place pour entrer dans un cercle vertueux. Le rôle des pouvoirs publics est, d’une part, de définir les règles selon trois piliers : l’éthique, la sécurité, l’interopérabilité. Il est de superviser le développement d’infrastructures de base qui permettent d’échanger. En revanche, il n’est pas de faire des services numériques à destination des professionnels ou des citoyens comme cela est le cas. Une fois les fondations de la maison posées, les services socles élaborés, il faut les faire appliquer de manière très volontariste. Il faut que le DMP soit structuré et ouvert sur l’écosystème, un cadre d’interopérabilité actualisé régulièrement, une messagerie sécurisée de santé qui marche, etc. Lorsque tout cela est effectif, il faut le faire appliquer à tous les acteurs.

Quels leviers a-t-on pour être coercitif ?

Le premier levier, c’est l’opposabilité c’est-à-dire inscrire dans la loi que ces référentiels et ces services socles sont obligatoires. Il faut ensuite contrôler qu’ils sont respectés et aussi conditionner les financements distribués à leur respect. Le deuxième volet est celui du choc de la transparence. Dans les deux plateformes que sont l’espace de santé et le bouquet de services, seuls seront intégrés les applications et logiciels qui respectent les fondations de la maison. Ce sera très visible, je cherche une appli diabète, si elle est là, c’est qu’elle ne fait pas n’importe quoi avec mes données de santé, qu’elle joue le jeu de l’ouverture avec l’interopérabilité, qu’elle va pousser mes informations médicales dans mon DMP afin que je puisse avoir l’historique, qu’elle intègre la e-prescription. On est en train de constituer tout un arsenal d’outils qui vont de l’outil simple d’auto-déclaration rendue publique à des outils de test.

Concrètement, en quoi cela peut aider une infirmière ?

Un des gros atouts du bouquet de services aux professionnels, ce sera justement de pouvoir recommander des outils labellisés et fiables. C’est aussi important de se raccrocher aux outils de coordination qui peuvent être mis en place par les autorités régionales de santé, comme par exemple Paaco-globule en Nouvelle-Aquitaine qui marche très bien.

1- Ingénieure des Mines, elle a été nommée à cette fonction en avril 2019. Elle a débuté sa carrière en 2012 chez Unicancer.

POUR ALLER PLUS LOIN

→ Voir la feuille de route « Accélérer le virage numérique en santé » et le document « Avancement du “virage numérique en santé”, décembre 2019 », sur https://esante.gouv.fr