Comment gérer un patient impatient ? | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 407 du 01/09/2019

 

RELATION SOIGNANT/SOIGNÉ

SUR LE TERRAIN

MON QUOTIDIEN

CÉCILE LAGARDE-BASSI*   SOPHIE MONTAGNIER**   ANNE-GAËLLE MOULUN***  


*médecin urgentiste
**cadre de santé

Votre patient s’agite, crie, s’énerve, parce que vous ne le prenez pas en charge assez vite ? Quels sont les bons réflexes à adopter ? « Dans l’évolution de l’accueil des patients aux urgences, nous constatons que les gens sont de plus en plus impatients, assure Sophie Montagnier, cadre de santé aux urgences de Lyon-Sud. Les urgences sont un mini-reflet de la société et nous observons que les individus veulent tout, tout de suite : être reçus immédiatement, obtenir de l’information, avoir un pansement, etc. Ce qui est paradoxal, c’est qu’ils savent que les urgences sont engorgées, qu’il y a six ou sept heures d’attente et pourtant, ils viennent quand même. » Alors, que faire lorsque le malade commence à s’impatienter, à crier ou à devenir agressif ? « Bien souvent, celui qui crie n’est pas là pour le motif qu’il décrit en premier. La bonne attitude à avoir, c’est d’identifier la vraie demande, qui peut être différente de ce qui se voit, conseille Sophie Montagnier. Il faut aussi prendre en compte l’entourage, car dans sept cas sur dix, ce sont les proches qui s’impatientent plutôt que le patient lui-même. Il faut leur faire comprendre que le temps des urgences n’est pas le temps du dehors, que pour avoir les résultats d’une prise de sang par exemple, il faut une demi-heure voire trois quart d’heure. Ce qui génère beaucoup d’impatience et d’agressivité, c’est quand les patients ne sont pas au courant de ce qui se passe. L’écoute et le dialogue permettent généralement d’apaiser les situations », estime-t-elle. Dans certains hôpitaux, comme à Marseille ou à Lyon par exemple, des médiateurs sont mis en place dans les services d’urgences afin de faire le lien entre soignants et patients.

La bonne méthode

→ La communication non violente (CNV) est un bon moyen de désamorcer l’agressivité. Formée à cette approche depuis cinq ans, le Dr Cécile Lagarde-Bassi, médecin urgentiste à l’hôpital de Pontoise (95), explique : « Je suis régulièrement en contact avec des patients agressifs et impatients. Grâce à la CNV, j’ai compris qu’un patient agressif a en réalité un besoin qui n’est pas nourri. Il faut trouver ce besoin afin de renouer le dialogue avec lui. Je commence par prendre une grande respiration, j’y mets tous les jugements sur ce patient. Cela me permet d’éviter la réponse en réaction. Puis, si je veux rester en lien avec lui, la CNV propose de reformuler ses propos, parfois plusieurs fois. Quand il se sent entendu et que la tension baisse, on peut aller chercher les besoins et sentiments derrière son message agressif et lui proposer des solutions. Enfin, on peut lui faire passer un message d’éducation. Mais si on ne l’a pas écouté d’abord, il ne nous écoutera pas. »

LES BONNES PRATIQUES

→ Identifier la vraie demande du patient.

→ Connaître les signes d’alerte pour vite détecter une pathologie potentiellement grave.

→ Inclure l’entourage dans la prise en charge du patient.

→ Informer le patient de ce qui l’attend, de la façon dont va se dérouler sa prise en charge.

→ Utiliser la communication non violente pour désamorcer l’agressivité.

→ Prioriser les soins puis s’assurer que l’ordre est bien respecté.

→ Si le patient n’est pas pris en charge aussi rapidement que prévu, retourner le voir pour s’assurer qu’il va bien.

→ Savoir dire « non » aux interactions non urgentes.

→ Apprendre à gérer son stress et ne pas hésiter à débriefer avec les collègues en cas de difficultés.

→ Garder une juste distance professionnelle et ne pas prendre pour soi le stress ou l’impatience des patients.

Un patient libre d’aller et venir

Si le patient s’impatiente au point de partir des urgences et qu’il lui arrive quelque chose, l’hôpital peut-il être tenu responsable ?

Quel risque ? La responsabilité de l’hôpital peut toujours être recherchée par un patient dans le cadre d’un contentieux, « mais il est impossible de dire si elle sera reconnue par le juge, explique Stéphanie Parent, de la direction des affaires juridiques des Hospices civils de Lyon. En effet, déterminer les responsabilités de chacun de manière a priori est un exercice difficile. Cette analyse ne peut être conduite que dans le cas d’une expertise et/ou une enquête dont l’issue sera différente selon les cas d’espèce. »

Les règles à respecter Pour autant, il existe deux grands principes à respecter : le libre choix du praticien par le patient et la liberté d’aller et venir de ce dernier. Une personne hospitalisée peut à tout moment quitter l’établissement, même contre avis médical. En ce cas, elle doit être informée des risques qu’elle encourt et signer une attestation de refus, qui est portée à son dossier médical. Lors d’une sortie à l’insu du service, qui n’est pas prévue par les textes, le personnel peut faire des recherches, proportionnelles aux risques que court le patient. S’il n’est pas retrouvé et qu’il présente un réel danger pour lui-même ou autrui, le personnel transmet l’information à la police.