VOYAGE AU CENTRE DU SOIN - L'Infirmière Magazine n° 367 du 01/01/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 367 du 01/01/2016

 

L’INVITÉ

ACTUALITÉS

SUR LE WEB

À l’Ifsi, on nous a rabâché l’importance de l’analyse de la pratique professionnelle. Pour moi, tout cela restait assez flou et conceptuel, jusqu’à ce que je commence à voyager… En effet, quelle meilleure manière d’apprendre, que d’être confronté à une problématique de soin inhabituelle ? Hormis le fait de se dégourdir personnellement, voyager nous offre une ouverture d’esprit professionnelle, chose que l’on recherche chez les IDE, loin d’être de simples exécutantes de prescriptions médicales.

Actuellement en Guyane, il n’est pas rare que je sois confrontée à des situations de soins qui m’interpellent : comment réagir face à une enfant de 12 ans enceinte ? Comment réussir une éducation thérapeutique sur le diabète chez un patient démuni, qui vit sur le fleuve et ne parle pas français ? La communication est la base de la relation de confiance soignant-soigné ; il paraît donc nécessaire que l’infirmière s’adapte à la situation médico-sociale du patient pour prodiguer ses soins.

Lorsque l’on voyage, il est important de se renseigner sur les populations que l’on va rencontrer, leurs us et coutumes, leur langue… Un véritable défi en Guyane, vu le nombre de langues parlées : sranan tongo – la langue des « Noirs Marrons » –, portugais (parlé par les nombreux Brésiliens), créole, hmong, anglais, français… Mais le fait de connaître quelques mots peut mettre le patient à l’aise et permet d’aller à « l’essentiel ». Une fois passée cette barrière, il est judicieux de se pencher sur la représentation du soin, mais aussi sur les conditions de vie de ces populations. Le manque de connaissance, la médecine traditionnelle par phytothérapie, la difficulté d’accès à un médecin car il faut des heures de pirogue pour remonter le fleuve… Tout est à prendre en compte, car cela a un impact sur l’hospitalisation du patient. Il est fréquent de voir des personnes arriver avec de grosses plaies infectées car elles étaient dans la jungle depuis des semaines (sur des camps d’orpaillages illégaux où les conditions d’hygiène sont quasi inexistantes), ou bien ne s’en sont tout simplement pas préoccupées. Et au vu des conditions climatiques, une simple plaie peut vite empirer ! Voyager pour soigner, soigner pour voyager, tout cela est intimement lié. C’est comme ça que je vois mon métier : le mélange entre plaisir personnel et amour professionnel.

Articles de la même rubrique d'un même numéro