PATIENT SCHIZOPHRÈNE : DU FACE-À-FACE AU TÊTE-À-TÊTE - L'Infirmière Magazine n° 367 du 01/01/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 367 du 01/01/2016

 

PSYCHIATRIE

ACTUALITÉS

COLLOQUES

Anne-Lise Favier  

Les premières Rencontres soignantes en psychiatrie, organisées fin novembre à Lille, ont mis en lumière des pratiques bienveillantes qui permettent de préserver la relation de soin lors d’épisodes psychotiques aigus.

Aborder un patient schizophrène, c’est être confronté à la question de la rupture des représentations du soi », expose Éliane Bourgeois, directrice des soins de l’établissement public de santé mentale Lille-Métropole et coordinatrice générale de ces Rencontres soignantes. Et c’est face à cette difficulté que les soignants doivent parvenir à tisser une relation de confiance avec le patient, surtout dans les situations de crise. « Contenir, c’est retenir avec des liens, poursuit-elle, mais c’est aussi nouer des liens, où tolérance et bienveillance sont présents. » Face à ce patient dont le comportement bouscule la manière classique d’aborder le soin, il existe pourtant des attitudes bienveillantes pour l’accompagner.

Ouverture

Pour Gilles Bangerter, professeur en soins infirmiers en Suisse, le dialogue de crise est une méthode qui a fait ses preuves. Conçue par un médecin et des infirmiers en psychiatrie de Lausanne et inspirée des travaux d’Henri Grivois, psychiatre parisien, elle s’intéresse à ce que vit le patient au moment où il entre dans un épisode psychotique : « C’est une vraie expérience que vous vivez » est une phrase que le soignant peut prononcer pour signifier au patient qu’il le prend au sérieux. Viennent ensuite les termes rassurants pour le tranquilliser : « Je ne pense pas qu’il va se passer quelque chose d’important, souvenez-vous, ça n’a pas toujours été comme cela » pour apaiser sa crainte d’un événement majeur. « L’idée est de montrer une ouverture vers le patient, explique Gilles Bangerter, d’assurer aussi une vraie présence, une réelle attention à sa parole pour tenter de construire un dialogue et de rendre cohérentes les choses qui ne semblent pas l’être. À côté de ces phrases clés qui peuvent aider, oubliez tout ce qui peut laisser au patient l’impression qu’on ne le croit pas, du style “avez-vous l’impression” ou “croyez-vous que”. Rappelez-vous que pour le patient, c’est une vraie expérience qu’il est en train de vivre ! »

Contention ou enveloppement ?

Et quand le dialogue n’est plus possible, le professeur conseille d’interrompre la séance, sans pour autant laisser le patient seul. À ce titre, certaines pratiques de soins sont évoquées, notamment la chambre d’isolement, pour laquelle Dominique Fontaine, cadre infirmier en unité pour malades difficiles au CH de Montfavet à Avignon (84), regrette que ce soit un acte protocolisé, non spontané, qui réponde peu à la problématique de prise en charge du patient. « Notre vocation de soignant est d’entourer, de rassurer le patient, et cette privation de liberté que représente la chambre d’isolement se banalise selon une logique comptable qui n’est pas adaptée à l’exercice infirmier », estime-t-il. À ses côtés, Raymond Panchaud, directeur des soins à la fondation de Nant, en Suisse, évoque les bienfaits du packing de soutien, pratique qui consiste à envelopper le patient dans un linge humide et qui entraîne un apaisement et favorise ainsi le retour du patient à une phase plus calme, propice au dialogue. Un environnement physique apaisant qui amène un environnement psychique plus favorable.

OUTIL

Une grille pour gérer l’agitation

S’il n’est pas toujours aisé pour le soignant d’appréhender la relation avec un patient psychotique, Ahmed Benaïche, infirmier spécialiste clinique au CH de Valenciennes (59) livre une grille d’appréciation pour la gestion de l’agitation, conçue l’année dernière. « C’est un outil à la fois clinique et pédagogique qui permet de mieux comprendre la personne psychotique et surtout de mieux l’aborder », résume-t-il. Faire face à l’agressivité du patient, repérer les temps d’éclatement et les signes d’apaisement, accepter l’instauration d’une distance thérapeutique et un respect sans la stigmatisation sont autant de pistes que ce soignant évoque pour un retour à un temps calme, favorable à l’interaction avec le patient.

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