DES POPULATIONS VULNÉRABLES - L'Infirmière Magazine n° 328 du 01/09/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 328 du 01/09/2013

 

VIH/SIDA

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

Le colloque annuel de l’association de lutte contre le sida Aides, organisé en juin, à Bobigny (93), s’est penché sur les inégalités d’accès au dépistage en banlieue parisienne.

Des quartiers très favorisés ont de mauvais taux de recours au dépistage, et vice versa », a déclaré d’emblée Thierry Chauvin, directeur de recherche à l’Inserm(1), lors du colloque organisé par l’association Aides sur les inégalités ­d’accès aux soins en banlieue. Le chercheur a présenté les données extraites de l’enquête Santé, inéga­lités et ruptures sociales(2), menée entre 2005 et 2009 auprès de plus de 3 000 ménages de l’agglomération parisienne. La cartographie extraite est, finalement, peu parlante. En ce qui concerne le frottis du col utérin, les facteurs les plus discriminants sont l’âge et les niveaux de revenus et d’éducation. Ainsi, 24,6 % des femmes ayant un niveau d’études inférieur ou égal au primaire n’ont jamais réalisé de frottis, contre 4,2 % de celles ayant poursuivi des études supérieures. L’isolement social a également un fort impact : 23,1 % des femmes déclarant aucune ou une relation amicale n’ont jamais réalisé l’examen. « Or, les femmes immigrées, nombreuses en région parisienne, cumulent souvent ces facteurs de vulnérabilité. » Quant au recours au dépistage du VIH, le chercheur a tenté de mettre en évidence un facteur culturel, soulignant que les personnes originaires du Maghreb sont celles qui y ont le moins recours. « Mais, c’est un ensemble de facteurs qui entravent l’accès au dépistage, liés au niveau de revenus, au pays d’origine et à la difficulté d’accès géo­graphique aux infrastructures de prévention », a-t-il nuancé.

Interprètes

Pour Arnaud Veisse, directeur du Comité médical pour les exilés (Comede), le problème culturel n’existe pas. « Ce qu’il faut, ce sont des interprètes pour parler aux migrants dans une langue qu’ils maîtrisent », soutient le médecin. 42 % des consultations réalisées dans son institution sont accompagnées par un interprète. « Les problèmes d’accès aux soins concernent surtout les étrangers irréguliers présents sur le territoire depuis moins de trois mois », remarque-t-il. Et de rappeler que si l’actuel gouvernement a abrogé la cotisation annuelle d’accès à l’aide médicale de l’état (AME), il a conservé les trois premiers mois de carence, durant lesquels il est de plus en plus difficile d’accéder à des soins (lire encadré). « Nous notons de réels progrès dans la prise en charge des patients séropositifs, mais les pathologies chroniques et psychiques sont totalement ignorées chez les exilés », ajoute le médecin. Par ailleurs, seules 11 % des personnes reçues au Comede ont bénéficié d’un bilan de santé adapté à l’épidémiologie de leur pays d’origine. Enfin, Thierry Brigaud, président de Médecins du monde, a attiré l’attention sur « l’aggravation des retards de soins » des populations qui fréquentent les centres d’accueil de soins et d’orientation de l’ONG, à Paris comme en banlieue. « Ils concernent un tiers de nos patients, constate le praticien. Nous connaissons une augmentation considérable du nombre de patients – 40 000 consultations annuelles – avec déjà 2 800 mineurs pour cette année. » Des enfants et des adolescents qui, pris en charge de droit par la protection sociale française, ne devraient jamais avoir recours aux consultations des ONG.

1– Institut national de la santé et de la recherche médicale.

2– L’objectif de cette analyse est de comparer les caractéristiques socio-sanitaires de trois sous-groupes de la population : résidents des zones urbaines sensibles, des quartiers ouvriers et des quartiers de type moyen ou supérieur.

PERSONNES ÉTRANGÈRES

Encore des refus de soins

Le Comede alerte sur les refus de soins dans les établissements hospitaliers. « à mai 2013, une trentaine de situations sont documentées, suite au comportement de médecins, d’assistantes sociales ou de gestionnaires des hôpitaux à l’égard de personnes récemment arrivées en France », a relevé Arnaud Veisse, le directeur. Des patients atteints d’un cancer sont, ainsi, privés d’une intervention chirurgicale nécessaire ou priés de payer à l’avance leurs séances de chimiothérapie ; d’autres, atteints de maladies chroniques, ne sont pas dirigés vers la permanence sociale qui permettrait d’ouvrir leurs droits. Quant aux étrangers en situation irrégulière qui sont sur le territoire français depuis moins de trois mois, ou qui dépassent le plafond de l’AME, ils pourraient avoir droit au Fonds pour les soins urgents et vitaux. Mais, selon Arnaud Veisse, les médecins rechigneraient à rédiger le certificat médical nécessaire, « en dehors des situations où le pronostic vital est engagé de manière imminente ».