La trachéotomie - L'Infirmière Magazine n° 303 du 15/06/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 303 du 15/06/2012

 

FORMATION CONTINUE

FICHE TECHNIQUE

La trachéotomie est un geste chirurgical qui consiste à inciser la face antérieure de la trachée afin d’insérer une canule. L’infirmière procède au changement de canule.

Sauf en cas d’urgence, la trachéo­tomie se pratique au bloc opé­ratoire sous anesthésie générale. Elle peut être réalisée en salle de réani­mation si le patient n’est pas transpor­table. La trachéotomie permet la venti­lation artificielle de longue durée.

INDICATIONS

La trachéotomie est indiquée dans les situations suivantes :

– intubation techniquement impossible (trachéotomie primaire) : tumeurs obstruant la glotte, oedème laryngé massif, blessure grave du visage, traumatisme laryngé  ;

– troubles de la déglutition permanents (coma, pathologies neurologiques) ;

– ventilation à domicile des insuffisants respiratoires chroniques.

COMPLICATIONS

En cours d’intervention

Il peut s’agir d’hémorragies, le plus souvent veineuses, et d’épanchements gazeux (emphysème sous-cutané, pneumothorax ou pneumomédiastin).

En postopératoire précoce

• Les complications sont :

– une détresse respiratoire, liée le plus souvent à un problème mécanique, comme l’expulsion complète ou partielle de la canule ou l’obstruction du tube de trachéotomie (par des sécrétions épaisses ou des caillots de sang) ;

– des hémorragies, souvent liées à un problème d’érosion des vaisseaux de la paroi trachéale à la suite d’une ulcération  ;

– les troubles de la déglutition, le plus souvent banals, mais toujours présents, car la canule entraîne une chute de la pression endopharyngée  ;

– une infection locale, le plus souvent modérée (inévitable, car il s’agit par définition de chirurgie septique), mais le risque de cellulite cervicale doit être connu.

Des complications tardives

Elles peuvent être :

– une sténose trachéale, de traitement difficile, liée à une pression excessive dans le ballonnet  ;

– une trachéomalacie  ;

– une fistule œsophago-trachéale.

SURVEILLANCE

La surveillance clinique et radiologique

• La pression du ballonnet sera mesurée régulièrement à l’aide d’un manomètre (la pression doit être comprise entre 15 et 30 cm d’H2O en fonction de la ventilation). Un ballonnet peu gonflé augmente le risque d’inhalation, et un ballonnet trop gonflé augmente le risque de lésion trachéale.

• La fixation de la canule devra être vérifiée (par un cordon en tissu ou un lien en mousse, sauf cas particulier des patients porteurs de lambeaux, chez lesquels les canules sont cousues à la peau).

• Le pansement sera refait quotidiennement : nettoyage et désinfection soigneux, puis protection en postopératoire avec des compresses stériles  ; à distance, les soins seront effectués en conditions d’asepsie, mais non stérilement.

• Par ailleurs, les règles sont les mêmes que dans l’intubation de longue durée :

– aspirations aseptiques et non traumatiques. La trachéotomie provoque une hypersécrétion trachéo-bronchique. Le patient ne pouvant tousser, il faut l’aspirer régulièrement. La fréquence dépendra de l’abondance des sécrétions  ;

– emploi d’un filtre humidificateur

chez le patient ventilé  ;

– humidificateur d’air pour le patient

en ventilation spontanée  ;

– instillations trachéales lors des

aspirations pour éviter la formation de bouchons  ;

– kinésithérapie respiratoire, si besoin.

L’alimentation sera assurée par une sonde gastrique.

Surveillance infirmière

– Mesure de la pression du ballonnet.

– Fixation de la canule de trachéotomie.

– Réfection du pansement.

– Régularité des aspirations.

CHANGEMENT DE CANULE

Le premier changement de canule est fait par le médecin, 48 heures à une semaine après la trachéotomie, car le trajet de la canule n’est pas toujours établi. Les changements suivants se font tous les 8 jours par l’infirmière. On tiendra à proximité le matériel d’intubation lors de toute manoeuvre de changement.

Le matériel

Il comprend :

– une canule du même calibre, avec mandrin et attache  ;

– une seringue de 20 mL, des compresses stériles, un antiseptique  ;

– du gel lubrifiant  ;

– des gants  ;

– un système d’aspiration fonctionnel  ;

– un écarteur à 3 branches  ;

– un pansement stérile fendu (métalline) ;

– un raccord annelé + un filtre humidificateur neuf  ;

– un haricot.

La technique

Le changement de la canule s’effectue en trois étapes après lavage antiseptique des mains.

• Première étape :

– préparer la nouvelle canule  ;

– contrôler l’étanchéité du ballonnet : injecter 10 cc d’air puis réaspirer  ;

– lubrifier la canule et le mandrin  ;

– placer le mandrin souple dans la canule  ;

– augmenter la FiO2 à 100 %.

• Deuxième étape :

– aspirer le malade  ;

– enlever l’attache et les compresses sales  ;

– ne pas dégonfler le ballonnet  ;

– nettoyer le pourtour de la canule en place  ;

– repérer la position de la collerette  ; pour la prochaine canule.

• Troisième étape :

– dégonfler le ballonnet  ;

– retirer l’ancienne canule et la jeter  ;

– nettoyer l’orifice rapidement  ;

– prendre la canule propre et l’insérer dans l’orifice  ;

– positionner la collerette  ;

– gonfler le ballonnet  ;

– fixer l’attache  ;

– glisser un pansement fendu sous la canule.

DIFFÉRENTS TYPES DE CANULE

Il existe deux grands types de canules, et le choix se fera en fonction du besoin du patient.

Les canules sans ballonnet

Les plus récentes sont en matière plastique souple ou semi-rigide, peu traumatiques, mais elles existent aussi en argent ou en acrylique. Toutes comprennent, en général, trois parties :

– la canule proprement dite  ;

– la chemise interne, qui s’enlève et se nettoie facilement  ;

– le mandrin, qui ne sert que pour la mise en place de la canule.

Les canules existent en différents diamètres et longueurs, et sont adaptées à tous les âges.

Les canules avec ballonnet

• Ces canules sont utilisées chez les patients ventilés artificiellement, le ballonnet assurant l’étanchéité du circuit respiratoire. Il faut utiliser des ballonnets de basse pression pour réduire au minimum le dommage trachéal. Il en existe une grande variété, en plastique rigide, semi-rigide ou souple, en différents diamètres et longueurs.

• Par ailleurs, il existe des canules fenêtrées, dont le corps présente un orifice à hauteur du trachéostome, en regard de la lumière de la trachée supérieure. L’obturation de la canule par un bouchon ou un clapet permet la parole et la respiration par les voies naturelles. On les appelle canules « parlantes ».

À retenir : le premier changement de canule est toujours fait par le médecin 48 heures après l’intervention.

Cet article est extrait de l’ouvrage Réa. L’infirmière en réanimation, par Thierry Lherm et Olga Saez, 2e édition, Éditions Lamarre, Série soins, 2009.

SOURCES UTILES

Des soins réglementés :

Le changement de canule est un geste qui doit être effectué uniquement par des soignants. Toutefois, la loi du 11 février 2005, indique dans son article 9 que « la personne concernée, losqu’elle est durablement empêchée de réaliser de tels gestes peut désigner un aidant naturel ou de son choix pour les réaliser » ; Les personnes désignées doivent être formées à ce geste par un infirmier ou par un médecin.

Rôle infirmier

Actes infirmiers relatifs au changement de canule par trachéotomie : Art. R. 4311-7, décret 2004-802 du 29 juillet 2004.