LES COMPÉTENCES REPENSÉES - L'Infirmière Magazine n° 287 du 15/10/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 287 du 15/10/2011

 

COOPÉRATIONS

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

Bien que lente, la mise en place des coopérations entre professionnels de santé pourrait bousculer les pratiques. Zoom sur un dossier prometteur, présenté à un colloque de l’Anap.

Conçues comme un outil pour accroître la « performance » du système sanitaire, les coopérations entre professionnels de santé(1) sont destinées à concourir à « une amélioration de l’organisation ou de la prise en charge des soins », a rappelé Patrick Chamboredon, président du conseil interrégional de l’Ordre des infirmiers Paca-Corse, lors de la première édition des Universités d’été de la performance en santé(2). Et Ljiljana Jovic, conseillère technique régionale à l’ARS d’Ile-de-France, de préciser que « ces coopérations sont possibles entre tous les professionnels de santé prévus par les textes. Pas uniquement entre médecins et infirmières, mais aussi entre infirmières et aides-soignantes, infirmières et kinésithérapeutes… ». Pour organiser ces transferts d’activité, les équipes doivent élaborer un protocole de coopération, qui expose précisément comment un acte autrefois réservé à certains professionnels pourra être effectué par d’autres. « Actuellement, l’élaboration d’un protocole est lourde et complexe », a admis Mme Jovic. C’est pourquoi seuls une dizaine de protocoles sont en cours de validation en Ile-de-France(4).

Légaliser des pratiques

L’un d’eux, au Centre hospitalier sud-francilien (Essonne), porte sur la réalisation d’échographies transthoraciques par une infirmière en lieu et place d’un cardiologue. « Réalisation, mais pas interprétation, ni pose de diagnostic », tient à préciser Pascale Picaud, cadre supérieur de pôle. C’est à une infirmière de cardiologie que l’on doit l’idée : spécialiste en explorations fonctionnelles, passionnée par son métier, elle a mené des recherches pour parfaire ses connaissances. Après un DU, forte de ses nouveaux acquis et d’une entente « cordiale » avec les cardiologues, la soignante s’est mise à effectuer des échographies.

« Tout le monde y trouvait satisfaction, le patient également. Pourtant, on était bien dans le cas d’un exercice illégal de la pratique médicale », constate Pascale Picaud. Pour légaliser et officialiser cette situation, la Haute Autorité de santé a orienté l’équipe vers un protocole de coopération. Il devrait apporter une amélioration de la prise en charge, comme l’exige la loi. En l’occurrence, une réduction du délai entre la demande d’échographie et sa réalisation. « Certains patients sortent de l’hôpital sans leur échographie, ce qui les oblige à revenir », déplore la cadre supérieure. De plus, une échographie réalisée précocement permet un diagnostic et une mise en place plus rapides du traitement. « Les compétences de cette infirmière ont été valorisées et reconnues dans l’établissement »,s’est réjouie Pascale Picaud.

1– Ces coopérations sont désormais encadrées par l’article 51 de la loi HPST du 21 juillet 2009.

2– Organisées par l’Anap (Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux), les 16 et 17 septembre, à Avignon. Tous les propos rapportés dans cet article y ont été tenus.

3– Voir la loi HPST et la loi Fourcade du 10 août 2011, qui a ajouté, notamment, les aides-soignantes et les auxiliaires de puériculture.

4– À l’heure où nous écrivions, seuls deux étaient mis en œuvre en France : la réalisation de myélogrammes par des infirmiers en Paca, et celle d’échographies par des manipulateurs d’électroradiologie en Haute-Normandie.

PRATIQUES AVANCÉES

Vers de nouveaux métiers ?

Danielle Cadet(1), coordinatrice générale des soins à l’hôpital Lariboisière-Fernand Widal (AP-HP), met en avant la notion de pratiques avancées pour les infirmières. « Elles sont centrées sur la pratique clinique », comme dans les pays anglo-saxons, et sont dites « avancées » car elles se distinguent de la pratique habituelle et permettent d’accéder à de nouvelles missions. Cela pourrait permettre de créer, dans les années à venir, des métiers de niveau intermédiaire entre l’exercice infirmier d’aujourd’hui et les médecins. « Les pratiques avancées existent dans de nombreux pays du monde, note Danielle Cadet. En République tchèque, elles ont permis de lutter contre la pénurie médicale et le vieillissement de la population. » Exemples de champ propice aux pratiques avancées : prévention et accompagnement des patients?; approche globale du parcours de soins complexe ; ou encore consultation infirmière qui inclurait des diagnostics et des traitements dans des prises en charge simples.

1– Co-auteure avec Laurent Hénart et Yvon Berland du « Rapport relatif aux métiers en santé de niveau intermédiaire », janvier 2011.