Le reflux gastro-œsophagien de l’adulte - L'Infirmière Magazine n° 287 du 15/10/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 287 du 15/10/2011

 

FORMATION CONTINUE

POINT SUR

Le reflux gastro-œsophagien (RGO) est une affection le plus souvent chronique. Bénin, il peut provoquer des symptômes désagréables et douloureux, parfois même des lésions. Les traitements permettent de rétablir une bonne qualité de vie et de cicatriser les éventuelles lésions.

1. DIAGNOSTIC

Le reflux gastro-œsophagien (RGO) a pour origine la remontée d’une partie du contenu gastrique dans l’œsophage, généralement à la suite d’une défaillance fonctionnelle du sphincter œsogastrique, d’une anomalie du péristaltisme œsophagien ou de l’existence d’une hernie hiatale. C’est le contact du liquide gastrique acide avec la muqueuse œsophagienne qui est à l’origine des signes cliniques de RGO.

→ Le diagnostic d’un RGO repose, typiquement, sur l’association de deux symptômes :

– le pyrosis : sensation de brûlure remontant du creux épigastrique le long de l’œsophage, et irradiant derrière le sternum vers le haut du thorax, voire le cou ;

– les régurgitations acides expliquant le pyrosis.

Ces signes, dont l’intensité n’est pas corrélée à la sévérité d’éventuelles lésions œsophagiennes, surviennent souvent à la suite d’un effort en antéflexion (ramasser un objet, etc.) ou en décubitus, particulièrement lorsque la position allongée suit le repas (sieste). Dans les cas extrêmes, la fréquence du RGO handicape le patient, qui hésite à lacer ses chaussures, à faire du vélo…

→ Lorsqu’il devient récurrent, le RGO peut induire des signes ORL à prédominance matinale (dysphonie, pharyngite, otalgie, fausse angine), des signes respiratoires (toux nocturne, aggravation d’un asthme) ou de violentes douleurs thoraciques évoquant un angor.

La clinique se suffit à elle-même chez un patient de moins de 50 ans. Une endoscopie digestive haute est réalisée au vu de signes atypiques, si le traitement n’est pas efficace, si la maladie récidive ou chez un sujet de plus de 50 ans. Les lésions œsophagiennes signent le diagnostic ou permettent d’en poser un autre (cancer œsophagien) ; il peut y avoir RGO sans signes endoscopiques visibles. La pH-métrie du bas œsophage, enregistrée sur 24 heures, permet de corréler des signes atypiques à une régurgitation acide.

2. ÉVOLUTION

Le RGO est généralement bénin, même s’il récidive souvent : dans environ 60 % des cas, il n’induit aucune lésion œsophagienne. Il peut, à long terme, évoluer vers une sténose peptique (rétrécissement de l’œsophage) ou un endobrachy-œsophage (dit, aussi, œsophage de Barrett) : la muqueuse du bas œsophage se transforme en un épithélium glandulaire de type gastrique, siège d’une dysplasie évolutive susceptible de se transformer en un adénocarcinome – surtout lorsque cette anomalie affecte un segment significatif de l’œsophage, allant de 2 cm à 10 cm. Cette tumeur, localisée dans l’œsophage, n’en correspond pas moins histologiquement à une tumeur stomachale, plus fréquente chez la femme.

3. TRAITEMENT

Le traitement médicamenteux(*) du RGO est généralement réalisé « à la demande » par la prise de médicaments relevant de trois familles.

→ Les topiques digestifs, qui exercent une action locale et purement symptomatique :

– les antiacides neutralisent l’acidité gastrique sans avoir d’effet alcalinisant systémique (Phosphalugel, Gélox, etc.). Leur action est brève et ils ne sont pas actifs sur les lésions œophagiennes. Administrés une heure et demie après le début de chaque repas, voire au coucher, ils sont connus pour réduire l’absorption d’un certain nombre de médicaments. De plus, ils apportent des ions aluminium susceptibles d’exposer à encéphalopathie (sujets insuffisants rénaux), à déplétion phosphorée ou à constipation ;

– les alginates (Gaviscon associé à un antiacide, Topaal, etc.) forment un gel protecteur surnageant sur le liquide gastrique. Il doivent être pris à distance des autres médicaments.

→ Les modificateurs du tonus sphinctérien sont d’un intérêt réduit. Le métoclopramide (Anausin, Prim­pé­ran, Prokinyl), ayant une structure de neuro­lep­tique, peut induire une somnolence, voire des signes extra­pyramidaux. L’effet de la dompéridone (Motilium, Péridys) reste modeste dans le RGO.

→ Les antisécrétoires gastriques constituent les médicaments les plus adaptés au traitement d’un RGO sévère ou handicapant :

– les antagonistes des récepteurs à l’histamine H2 (anti-H2) inhibent la sécrétion gastrique acide. Ils sont efficaces sur les symptômes et sur les lésions constituées. Toutefois, leur activité décroît avec le temps. Leur emploi est relativement réduit ;

– les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) inhibent la « pompe » permettant les échanges membranaires H+/K+, d’où leur action anti-acides. Ils induisent une cicatrisation des lésions œsophagiennes plus constante et plus rapide que les anti-H2, et leur activité ne s’épuise pas avec le temps.

4. CONSEILS AU PATIENT

→ Évoquer avec le médecin la prise de médicaments susceptibles d’aggraver un RGO ;

→ La surélevation de 15 à 20 cm de la tête du lit a prouvé son efficacité : il est possible de surélever le pied de lit avec des cales ou de disposer un gros morceau de mousse sous le matelas, mais un oreiller seul ne suffit pas ;

→ Éviter les aliments ralentissant la vidange gastrique (alcool, graisses), les boissons gazeuses, les aliments acides (agrumes, tomates, etc.) ou épicés ;

→ Savoir que chocolat, café et thé peuvent aggraver le RGO tout comme le tabagisme ;

→ Lutter contre l’obésité, car la graisse abdominale appuie sur l’estomac et tend à faire remonter son contenu ;

→ Proscrire les vêtements trop serrés à la taille ;

→ Attendre deux à trois heures avant de s’allonger lorsque le repas est copieux.

* Les cas sévères de RGO peuvent relever d’un geste chirurgical par fundoplicature.

CAS PARTICULIERS

Chez la femme enceinte et le sportif

→ Un pyrosis affecte près de 70 % des femmes enceintes, avec une prévalence augmentant avec la durée de la gestation. Il peut être gênant mais n’a pas de retentissement péjoratif pour la future maman ou pour le fœtus. Il résulte de la diminution du tonus du sphincter inférieur de l’œsophage (imprégnation en progestérone), mais aussi de l’augmentation du volume utérin tendant à faire raccourcir le segment abdominal de l’œsophage. Ce signes n’impose pas d’examen spécifique. Le traitement repose sur de simples mesures d’hygiène de vie (surélévation de la tête du lit, etc.) et sur la prescription d’un alginate en cas de réel besoin.

→ Le sportif est souvent victime d’un RGO lié aux efforts importants fournis pendant tout exercice physique susceptible d’induire une élévation significative de la pression intra-abdominale et une orientation préférentielle du flux sanguin vers les muscles et le cerveau aux dépens des organes digestifs (vélo, course…). Dans ce cas, limiter les apports alimentaires solides avant l’effort, et, si besoin, mettre en œuvre un traitement préventif par un IPP 3 à 4 jours avant l’épreuve.

Chiffres

→ En france, la prévalence du Rgo est comprise, selon les enquêtes, entre 10 % (population présentant des signes cliniques au moins une fois par semaine) et 40 % (signes cliniques une à deux fois par mois).

→ Toutefois, la prise en compte des nombreuses situations où l’expression clinique de la maladie est incomplète augmente largement ces chiffres. Une œsophagite, connue pour accompagner le Rgo, est retrouvée dans 2 % à 5 % de l’ensemble de la population, et un endobrachy– œsophage, principale complication sévère du Rgo, chez 5 % à 10 % de celle-ci.