L'infirmière Magazine n° 265 du 20/10/2010

 

NÉONATALOGIE

ACTUALITÉ

DU CÔTÉ DES… COLLOQUES

Des soignants de Robert-Debré (Paris) apprennent à soutenir les familles d’enfants décédés. Et s’interrogent : comment informer sans en dire trop ou pas assez ?

L’ouverture du service de réanimation néonatale, en 2005, a confronté de façon accrue les soignants à la fin de vie », se souvient Caroline Farnoux, pédiatre à l’hôpital Robert-Debré. Aussi, l’équipe a créé un groupe de travail, ouvert à tous, permettant le partage d’expériences. « C’est la rencontre de la singularité des points de vue », expliquait la psychologue Odile Carissan, à l’origine de ce travail, dans le cadre d’une journée sur les questions d’éthique dans les soins de la mère et de l’enfant, à Robert-Debré, le 21 septembre.

Longue réflexion

Il s’agit, pour les soignants, de ne pas être seuls face à la détresse des familles, d’apprendre à communiquer avec elles, à savoir comment les informer sans trop en dire. D’autant qu’avec la loi de 2002 sur les droits des malades, « on est passé d’une mort “épargnée, cachée” aux parents à une reconnaissance de leur place auprès de leur enfant », rapporte Caroline Farnoux. Une difficulté de plus que les soignants doivent dompter. Comment associer les parents au staff décisionnel ? Que sont-ils en mesure d’entendre, pendant la grossesse et après la grossesse ? Yannick Aujart, chef du service de réanimation et pédiatrie néonatales, se souvient de cette femme en plein travail préalable à l’accouchement, à qui il a fallu dire que l’on venait de découvrir que son bébé était atteint de mucoviscidose. L’équipe avait longuement tergiversé avant de décider de l’informer. Or, à ce moment-là encore, cette maman aurait pu demander une interruption médicale de grossesse, ce qu’elle n’a pas fait. « Oui, on doit informer jusqu’à la fin de la grossesse », considère la généticienne Clarisse Baumann. Toute la difficulté résidant dans la manière de délivrer l’information.

Il faut aussi savoir gérer l’après. Les choses se compliquent encore, puisque les familles ont à faire face au décès de l’enfant. C’est pourquoi l’équipe de Robert-Debré a mis au point, après deux ans de travail, un livret de deuil pour accompagner les proches, au-delà des soins. Il rassemble témoignages, informations et contacts, pour répondre aux questions que se posent les familles, souvent après leur retour à la maison. Un tel livret existe déjà à l’hôpital Necker. D’après les remontées d’information, les familles se le sont approprié.

LE SOIN ET LA MORT

Comment s’y préparer ?

Les soignants aussi doivent apprendre à « accepter la confrontation à la mort, en dépassant la souffrance née de l’aveu d’impuissance à guérir », explique la pédiatre Caroline Farnoux. C’est un rôle paradoxal de ces professionnels qui « prennent soin sans guérir », souligne Florence Faury, puéricultrice à l’hôpital Necker-Enfants malades.

Et, « plus l’enfant est resté longtemps dans le service, plus c’est difficile pour les soignants quand il décède », observe Yannick Aujard, chef de service de réanimation et pédiatrie néonatales à l’hôpital Robert-Debré. Ce que confirme Martine Massiani, directrice des soins, mentionnant que sur les 70 infirmières de ce service, le turnover concerne, chaque année, de façon volontaire, une vingtaine d’entre elles. « Une démarche de prévention des risques, de prévention du burnout s’impose », analyse-t-elle.