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L'infirmière Libérale Magazine n° 286 du 01/11/2012

 

EXERCER EN GROUPE

Votre cabinet

Vous souhaitez travailler avec des collègues pour mieux partager votre temps entre activité professionnelle et vie privée ainsi que les frais de votre cabinet. Voici un bref aperçu des différentes structures d’exercice professionnel existantes.

Rappelons que l’article R.4312-35 du Code de la Santé publique impose que « toute association ou société entre des infirmiers ou des infirmières doit faire l’objet d’un contrat écrit qui respecte l’indépendance professionnelle de chacun d’eux ».

Premières formes de sociétés : celles qui prévoient une mise en commun et le partage des honoraires. Il s’agit de la société civile professionnelle (SCP) et de la société d’exercice libéral (SEL). Leur constitution est soumise à un formalisme strict. Elle implique la rédaction de statuts qui seront déposés au registre du commerce et des sociétés en vue de leur immatriculation et de l’obtention de la personnalité morale.

La SCP

La société civile professionnelle est régie par la loi cadre du 29 novembre 1966 et par le décret du 29 novembre 1979 en ce qui concerne votre profession. Elle est juridiquement considérée comme exerçant elle-même la profession par le biais de ses membres. La patientèle est celle de la société et non celle des différents membres qui la composent. La SCP encaisse tous les honoraires et paie les frais communs. Les associés se répartissent le bénéfice dégagé au niveau de la société en fonction de la clef de répartition prévue dans les statuts. À titre d’exemples, la répartition peut se faire de manière égale ou en fonction des actes réellement effectués par chacun. Le mode de fonctionnement de cette société est assez rigide, notamment quand l’un de ses membres veut en sortir. Par ailleurs, on ne peut pas être membre d’une SCP et travailler en parallèle à titre individuel.

La SEL

La Société d’exercice libéral permet l’exercice de la profession sous forme commerciale. Elle peut revêtir les quatre formes traditionnelles des sociétés de capitaux : la société anonyme (SELAFA), la société à responsabilité limitée (la SELARL), la société par actions simplifiée (SELAS) et la société en commandite par actions (SELCA). Hormis le cas de la SELARL, un capital minimum de 37 000 euros est imposé. La majorité du capital et des droits de vote doit appartenir aux professionnels exerçant en son sein. Comme pour la société civile professionnelle, c’est la société qui exerce la profession et qui est propriétaire du droit de présentation de la clientèle. La responsabilité financière des associés est limitée à leurs seuls apports (sauf pour les SELCA). Le bénéfice après impôt est soit distribué sous forme de dividendes, soit mis en réserve ou consacré en partie à rembourser les emprunts de la SEL. Le régime d’imposition de ce type de société peut être avantageux, mais il convient de faire une étude approfondie avant de se lancer dans l’aventure. Il s’agit de fait d’une forme assez peu répandue chez les infirmiers.

La société de fait

Le fonctionnement d’une société de fait ressemble à celui d’une société civile professionnelle, tout en étant beaucoup plus souple. Pas d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, mais pas de personnalité morale non plus. Pas de statuts à rédiger. Il est toutefois vivement conseillé d’élaborer une charte rappelant les droits et obligations de chacun. Les honoraires sont mis en commun. En revanche, chaque associé choisit les biens professionnels qu’il désire mettre en commun et ceux qu’il entend inscrire à son actif professionnel individuel. Il peut déduire ainsi de sa quote-part de bénéfice ses propres frais professionnels.

Parfois, certains groupes fonctionnent en société de fait sans en avoir pleinement conscience et le découvrent à l’occasion d’un contrôle fiscal ou d’une consultation auprès d’un juriste.

La SCM

La société civile de moyens est une société ayant pour seule finalité la mise en commun des moyens matériels nécessaires (locaux, appareils, personnel) à l’exercice de la profession de ses membres. Elle peut être constituée entre deux ou plusieurs infirmières, ou bien entre différents professionnels de santé (médecin, kiné, etc.) qui se partagent les locaux. Il convient de faire attention, particulièrement dans ce dernier cas, aux modalités de partage des frais. La clef de répartition des frais doit en effet tenir compte de l’usage par chaque associé des moyens communs. Il est bien évident que le cabinet d’un dentiste consomme plus d’électricité que celui d’une infirmière.

La SCM n’est pas une société d’exercice, et en aucun cas ses statuts ne peuvent prévoir les modalités de partage ou de reprise de clientèle lors du retrait d’un associé.

La SCI

La société civile immobilière (SCI) a pour objet la gestion et la location d’un ou plusieurs biens immobiliers reçus en apports ou acquis par la société. L’infirmière, membre de la SCI et locataire des locaux appartenant à la SCI, pourra ainsi déduire son loyer au titre de ses dépenses professionnelles.

L’intérêt de ce type de montage est de faire rembourser par ces loyers l’emprunt contracté par la société.

Le contrat d’exercice en commun

Vous pouvez aussi exercer en excluant toute mise en commun des honoraires. Ce contrat, appelé souvent dans la pratique “contrat d’exercice en commun”, fixe les droits et les obligations des professionnels exerçant ensemble. Comme tout contrat, il engage ses signataires. Il peut être établi parallèlement à la création d’une société civile de moyens ou se suffire en lui-même. Les clauses de ce contrat porteront sur la répartition de la charge de travail, des congés et des frais généraux. Il prévoira également la procédure à suivre en cas d’intégration d’un nouvel associé ou de la sortie d’un autre et la venue de son successeur, qui sont des moments délicats dans une association quand les intérêts divergent.

La Sisa

Toute nouvelle forme juridique, la société interprofessionnelle des soins ambulatoires (Sisa) a pour objet « la mise en commun de moyens pour faciliter l’exercice de l’activité de chacun de ses associés » et « l’exercice en commun, par ses associés, de certaines activités à finalité thérapeutique relevant de leurs professions respectives ». Le périmètre des activités qui peut être mis en commun est donc limité à la coordination et à l’éducation thérapeutique.

Conclusion

La création et le fonctionnement de certaines de ces structures feront prochainement l’objet de développements dans ces colonnes pour que vous puissiez faire un choix éclairé. Sachez qu’avant tout engagement définitif, vous pouvez tout à fait conclure un “contrat préliminaire avant association” – sorte de fiançailles avant mariage – qui vous permettra de vérifier que vous pouvez travailler avec les professionnels avec lesquels vous envisagez d’exercer de manière pérenne.

N’oubliez pas que le choix d’une structure ne peut être que l’aboutissement d’une réflexion sur la façon dont vous souhaitez exercer votre métier, réflexion qu’un praticien du droit, connaissant votre profession, peut vous aider à mener.