L’évaluation de la douleur - L'Infirmière Libérale Magazine n° 259 du 01/05/2010 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 259 du 01/05/2010

 

Une prise en charge

Cahier de formation

LE POINT SUR

Cette démarche constitue une aide à la prévention et au soulagement précoce de la douleur. L’évaluation de la douleur exige la prise en compte d’un ensemble de paramètres et dispose d’outils adaptés.

L’intérêt de l’évaluation

Elle permet d’objectiver le ressenti douloureux d’une personne, à l’aide d’outils adaptés à son âge et à son état, et de donner des repères aux équipes soignantes. Elle aide les médecins à comprendre les mécanismes de la douleur du patient et à initier ou adapter un traitement en fonction de son efficacité.

Une étude de la Drees(1) montre que les personnes âgées ont tendance à banaliser la douleur par crainte des effets secondaires des traitements qui pourraient altérer leur autonomie. La démarche d’évaluation est donc d’autant plus importante dans cette population.

Les différents paramètres à évaluer

→ Où ? Il s’agit de faire préciser à la personne le siège de la douleur. Comporte-t-elle des irradiations ?

→ Quand ? Depuis quand la douleur est-elle présente ? Est-elle permanente ou apparaît-elle à des moments particuliers ? Au moment d’une mobilisation ou d’un soin par exemple, proposant ainsi l’hypothèse d’une douleur aiguë (induite) à prévenir.

→ Comment ? Il s’agit des caractéristiques des manifestations douloureuses. Il convient de repérer comment est apparue la douleur et quels en sont les signes d’accompagnement. Ils peuvent aider à différencier douleur nociceptive ou neuropathique.

→ Combien ?La mesure doit pouvoir être facilement reproductible pour un même patient et évaluée, de façon régulière, pour suivre l’évolution de la douleur et son soulagement.

→ Quels sont les facteurs d’aggravation ou de soulagement ?Les éléments bénéfiques ou au contraire néfastes : habitudes culturelles, présence de certaines personnes, solitude, rythme des soins, installation, mobilisation…

→ Quelle qualité de vie ? Il s’agit d’évaluer si le phénomène douloureux perturbe l’état physique (repos, sommeil, appétit…), mais aussi le statut fonctionnel (perte d’autonomie, arrêt de certaines activités…). Quel est son retentissement sur l’état émotionnel et affectif (repli sur soi, tristesse, état dépressif…) ? La douleur a-t-elle une incidence sur la vie sociale ?

L’observance du traitement déjà mis en place

Au moment de l’évaluation, il est important de s’assurer de l’observance du traitement déjà mis en place. Les traitements opioïdes forts ne sont pas toujours pris (par le malade) ou administrés (par la famille) en cohérence avec la prescription.

Les outils d’évaluation

Il existe un grand nombre d’échelles et de questionnaires d’évaluation validés, c’est-à-dire donnant des résultats reproductibles, sensibles, fiables et spécifiques. Le même outil, choisi en fonction de son adaptation à la personne douloureuse, devra être utilisé par l’ensemble de l’équipe.

Les échelles d’auto-évaluation

La douleur étant considérée comme une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, chaque fois que la personne peut évaluer elle-même sa douleur, les échelles d’auto-évaluation seront privilégiées.

Les trois principales échelles permettant de quantifier la douleur :

→ l’échelle visuelle analogique (Éva) sous forme d’une réglette avec une face patient munie d’un curseur qu’il positionne entre deux extrémités allant de « douleur absente » à « douleur maximale imaginable ». L’autre face permet au professionnel de santé de visualiser le chiffre correspondant à l’intensité de la douleur du patient (de 0, douleur absente, à 10, douleur maximale imaginable). La démarche de soins infirmiers préconise l’utilisation de l’Éva ; toutefois, plusieurs auteurs indiquent qu’elle n’est pas toujours pertinente chez les personnes au-delà de 65ans, en lien avec des difficultés d’abstraction ;

→ l’échelle numérique (EN) consiste à proposer au patient de donner une note de 0 à 10 pour quantifier sa douleur. Le chiffre 0 correspond à « pas de douleur » et le chiffre 10 à « douleur maximale imaginable ». L’EN est la plus fréquemment utilisée au domicile par sa facilité de mise en œuvre (ne fait pas obstacle aux troubles visuels et cognitifs mineurs);

→ l’échelle verbale simple (EVS) permet au patient de décrire l’intensité de sa douleur à l’aide d’une série de qualificatifs ordonnés de façon hiérarchique. 0 : absente ; 1 : faible ; 2 : modérée ; 3 : intense ; 4 : extrêmement intense.

Le questionnaire DN4 : un outil d’aide au diagnostic

Organisé autour de quatre questions et dix sous-questions, cet outil récent (2005) permet, à partir des mots utilisés par le patient, d’évaluer la probabilité d’une douleur neuropathique (zona, diabète…) qui passe encore trop souvent inaperçue.

Des échelles comportementales(2)

Lorsque la personne, souvent âgée, est non communicante, le recours à des échelles comportementales d’hétéroévaluation, basé sur l’écoute et l’observation, est indiqué.

Échelle comportementale de la douleur pour la personne âgée non communicante (ECPA)

Avec cette échelle, dont les mots sont issus du vocabulaire des soignants, l’observation se fait en deux temps selon huit items comprenant chacun cinq observations cotées chacune de 0 à 4 (par ordre de gravité croissante).

Avant les soins, l’expression du visage, la position spontanée au repos, la mobilisation du patient et sa relation à autrui sont observés. Pendant les soins, l’anticipation anxieuse aux soins, les réactions pendant la mobilisation, ainsi que pendant les soins des zones douloureuses et enfin les plaintes exprimées sont cotés.

Au-delà d’un score de 8/32, la douleur est avérée et un traitement doit être mis en place tout en continuant d’utiliser cette même échelle pour suivre l’évolution de la douleur.

L’utilisation de l’ECPA est souvent intéressante à domicile, car la cotation peut être effectuée par une seule personne.

Évaluation comportementale de la douleur chez la personne âgée (Doloplus)

Cet outil validé dans l’évaluation de la douleur chronique permet, grâce à des évaluations répétées et conduites en équipe, de suivre l’évolution de la douleur et l’efficacité des traitements mis en place.

L’échelle comporte dix items classés en trois groupes de comportements évoquant le retentissement de la douleur : somatique, psychomoteur et psychosocial. À chaque item correspondent quatre observations possibles cotées de 0 à 3 (par ordre de gravité croissante). Un score total supérieur ou égal à 5/30 est révélateur de douleur.

(1) La prise en charge de la douleur chez les personnes âgées vivant à domicile, Drees, Études et Résultats n° 566– avril 2007.

(2) Ces échelles, et bien d’autres, sont disponibles sur le site du Centre national de ressources sur la douleur : www.cnrd.fr.

Un travail d’équipe

La démarche d’évaluation de la douleur est souvent complexe et relève d’un travail d’équipe où chacun a une place en fonction de ses compétences spécifiques, et à condition qu’il soit porteur de la parole du patient. Cette évaluation relève du rôle ­propre des infirmières (article 4311-5 du Code de la Santé publique) et fait appel à l’écoute, l’observation et l’examen clinique.

Les données sont transmises dans le dossier de soins et permettent le suivi de la douleur et la traçabilité de l’évaluation.