Les saignées à domicile - L'Infirmière Libérale Magazine n° 259 du 01/05/2010 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 259 du 01/05/2010

 

Cahier de formation

Savoir faire

Monsieur D., 82 ans, atteint d’une hémochromatose pour laquelle vous lui faites régulièrement des saignées, vous reçoit avec le sourire et un dynamisme qui ne lui sont pas habituels. Vous vous demandez quelles en sont les raisons.

Sa femme vous raconte que, lors de votre dernière visite, vous lui avez serré la main en arrivant, et vous avez remarqué une légère crispation sur son visage : vous l’avez tout de suite attribuée aux douleurs articulaires de son hémochromatose. Or si monsieur D. connaît son diagnostic depuis dix ans, et qu’il a une fibrose hépatique pour laquelle il est suivi, il ne savait pas que ses très anciennes douleurs articulaires diffuses et invalidantes, tout comme sa fatigue, étaient liées à sa maladie. Son entourage oscillait entre la complaisance et un certain agacement. Il s’est senti reconnu ce jour-là.

Les saignées sont pratiquées le plus souvent à l’hôpital, en consultation. En l’absence de problème pendant la phase initiale, les saignées peuvent être effectuées à domicile, à la demande du patient, après réalisation de cinq saignées en milieu hospitalier. La HAS émet des recommandations.

LES RECOMMANDATIONS DE LA HAS

Ce sont : la rédaction d’un projet thérapeutique écrit, pluridisciplinaire et multiprofessionnel, l’infirmière doit rester présente le temps de la saignée, le patient et son entourage doivent être demandeurs, la gestion des déchets doit être assurée, et enfin le domicile doit être à proximité d’un accès médical et un médecin, informé et acceptant les conditions de la prise en charge, joignable si nécessaire.

DES SUPPORTS ÉCRITS

La prise en charge à domicile doit être accompagnée de supports écrits, qui comprennent au minimum :

→ les coordonnées du prescripteur, généralement le spécialiste, et d’un médecin “correspondant” dans la structure de soins où a été instaurée la phase d’induction, pour avis et décision en cas d’urgence ;

→ les protocoles de soins et les protocoles sur la conduite à tenir en cas de complications ou d’événements indésirables ;

→ les procédures définissant les modalités de fourniture des dispositifs médicaux utilisés ;

→ l’ordonnance de prescription précisant les modalités pratiques de réalisation des différents actes et leurs conditions de suspension ;

→ la procédure décrivant l’élimination des déchets générés par l’activité à domicile (notamment des Déchets d’activités de soins à risques infectieux, les Dasri) ;

→ une fiche d’information et un dossier de suivi des saignées à destination du patient.

UN DOSSIER DE SUIVI

Celui-ci facilitera le partage et la circulation de l’information entre les différents intervenants. Il comprendra :

→ les coordonnées, poids et comorbidités du patient ;

→ les coordonnées des différents intervenants de la prise en charge ;

→ la pression artérielle et la fréquence cardiaque à chaque saignée ;

→ les dates et volumes des saignées ;

→ les résultats des contrôles de ferritinémie et d’hémoglobinémie ;

→ la mention de l’accord du médecin pour les saignées et la justification des modifications du traitement ;

→ la mention des incidents et événements indésirables survenus à l’occasion des saignées.

QUELQUES PRÉREQUIS

→ Le volume de sang maximal à prélever recommandé varie avec le poids (au plus 7 ml/kg) sans jamais dépasser 550 ml par saignée. Le volume à prélever peut être moindre, adapté à la tolérance du patient, à son âge, à son état de santé (notamment sa fonction cardiovasculaire).

→ Il faut faire boire au malade une quantité de liquide équivalente au volume soustrait.

→ Avant et après chaque saignée, prendre la fréquence cardiaque et la pression artérielle, apprécier l’état clinique du patient, rechercher des éléments indiquant une mauvaise tolérance ou des complications liées à la voie de prélèvements. En cas de veinite, les saignées sont différées ou réalisées sur le second bras.

→ Utiliser un matériel pouvant permettre la position déclive du patient, et des balances pour respecter le volume à prélever.

→ Respecter les contre-indications à la saignée.

→ Les contrôles de ferritinémie sont réalisés sur la tubulure en dérivation de la poche.

LES CONTRE-INDICATIONS…

… Permanentes à la soustraction veineuse au domicile

→ Toute pathologie susceptible de menacer la santé du patient à l’occasion de la saignées.

→ Une anémie centrale non carentielle.

→ La thalassémie majeure.

→ Une insuffisance cardiaque ou une cardiopathie décompensée.

→ Un patient en mauvais état général, par exemple du fait d’une cirrhose décompensée.

→ Antécédents de malaises, au cours ou au décours de prélèvements sanguins, ayant nécessité l’intervention d’un médecin.

… Transitoires à la soustraction veineuse

→ L’anémie par carence martiale importante : Hb < 11g/dl.

→ L’hypotension artérielle PAS < 100 mmHg (PAS : pression artérielle systolique).

→ L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs sévère, des antécédents d’ischémie aiguë artérielle d’origine thrombotique d’un membre ou d’accident cérébral récents (

→ Une fréquence cardiaque <50 ou> 100 battements par minute.

→ La grossesse.

→ Un réseau veineux très insuffisant ou inaccessible au membre supérieur.

→ La survenue d’une pathologie intercurrente entraînant une altération de l’état général.

Point de vue…

Quelle a été ma démarche ?
Michèle Audrin, infirmière libérale à Montpellier (34)

« Il s’agit d’une pratique encore peu réalisée à domicile. Ce sont en fait les patients qui sont venus vers moi. Je suis une formation continue, et j’ai choisi d’aller vers un service de gastro-entérologie pour m’informer et me former. J’ai par exemple deux patients dont la découverte de la maladie est récente : un patient âgé de 80 ans, et un autre qui est jeune, 40 ans, mais extrêmement fatigué. Nous avons d’ailleurs changé les horaires plusieurs fois à cause de son travail qu’il termine tard le soir, et aussi pour qu’il puisse gérer son temps de repos. Ce n’est pas un problème. Le domicile, c’est pour le confort du patient, le patient dans sa globalité. Mais c’est aussi partager des histoires extraordinaires. J’aime mon métier, même s’il est vrai qu’il y a des choses à revoir. »