La protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques a évolué avec les progrès scientifiques et en particulier l’arrivée des psychotropes, qui ont permis l’abandon de la camisole physique. La contention et l’isolement deviennent des restrictions exceptionnelles de libertés mal encadrées, du moins législativement.
Le placement libre est devenu la règle et le placement d’office l’exception ce qui a évidemment transformé les conditions d’hébergement. Cependant, les troubles mentaux peuvent toujours occasionner des périodes d’agitation. Certaines précautions dans la conception des lieux et dans l’utilisation des matériaux sont toujours nécessaires pour la prise en charge des pathologies mentales. Il faut saluer, à ce propos, l’initiative du centre hospitalier spécialisé Gérard-Marchant de Toulouse qui a créé un espace conçu et réalisé par les soignants, alternatif à la chambre d’isolement dans une unité spécifique de rééducation et réhabilitation sociale. Il s’agit d’un lieu de forme arrondie, meublé avec des formes douces. L’atmosphère est créée par l’harmonie des couleurs et une ambiance musicale. Cet équipement, ouvert depuis janvier 2012, a vu une centaine de séances de prises en charge par les soignants, permettant d’éviter le recours à la chambre d’isolement. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) incite à décourager l’usage de la contrainte physique et de l’internement d’office dans les établissements de santé mentale.
Le manque de ressources ne peut pas constituer un justificatif pour l’organisation des soins avec contention.
Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CTP)
Cependant, la contrainte peut parfois nécessiter des mesures particulières d’isolement et de contention. La restriction de liberté est alors différente selon que le patient peut aller et venir à sa guise au sein de l’unité ou s’il est placé en isolement. La situation est d’autant plus délicate a fortiori si le patient fait l’objet d’une contention mécanique.
Une résolution de l’Organisation des nations unies (ONU) de 1991
Le Conseil de l’Europe
Enfin, la circulaire Veil de 1993
Aux États-Unis, en Grande-Bretagne
Alors, toute mise en chambre d’isolement ou contention devrait donc être considérée comme illégale, sauf à considérer que l’hospitalisation sous contrainte implique isolement et contention. Mais si la loi de 1838 puis celle de 1990 et enfin celle du 5 juillet 2011 ont prévu dans quelles conditions un patient souffrant de troubles mentaux devait être retenu contre sa volonté, aucune n’a prévu les conditions dans lesquelles ce même patient devait être isolé ou physiquement contenu.
À ce jour, l’isolement fait seulement l’objet de plusieurs recommandations de la Haute Autorité de santé
La loi reste très évasive à ce sujet, elle indique seulement que « les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis »
À titre indicatif, le cahier des charges qualitatif de l’hospitalisation à plein temps en psychiatrie de mai 2003 constitue une contribution spécifique de référence des acteurs institutionnels de la psychiatrie.
Les seules dispositions réglementaires existantes
Selon la HAS
En définitive, la HAS constate que l’isolement résulte d’une démarche empirique largement reconnue des professionnels mais qui ne trouve pas sa place dans les actes de soins permettant de mesurer l’activité d’un service de psychiatrie publique. La HAS rappelle que cet isolement ne peut être qu’à but thérapeutique, conformément à la mission de soin des établissements de santé. Pour la HAS, la nécessité de préciser que l’isolement ne doit pas être une punition est impérative, car les comportements de certains patients peuvent conduire à des mesures punitives. La position de la HAS est cependant paradoxale à ce sujet, car elle prévoit d’un côté des recommandations de bonnes pratiques en matière d’isolement sans toutefois les assortir d’un critère spécifique de contrôle dans le cadre de la certification.
Au regard de l’article 34 de la Constitution disposant que « la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques », ces mesures graves de restrictions de liberté nécessiteraient des dispositions législatives bien plus précises et exigeantes. Par comparaison, en matière pénale, la loi
Le CPT considère que « si exceptionnellement, des moyens de contention physique sont appliqués, ceux-ci doivent être ôtés dès que possible ; ils ne doivent jamais être appliqués, ni leur application être prolongée, à titre de sanction ».
En résumé, le législateur aurait dû définir les circonstances exceptionnelles dans lesquelles ces procédures sont autorisées dans le champ sanitaire et veiller à ce que la contrainte physique et l’internement d’office ne soient utilisés que comme des procédures de dernier recours. En particulier, la législation devrait explicitement interdire l’usage de contrainte physique et d’isolement comme forme de punition.
Enfin, si l’utilisation de la contention et de l’isolement est ponctuellement possible dans le cadre de l’hospitalisation libre, il convient dans ces cas-là de s’interroger sur la situation juridique du patient et de la rendre conforme à la situation au regard du principe de consentement.
Le juge administratif exerce un contrôle de proportionnalité du recours à la contention
En revanche, l’isolement ne fait pas l’objet de la même approche que la contention, objet de jurisprudences. La mesure d’isolement relève du champ disci?plinaire en droit pénal et pénitentiaire, mais elle se rattache à une nécessité thérapeutique en droit de la santé mentale. Le juge judiciaire n’a pas condamné, jusqu’à ce jour, un établissement de santé qui placerait en isolement un patient, considérant que cette mesure portait atteinte aux libertés individuelles. C’est la logique de l’article 8 de l’ordonnance du 18 décembre 1839 portant règlement sur les établissements publics et privés consacrés aux aliénés qui prévaut. Celui-ci indiquait que « le service médical, en tout ce qui concerne le régime physique et moral, ainsi que la police médicale et personnelle des aliénés, est placé sous l’autorité du médecin, dans les limites du règlement de service intérieur ».
Comme nous venons de le constater, les mesures d’isolement et de contention sont encadrées par les recommandations de la HAS et du contrôleur des libertés. Toutefois, elles ne font toujours pas l’objet de mesures législatives et réglementaires spécifiques. Le processus de certification des établissements et la pratique exigible prioritaire relative à la gestion des restrictions de libertés devraient donc jouer un rôle essentiel.
À la conférence-débat organisée le jeudi 8 décembre 2011 par l’Association nationale des responsables qualité en psychiatrie (ANRQ-Psy)
Cependant, lors de la conférence en question, Chantal Roussy, présidente de L’Union nationale des amis et familles de malades psychiques – Paris (Unafam 75), a souligné que si la sensibilisation sur les droits des patients avait considérablement évolué dans les établissements parce que les lois ont introduit des obligations, leur application reste encore trop aléatoire.
Les représentantes des usagers ont notamment témoigné d’une montée des pratiques de contention dans les établissements, ce qui signe la nécessité de mieux encadrer ces pratiques.
À ce propos, sous couvert de qualité, en rester au stade des recommandations et de l’audit clinique risque de pérenniser et de légitimer des pratiques sujettes à caution.
En définitive, comme le préconisent certains professionnels, tout isolement devrait être dans un premier temps signalé systématiquement à la direction de l’établissement et dans un deuxième temps, soit à la Commission départementale des soins psychiatriques, soit au juge judiciaire.
Le devoir de concilier les nécessités thérapeutiques et le droit à la sûreté impose des procédures et un contrôle spécifique.
Ceci permettrait de s’assurer que seules les nécessités de prise en charge thérapeutique sont à l’origine de l’isolement et/ou de la contention.
(1) Conseil de l’Europe. Rapport au gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée en France par le CPT du 28 novembre au 10 décembre 2010. paragraphes 172 et 174. http://petitlien.fr/6azd.
(2) Résolution 46/119 de L’ONU en 1991 principe 11.
(3) Recommandation 1235 du Conseil de l’Europe relative à la psychiatrie et aux droits de l’homme. Texte adopté par l’Assemblée le 12 avril 1994.
(4) Circulaire n° 48 DGS/SP3 du 19 juillet 1993 (circulaire Veil) portant sur le rappel des principes relatifs à l’accueil et aux modalités de séjours des malades hospitalisés pour troubles mentaux.
(5) Acte de santé mentale de 1983.
(6) Loi concernant les malades mentaux du 20 mars 1985.
(7) L’audit clinique appliqué à l’utilisation des chambres d’isolement en psychiatrie. Anaes/Service évaluation en établissements de santé. Juin 1998. “L’agitation en urgence”, conférence de consensus, Anaes, décembre 2002. Liberté d’aller et venir dans les établissements sanitaires et médico-sociaux, et obligation de soins et de sécurité, conférence de consensus, Anaes et FHF, 24 et 25 novembre 2004.
(8) “Limiter les risques de contention physique de la personne âgée”, Anaes, octobre 2000.
(9) Article L. 3211-3 du Code de santé publique (CSP).
(10) Article L. 3211-4 du CSP.
(11) Article R. 4311-6 du CSP.
(12) Audit clinique appliqué à l’utilisation des chambres d’isolement en psychiatrie. Évaluation des pratiques professionnelles dans les établissements de santé. Juin 1998.
(13) Article préliminaire du Code de procédure pénale.
(14) Article 803 du Code de procédure pénale.
(15) CAA de Bordeaux, 10 mars 2009, Mme Marie-Thérèse X., req. n° 08BX00181.
(16) CAA de Nantes, 25 janvier 1995, Mme Y., req. n° 92NT00651.
(17) CAA de Douai, 13 juin 2006, Mme Y., req. n° 05DA01282.
(18) CAA de Marseille, 25?janvier 2007, Mme X., n° 05MA01245.
(19) “Droits des patients en psychiatrie : la démarche qualité confrontée à la montée de la contention” (APM). Vendredi 9 décembre 2011.
Lors de l’audit clinique de 1998, l’Anaes (actuelle HAS) constatait que l’isolement thérapeutique était absent des traités de psychiatrie tout comme de l’enseignement du diplôme d’études supérieures (DES) de psychiatrie.
Cette thématique n’était pas plus abordée dans les Instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) et dans les Instituts de formation de cadres de santé (IFCS).
Il en est toujours ainsi aujourd’hui et la formation pratique est éventuellement assurée à l’intérieur des unités de soins.