Le tableau de bord du service d’anesthésie - Objectif Soins & Management n° 192 du 01/01/2011 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 192 du 01/01/2011

 

Cahier du management

David Colmont  

L’introduction de la tarification à l’activité, la contractualisation sous forme de contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens avec l’Agence régionale de santé, la multiplicité des acteurs et de leurs attentes au sein des établissements de santé ont conduit les structures hospitalières à développer des dynamiques de performance et de pilotage(1).

Le manager paramédical est partie prenante dans la mise en place et le suivi des outils de pilotage. Le cadre en charge de la gestion du secteur d’anesthésie, qu’il soit cadre infirmier anesthésiste diplômé d’État (cadre IADE) ou chef de bloc, se doit, dans le cadre du dispositif de coordination du bloc opératoire, de disposer à tout moment d’éléments lui permettant de fournir les renseignements nécessaires à la prise de décision, au suivi de l’activité, afin que les différentes instances puissent veiller au respect des règles qu’elles édictent et adapter les moyens à l’activité. Avant d’entrer dans le vif du sujet, il semble nécessaire de présenter schématiquement le dispositif de coordination du bloc opératoire. Le schéma suivant va nous y aider. Le tableau 1, quant à lui, résume la composition et les rôles de chaque entité.

POURQUOI, QUOI, COMMENT ?

C’est donc dans ce contexte que le cadre de santé se doit, aujourd’hui, de transmettre à sa hiérarchie des données objectives, fiables, mesurables et vérifiables, reflétant le plus fidèlement possible l’activité de l’unité dont il a la charge. Le tableau d’indicateurs est un outil permettant la transmission de ces données. Selon la norme ISO 8402, un indicateur est « une information choisie associée à un phénomène et destinée à en observer périodiquement les évolutions au regard d’objectifs périodiquement définis ». L’utilisation des indicateurs qualité dans les unités de soins a été imposée par les différentes démarches d’accréditation et de certification. De plus, l’incitation à la performance et à l’amélioration continue de la qualité ont conduit au développement de programmes nationaux imposant le recours aux indicateurs : Icalin (Indice composite des activités de lutte contre les infections nosocomiales), ICSHA (Indicateur de consommation de produits hydro-alcooliques), Surviso (enquête d’incidence des infections de site opératoire), score ICATB (Indice composite de bon usage des antibiotiques), enquête Ipaqh (indicateurs de performance et d’amélioration de la qualité hospitalière) devenue Ipaqss (Indicateurs pour l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins). Le cadre doit se familiariser avec ces indicateurs lui permettant de communiquer de façon objective sur l’activité de son service. Les impressions subjectives doivent maintenant rester au second plan et faire place à une objectivité reposant sur des éléments mesurables et vérifiables. L’utilisation des indicateurs permet de connaître le niveau initial d’une situation et, dans un second temps, de fixer des objectifs quantifiés pour cette situation. Le tableau de bord constitue donc un support de communication avec l’équipe paramédicale, le corps médical et la direction. Il représente la synthèse de l’activité globale d’un service et aide à l’identification d’actions à mener. Enfin, il doit pouvoir mettre en exergue des alertes et des risques potentiels devant conduire à la mise en place d’actions correctrices et préventives. Il s’agit donc de développer un outil permettant de dégager une vue prospective de l’organisation(2).

Les différents types d’indicateurs(3)

→ Indicateurs d’activité : le nombre annuel d’admissions ou le nombre de journées d’hospitalisation, entre autres, donnent une image factuelle de l’activité.

→ Indicateurs de structure : s’intéressent aux moyens humains (absentéisme, turn over…), aux équipements, aux coûts (coût annuel de la consommation en produits pharmaceutiques …) ;

→ Indicateurs de processus : renseignent sur les pratiques professionnelles (taux d’infections du site opératoire, taux d’infection urinaire, taux de conformité au lavage de mains…).

→ Indicateurs de résultats : s’intéressent à la qualité du service rendu, d’une prestation (indice de satisfaction des patients, taux de personnels formés…). Ils mesurent la performance.

→ Indicateurs d’efficacité : permettent d’évaluer un résultat au regard d’objectifs ou de moyens.

Caractéristiques d’un indicateur

La création et la mise en place d’un indicateur doivent répondre à quelques règles :

→ simplicité : un indicateur doit être simple à comprendre et simple à renseigner ;

→ pertinence : un indicateur est pertinent si, dans le cadre d’une difficulté, il permet de mettre en place une action corrective ou préventive ;

→ fiabilité : il doit produire strictement le même résultat pour la même période considérée, quelle que soit la personne qui le renseigne ;

→ sensibilité : il doit varier de façon significative si les éléments qui servent à son calcul varient eux aussi de façon significative ;

→ spécification : il ne doit varier que si les éléments qu’il surveille varient eux aussi.

Vers un tableau de bord pour le cadre en charge du service d’anesthésie

Indicateurs d’activités

L’âge moyen et les extrêmes, ainsi que la répartition par classe d’âges caractérisent la patientèle et peuvent être croisés avec la classification ASA et le taux de débordement de SSPI (Salle de surveillance post-interventionnelle). Le sexe influe sur la gestion des lits, le type de consommables… Une longue série d’indicateurs, propre à l’anesthésie au bloc opératoire, permet de mieux cerner l’activité, de traduire la charge de travail et favorise l’échange d’informations utiles avec la pharmacie, la direction des ressources humaines, le médecin DIM :

→ nombre d’anesthésies ;

→ nombre d’anesthésies par spécialités ;

→ nombre d’anesthésies loco-régionales ;

→ nombre d’anesthésies pour geste d’urgence ;

→ nombre d’interventions annulées ;

→ nombre d’anesthésies par salle d’opération ;

→ durée de passage en salle d’opération ;

→ nombre d’anesthésies en garde ;

→ répartition selon le jour de la semaine ;

→ nombre de passages en SSPI ;

→ moyenne de l’heure de fermeture de la SSPI ;

→ nombre d’heures d’ouverture de la SSPI.

L’autre intérêt de ces indicateurs est de repérer et prendre en compte une éventuelle saisonnalité pour la planification. Ces éléments seront définis après mise en commun du tableau de bord du service d’anesthésie avec celui du bloc opératoire. Les cinq derniers indicateurs sont des éléments offrant des preuves sur lesquelles le cadre peut s’appuyer lors des rencontres avec le responsable des ressources humaines et permettent de définir une politique RH en corrélation avec la gestion des flux.

Indicateurs de résultats

Parallèlement à ces indicateurs d’activité, il semble essentiel que le cadre puisse avoir accès à des données permettant de qualifier et de quantifier la satisfaction des patients et le service rendu par les personnels d’anesthésie du bloc opératoire et de la SSPI. Cependant, la prise en charge de la douleur en SSPI représente des séjours de très courte durée. C’est pourquoi le cadre d’anesthésie doit faire appel à des indicateurs s’appuyant sur l’analyse des questionnaires relatifs à la satisfaction des patients quant à la prise en charge de la douleur dans l’établissement. Dans ce questionnaire (ci-dessous), via le Clud (Comité de lutte contre la douleur) et le référent douleur, on peut inclure quelques questions favorisant le suivi de la satisfaction des patients.

Indicateurs de processus

Dans ce cadre, on approche de l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP). On peut alors se tourner vers le dossier patient et rapprocher les indicateurs à suivre des indicateurs pour l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins (Ipaqss), s’intéressant plus spécifiquement à la qualité du dossier d’anesthésie. Il semble judicieux de suivre mensuellement quelques items issus des Ipaqss afin de pouvoir mettre en œuvre d’éventuelles actions correctrices en face de résultats à la baisse sans attendre qu’une année s’écoule. Dans notre cellule qualité, nous avons pris le parti d’instaurer des audits Quicks. Ces audits recherchent la conformité des critères suivants : traçabilité de l’évaluation de la douleur en SSPI, notification d’un accident/incident en phase péri-opératoire, trace écrite de la visite pré-anesthésique, trace écrite des prescriptions médicamenteuses en phase post-anesthésique et conformité de celles-ci. Nous avons ajouté la conformité de la check-list proposée par la Haute Autorité de santé et la conformité de la Feuille d’ouverture de salle d’opération, dite FOSO. Cet audit Quick ne concerne que l’audit de dix dossiers par mois. On pourra, à chaque semestre, dresser un graphique retraçant la cinétique de l’évolution des résultats et visualiser la performance et la qualité des données recueillies.

Indicateurs de structures

Dans ce cas-là, nous avons choisi des indicateurs de ressources humaines et gestion de celles-ci : l’effectif quotidien du personnel paramédical (équivalents temps pleins) : IADE et infirmiers de SSPI ; le nombre de journées d’absence. On peut y ajouter le nombre annuel d’heures dédiées à la formation continue par catégorie de personnels.

Chaque indicateur devra avoir une fiche descriptive composée des éléments suivants : définition ; numérateur ; dénominateur ; échantillon ; critère d’inclusion ; critère d’exclusion ; type d’indicateur ; importance du thème ; mode d’évaluation du critère.

CONCLUSION

Le suivi de l’activité devient une activité à part entière. Plus aucun manager paramédical ne peut faire l’économie de l’élaboration du tableau de bord du service dont il a la charge. Au bloc opératoire, celui-ci prend toute sa mesure car il constitue l’outil principal de pilotage d’une activité devant respecter des règles de qualité et de sécurité dictées par des instances auxquelles le Cadre doit pour cela fournir des données objectives.

NOTES

(1) Méthodologie et démarche de pilotage, kit de base des tableaux de bord pour les établissements de santé, GMSIH, Paris 2006, p.6.

(2) Ibid., p.39.

(3) Ibid.

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