IL EST TEMPS DE SONNER L’ALARME - L'Infirmière Magazine n° 326 du 01/07/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 326 du 01/07/2013

 

VIOLENCES À L’HÔPITAL

ACTUALITÉ

AVELINE MARQUES  

Selon l’Observatoire des violences en milieu de santé, les professionnels soignants sont les principales victimes d’agressions dans les établissements.

Insultes, menaces, coups… Dans certains services, la violence est le lot quotidien des soignants. En 2012, près d’une agression physique par heure a été recensée dans les établissements sanitaires, selon le bilan annuel que vient de dévoiler L’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS). La majorité des victimes sont des membres du personnel. Au total, 8 083 signalements d’atteintes aux personnes et 3 244 d’atteintes aux biens ont été effectués l’an passé par 352 établissements (12 % au niveau national). Soit un total de 11 344 faits de violence signalés en 2012, contre 5 760 en 2011. Mais, cette explosion apparente est en grande partie due à une participation accrue des établissements : en 2012, 77 nouveaux déclarants ont été comptabilisés, parmi lesquels les 37 structures de l’AP-HP. Elles concentrent à elles seules 88 % des signalements en Ile-de-France, qui fournit 30 % des statistiques nationales. Par ailleurs, la procédure de déclaration a été simplifiée pour permettre aux établissements de déclarer « au fil de l’eau » et non seulement en fin d’année. Surtout, le signalement systématique des violences est une façon, pour les hôpitaux, de « dire que ces événements ne relèvent pas d’une prise en charge normale, insiste Clara de Bort, chef du département stratégie et ressources à la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). On ne vient pas travailler à l’hôpital pour se faire taper dessus, même si l’on est en contact avec des familles en situation d’angoisse, comme aux urgences, ou quand la pathologie prend le dessus, comme en psychiatrie. »

Parfois imprévisibles

La psychiatrie, avec 2 886 atteintes enregistrées en 2012 – soit plus de 25 % des faits signalés – reste en tête des services les plus violents. « Dans ce secteur, les équipes soignantes identifient la violence au quotidien. Agressions verbales ou physiques, elles ne sont pas toujours prévisibles, et les remontées assez importantes dans cette activité désignent peut-être un personnel de plus en plus vulnérable, pour qui la violence, même liée à la pathologie, semble de moins en moins tolérée », note le rapport de l’ONVS. Les urgences (14 % des signalements) arrivent en deuxième position des services déclarant le plus grand nombre d’atteintes. Vient ensuite la gériatrie, qui concentre, désormais, plus de 10 % des violences enregistrées, contre 5 % l’an passé. Là encore, même si l’agressivité des patients est bien souvent à mettre sur le compte de leur pathologie, « elle suscite le stress et l’angoisse des membres du personnel, insiste Rachel Ferrari, commissaire divisionnaire en charge de l’ONVS. Dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux, les établissements ont tout intérêt à travailler là-dessus, car la qualité des soins peut s’en ressentir. » Il semble, néanmoins, que les hôpitaux publics se soient davantage saisis de la question : ils représentent près de 28 % des déclarants, contre à peine 10 % pour le secteur privé et 0,12 % pour les établissements médico-sociaux, qui accédaient à la plateforme de l’ONVS pour la première fois.

Sur les 8 083 atteintes aux personnes recensées en 2012, 28 % sont des injures, des insultes et des provocations (atteintes de niveau 1) ; 20 %, des menaces (niveau 2) ; 51 %, des crachats, bousculades, coups et agressions sexuelles (niveau 3) ; et 1 %, des violences qualifiées de crimes (niveau 4) : avec arme, viol, homicide… Les membres du personnel en sont les principales victimes (84 % des faits signalés). Notamment les infirmières, concernées par 3 420 signalements. « C’est plus que tous les autres personnels soignants réunis », constate Rachel Ferrari, sans pour autant parvenir à se l’expliquer.

Entre collègues

Les patients sont les auteurs de 78 % des violences. Viennent ensuite les visiteurs (13 %) et les professionnels de santé eux-mêmes (4 %). « Les agressions entre membres du personnel existent, mais elles sont marginales dans les statistiques. Les conflits se règlent en interne », souligne Rachel Ferrari. Cette violence entre collègues, symptomatique des tensions dues au stress et à la charge de travail, apparaît dans les déclarations reçues par l’ordre des infirmiers, qui a lancé son observatoire des violences l’été dernier. Six des 36 signalements concernent des coups et blessures entre membres du personnel.

Pour tenter d’identifier les raisons qui poussent les patients et leurs proches à s’en prendre à ceux qui leurs viennent en aide, la plateforme de déclaration de l’ONVS offrait la possibilité aux établissements de renseigner la cause des faits déclarés. Étonnamment, aux urgences comme dans les autres services, ce n’est pas le temps d’attente qui met le feu aux poudres, mais un reproche formulé sur la prise en charge. « Dans l’immense majorité des cas, on se rend compte qu’il s’agit de problèmes de communication entre l’équipe et le patient ou sa famille : des propos contradictoires tenus par différents soignants, ou un manque d’informations à l’adresse du patient », détaille Clara de Bort, sans sous-estimer, pour autant, les actes d’incivilité, « qui s’invitent à l’hôpital » comme dans tout autre lieu public. Le bilan de l’ONVS met en avant les bonnes pratiques de plusieurs structures. Par exemple, l’hôpital de la Timone (Assistance publique-Hôpitaux de Marseille) a mis en place un groupe d’accueil jour et nuit dans son service de réanimation pédiatrique, afin de mieux répondre aux questions des parents, qui peuvent être sources d’incompréhension et de tensions.

À l’hôpital Robert-Debré (AP-HP), les membres du personnel tâchent de ne pas passer dans les couloirs en restant « indifférents aux familles », mais de les saluer et de leur sourire. Quelle que soit la démarche de prévention mise en œuvre, elle passe nécessairement par l’implication des équipes, insiste Clara de Bort. « Certains établissements ont mis des caméras partout, des contrôles d’accès biométriques, mais sans impliquer le personnel. Les matériels ont rapidement été désactivés. » La chef du département stratégie et ressources ne croit pas non plus aux formations self-défense dispensées par d’anciens policiers ou militaires et qui ne seraient pas adaptées aux milieux de soins. « Il ne s’agit pas de transformer les infirmières en Rambo ! »

TÉMOIGNAGE

En avril, j’ai été confronté au père d’une patiente qui ne retrouvait pas sa carte Vitale. Lorsque je lui ai demandé de faire moins de bruit dans la salle d’attente, il m’a hurlé dessus pour que je lui rende les « papiers de Sécu » que je lui avais prétendument « volés ». Ce numéro a duré plusieurs minutes. Quand je suis revenu pour lui demander de prendre ma requête en considération, il a sorti un couteau et a lancé ? « JE VAIS TE PLANTER CONNARD, TU ENTENDS ! JE VAIS TE PLANTER ! ». Il s’est approché de moi. Assez pour que je sois en danger. Je suis allé prevenir les forces de l’ordre. La patiente et son père sont partis aussitôt. J’ai déposé une plainte, qui n’est pas encore instruite. La violence, verbale et physique, est courante. Nous devons souvent faire intervenir la police. Une collègue a eu l’arcarde sourcilière ouverte. Une nuit de nouvel an, je me suis battu avec un patient complètement ivre… ERWAN

INFIRMIER DE NUIT AUX URGENCES (LOIR-ET-CHER)