Prise en charge des personnes décédées - L'Infirmière Magazine n° 263 du 01/09/2010 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Magazine n° 263 du 01/09/2010

 

décès

Conduites à tenir

Le CHU de Rennes a récemment mis en place un « kit décès » et un guide de bonnes pratiques afin d'améliorer les soins et les procédures relatifs aux décès survenant dans l'établissement.

LE CONTEXTE

« La prise en charge d'une personne décédée est un soin en tant que tel », souligne d'emblée Viviane Chantelou, cadre supérieure de santé, chargée de missions transversales à la direction des soins du CHU de Rennes(1). Force est pourtant de constater que cette prise en charge laissait depuis quelque temps à désirer, notamment en raison d'un référentiel décès mis en place en 1999 et jamais réactualisé depuis. En 2008, la cellule des événements indésirables de l'établissement avait, ainsi, été alertée de plusieurs incidents survenus sur une courte période. « Par exemple, développe Viviane Chantelou, des corps avaient été transférés à la chambre mortuaire sans identification ou sous une identité erronée, d'autres, placés dans l'un des quatre dépôts de corps de l'hôpital sans que l'équipe de la chambre mortuaire soit prévenue. De surcroît, outre des erreurs dans le remplissage et la transmission des différents formulaires - dont certains n'étaient d'ailleurs plus conformes à la législation -, nous constations "des glissements" récurrents dans les pratiques infirmières et, notamment, l'abandon dans certains services de la toilette mortuaire. L'argument souvent avancé par les soignants était que les patients décédés pouvaient subir un prélèvement de cornée et que, dans ce cas, comme il leur est interdit d'intervenir sur les yeux et le visage de la personne, ils estimaient que la chambre mortuaire pouvait aussi se charger de la toilette. » « Par ailleurs, dit encore la cadre supérieure, il nous avait été signalé que des effets personnels des défunts étaient parfois remis aux proches dans un sac poubelle. »

LA MÉTHODOLOGIE

Afin de pallier ces différentes carences, et dans le cadre de la procédure de certification V2, la direction des soins a décidé de remettre les choses à plat afin, comme le précise Viviane Chantelou, « de réinscrire la chambre mortuaire dans la chaîne des soins. Même si son activité est marginale et, parfois, marginalisée par le monde hospitalier, elle n'en reste pas moins un service hospitalier au même titre que les autres unités de soins ». Une volonté d'autant plus nécessaire que le CHU de Rennes, qui compte près de 1 800 lits, est un établissement multisite dont certains sont pavillonnaires ; et qu'au fil du temps, chacun d'eux avait développé des pratiques différentes autour du décès des patients. « Les pratiques pouvaient même varier au sein d'un même bâtiment », complète Tanguy Roger, responsable de la chambre mortuaire. Bref, l'harmonisation était un enjeu pour assurer une prise en charge de qualité des quelque 1 500 personnes décédant chaque année dans l'établissement, ainsi que celle des familles.

Projet transversal

Ainsi, à partir de 2008, en collaboration avec la direction de la qualité et des relations avec les usagers, l'équipe de la chambre mortuaire et le bureau de l'état civil, la direction des soins a piloté, dans le cadre d'un projet « transversal, institutionnel et pluridisciplinaire », une refonte de la procédure de prise en charge des personnes décédées (adultes et enfants) en s'inspirant de celle instaurée à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Quatre grandes étapes ont jalonné ce projet : tri et réactualisation complète des documents ; détermination des documents et des éléments qui pourraient constituer le « kit » ; choix physique du kit et organisation de son réapprovisionnement ; et, enfin, une période de test. « Pour cette dernière étape, souligne Viviane Chantelou, qui s'est déroulée à partir d'avril 2009, nous avons choisi des services fréquemment confrontés à des décès, comme la réanimation et la pneumologie... À l'issue de cette période, nous avons effectué, en fonction des retours que nous avions des soignants de ces services, des réajustements de forme. » La mise en place des « kits décès adultes », préparés par l'équipe de la chambre mortuaire, s'est faite simultanément dans tous les services de l'établissement en juin 2009, et celle de la procédure destinée aux enfants, en décembre. Charge aux cadres de détruire l'ensemble des anciens documents, de déterminer le lieu de stockage des kits et de s'assurer qu'ils seraient accessibles aux infirmières de jour comme de nuit.

QUi FAIT QUOI ?

Concrètement, le kit se présente sous la forme d'un porte-documents en plastique avec une partie fixe et une partie mobile conditionnée dans une pochette.

Le volet fixe indique les personnes qui doivent remplir les différents documents administratifs et médicaux et celles - ou le service - auxquelles ils doivent être transmis ou remis.

Le volet mobile est, quant à lui, constitué des documents suivants : certificat de décès - bleu pour les adultes, vert pour les enfants jusqu'au 27e jour de vie - ; certificat médical ; demande de transport de corps avant mise en bière ; procès-verbal de constat de décès à coeur arrêté, puisque toute personne décédée est potentiellement donneuse d'organes et de tissus ; fiche de déclaration de décès destinée au Bureau de l'état civil pour la tenue du registre des décès ; et bracelet d'identification du patient.

L'infirmière dispose d'une check-list à cocher, qui fixe les étapes successives de la prise en charge (cf. encadré).

Un livret pour la famille

« Nous avons eu le souci de simplifier au maximum les documents. Par exemple, nous avons créé un certificat médical de décès qui rassemble des informations auparavant ventilées sur plusieurs supports : demande de crémation ; transfert du corps à l'étranger ; certificat de non-contagion pour les dons du corps... », précise la cadre supérieure. « En regard de chacune de ces situations, nous avons également rappelé les textes officiels, arrêtés et circulaires, qui encadrent la législation funéraire et qui peuvent motiver un refus », complète Tanguy Roger. Ce dernier a également rédigé un livret que l'infirmière doit remettre à la famille et qui résume toutes les démarches administratives et funéraires qu'il faut accomplir. « Toutes ces informations leur sont transmises verbalement. Mais, en situation de deuil, il est fréquent que les familles ne soient pas psychologiquement en état de les retenir, d'où l'intérêt, lorsqu'elles rentrent chez elles, de pouvoir se référer à ce document afin d'organiser plus sereinement leurs démarches », indique l'infirmier. Un sac spécifique pour les effets personnels et une feuille d'inventaire ont également été insérés dans le kit. Enfin, les infirmières doivent rédiger une macrocible. « Le décès du patient mettant fin à sa prise en charge médicale, il est indispensable que cela soit écrit et tracé dans le dossier de soins », ajoute Viviane Chantelou.

« Suivez le guide »

Lorsque la chambre mortuaire reçoit une fiche décès, elle renvoie une recharge de documents vierges au service « émetteur ». Depuis fin 2009, les soignants disposent également d'un guide de bonnes pratiques(2) qui reprend les différentes étapes de prise en charge, donne des informations sur les rites funéraires des principales religions, les procédures médicales et administratives qui encadrent les dons et les prélèvements d'organes et de tissus, et moult conseils pour les aider à faire face à toutes les situations, qu'elles soient courantes ou « hors normes » (décès d'un patient lors d'une consultation externe ou ambulatoire, au cours d'un transport, ou d'une personne atteinte d'une maladie à déclaration obligatoire). Deux groupes de lecture, l'un dédié aux adultes, l'autre aux enfants, constitués de soignants et de juristes de l'établissement, ont supervisé la rédaction et le contenu de ce guide. Se présentant sous la forme d'un classeur, ces fiches peuvent être facilement réactualisées. Enfin, ce guide présente la chambre mortuaire, son équipe et son fonctionnement. Le premier bilan effectué six mois après la mise en place de ces nouvelles procédures a montré plusieurs bénéfices. « D'une manière générale, les services ont noté moins d'oublis et d'erreurs qui pouvaient pénaliser les familles. Les infirmières ont apprécié que les consignes soient désormais claires. Et tout le monde a estimé que ce nouveau protocole faisait gagner du temps », résume la cadre supérieure. Cependant, elle n'a pas caché quelques résistances aux changements, « notamment de la part des plus anciens », et des erreurs dans la composition et le circuit du kit. Le choix même du mot « kit » n'a pas, non plus, remporté une franche adhésion de la part du personnel. « Il ne nous convient pas non plus, mais j'avoue que nous n'avons pas trouvé mieux ! », conclut Viviane Chantelou.

1 - Cette initiative a été présentée lors du dernier Salon infirmier.

2 - Également consultable sur l'intranet du CHU. Contact : viviane.chantelou@chu-rennes.fr

La check-list du « kit décès »

- L'infirmière (IDE) suit, en huit étapes, la procédure de prise en charge de la personne décédée dans son unité. Les autres professionnels intervenant dans le processus sont mentionnés.

Étape 1 (IDE)

- Informer le médecin du service ou de garde du décès de la personne.

Étape 2 (un médecin thésé)

- Constater le décès et remplir les formulaires suivants : certificat de décès ; certificat médical ; demande de transport avant mise en bière ; procès-verbal de constat de mort à coeur arrêté.

Étape 3 (IDE + un médecin thésé)

- Prévenir la famille (en respectant le choix de la personne à prévenir, ou de confiance, désignée par le patient). Lui demander : si elle souhaite se déplacer pour visiter le défunt dans l'unité ; d'apporter le livret de famille ou toute pièce justifiant l'identité de la personne décédée ; d'apporter des vêtements et de se mettre en rapport avec l'organisme funéraire de son choix.

Étape 4 (IDE)

- Prévenir ou laisser un message 24 h/24 : à la chambre mortuaire ; au bureau des décès ; et, le cas échéant, à la coordination des prélèvements, en indiquant l'heure du décès, les nom et prénom du patient, son numéro d'identification administratif. En dehors des heures d'ouverture : remplir et faxer la fiche d'information pour le bureau des décès et la fiche d'information pour la chambre mortuaire. Si le patient est équipé d'une prothèse à pile, remplir la fiche adéquate.

Étape 5 (IDE + AS ou 2 AS seules)

- Réaliser la toilette mortuaire ; poser un bracelet d'identification ; faire un inventaire des affaires personnelles de la personne et les rassembler dans le sac vestiaire du CHU.

Étape 6 (IDE)

- Accompagner la famille (si elle le souhaite) auprès du défunt ; au bureau des décès durant les heures d'ouverture avec les formulaires remplis ; remettre à la famille le sac vestiaire et l'informer si des objets de valeur ont été déposés à la recette de l'établissement.

Étape 7 (IDE)

- De 7 h 30 à 17 h 15, faire transférer la personne décédée à la chambre mortuaire. Après 17 h 15, et après le passage de la famille, transférer la personne décédée au dépôt des corps.

Étape 8 (IDE)

- Rédiger une macrocible décès et la classer dans le dossier de soins du patient accompagnée de la check-list cochée et signée.