Quelle activité physique conseiller ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 325 du 01/05/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 325 du 01/05/2016

 

Cahier de formation

Savoir faire

Mme M., 40 ans, présente une hypercholestérolémie modérée qui persiste malgré des efforts alimentaires. Son médecin envisage de lui prescrire un traitement car elle présente des facteurs de risque (surpoids, tabagisme, sédentarité). Déjà traitée pour la tension et une maladie de Parkinson récemment diagnostiquée, elle se montre très perturbée par “l’injustice” de la situation et rejette l’idée de devoir, en plus, ajouter un médicament à tous ceux qu’elle prend déjà.

Vous lui expliquez que ses efforts alimentaires peuvent avoir un effet d’autant plus bénéfique que lui sera associée une AP adaptée qui non seulement peut aider à équilibrer son cholestérol sans médicament mais sera très utile pour maîtriser les symptômes de Parkinson. Vous l’invitez à consulter son neurologue pour préciser les exercices qu’elle peut mettre en place.

UN DISCOURS ADAPTÉ

Si les Idels doivent connaître les recommandations générales (lire la partie Savoir p.36) pour inciter les patients à pratiquer en prévention primaire une AP favorable à la santé, elles adaptent aussi leur discours en fonction des situations pathologiques car le registre des recommandations du “sport santé sur ordonnance” n’est pas le même et nécessite une approche de l’AP au cas par cas. « Lorsqu’un patient vous dit “je veux bien marcher mais je n’arrive pas à modifier mon alimentation”, commente l’IDE Gaëlle Billeaud, mieux vaut l’encourager à marcher et différer le travail sur l’alimentation pour enclencher un processus de changement. L’important, c’est d’aider le patient à faire le premier pas. » Tout en gardant en point de mire les recommandations, l’Idel reste donc ouverte, dans une démarche motrice mais pas injonctive – le patient doit être acteur et maître de ses décisions.

DES REPÈRES À DONNER

Chez les sujets inactifs et/ou particulièrement sédentaires, les activités intégrées au mode de vie sont un bon point de départ car elles offrent un grand panel de possibilités moins difficiles à mettre en œuvre, ne requièrent aucune compétence particulière et contribuent à faire rentrer dans les mentalités la relation entre AP et santé. Le guide “La santé vient en bougeant”(1) du Programme national nutrition santé (PNNS) propose de nombreux conseils pratiques pour être moins sédentaire et augmenter son AP au quotidien, par exemple en intégrant certains exercices dans sa vie quotidienne (prendre l’escalier plutôt que l’ascenseur ou les escalators, descendre un arrêt plus tôt du bus ou du métro, profiter d’un rayon de soleil pour jardiner, aller acheter le pain à vélo plutôt qu’en voiture…). Ensuite, lorsque le patient s’oriente vers la pratique d’une AP récréative suivie, l’Idel veille à ce qu’elle soit raisonnée, régulière et raisonnable.

LA RÈGLE DES 3 R

Édictée par le professeur de physiologie Daniel Rivière, vice-président de la Société française de médecine du sport, cette règle universelle peut s’appliquer à toute personne non malade mais aussi à la grande majorité des patients atteints de maladies chroniques.

R pour raisonnée

Examen médical : un prérequis

« Une AP raisonnée, explique-t-il, est adaptée à chaque patient et personnalisée. C’est la partie la plus importante de la règle car elle débouche sur la prescription de l’AP adaptée au cas particulier du patient. » Elle repose sur la réalisation d’un examen médical visant à :

→ dépister une contre-indication à une AP particulière ;

→ rechercher une indication restrictive, c’est-à-dire principalement un problème fonctionnel (articulaire par exemple) nécessitant une réadaptation préalable à la pratique d’une AP avec un médecin du sport ou un kinésithérapeute ;

→ estimer le niveau de sédentarité, l’aptitude à l’AP (via par exemple le questionnaire sur l’aptitude à l’activité physique, le Qaap, qui permet de façon simplifiée aux personnes de 15 à 69 ans de connaître les éventuelles contre-indications à la pratique d’une AP)(2) ;

→ donner des conseils d’hygiène de vie (réduire les activités sédentaires, équilibrer l’alimentation en se rapprochant des apports nutritionnels conseillés par le PNNS, réduire l’alcool et le tabac, dormir, s’hydrater pendant et après l’effort).

Choix de l’AP

L’AP doit être choisie en fonction des conclusions de l’examen médical et des préférences du patient en ayant toujours à l’esprit qu’elle doit être ludique avant tout. « Idéalement, poursuit le spécialiste, il est préférable de cibler deux ou trois AP pour varier les plaisirs, garantir la poursuite de l’AP par tous les temps et mobiliser le corps entier (marcher, courir, rouler, nager, skier…). Il convient également de fixer des objectifs accessibles laissant une marge de progrès et d’avoir un discours optimiste et valorisant. »

Mise en place de l’AP

La mise en place de l’AP doit se faire conformément aux recommandations en vigueur en associant aux exercices de type aérobie d’intensité modérée ou élevée, des exercices de souplesse ou de renforcement musculaire (musculation douce) que l’on peut faire à la maison facilement à l’aide d’une chaise, d’une bouteille d’eau remplie ou d’un mur en répétant les exercices autant de fois que possible : s’asseoir et se lever de la chaise ; lever et poser la chaise avec les deux mains puis une chaise dans chaque main ; faire des pompes contre le mur ; passer la bouteille d’une main à l’autre bras tendus ; tour à tour contracter et relâcher toutes les parties du corps ; si besoin en se maintenant au dossier d’une chaise ou au mur, lever un genou puis l’autre ; se soulever sur la pointe des pieds ; dessiner des cercles en avant et en arrière avec les épaules… Lorsqu’on avance en âge, des exercices d’équilibre doivent être rajoutés pour prévenir les chutes (marcher le long d’une ligne sur le sol, se tenir sur un pied avec les yeux fermés…). Si nécessaire, le médecin peut prescrire quelques séances de kinésithérapie pour apprendre au patient comment réaliser ces exercices. Enfin, chez l’enfant, il est particulièrement important de privilégier les activités avec mise en charge (courir, monter les escaliers) pour favoriser la constitution du capital osseux.

R pour régulière

Si l’objectif des recommandations hebdomadaires (trente minutes, cinq fois par semaine) est difficile à atteindre, l’Idel encourage le patient en passant avec lui un “contrat” progressif commençant par tous les trois jours (deux fois par semaine), puis tous les deux jours (trois fois par semaine) jusqu’à ce qu’il atteigne, si possible, quatre voire cinq fois par semaine. « Au minimum, si des obstacles organisationnels sont difficiles à surmonter, il faut pratiquer l’AP deux fois par semaine dont un jour de semaine et un le week-end », commente le Pr Rivière.

R pour raisonnable

L’AP doit être mise en place avec beaucoup de progressivité, et ce, d’autant plus que la personne était jusqu’alors totalement sédentaire, de manière à préserver le confort, à ne pas générer de douleur et à limiter l’essoufflement. Les séances doivent toujours commencer par une période d’échauffement d’autant plus longue que l’on avance en âge (quinze minutes à 60 ans et jusqu’à trente minutes après 70 ans). L’AP proprement dite peut commencer par dix minutes d’exercices si la personne ne peut pas faire davantage d’emblée. Il s’agit d’accueillir la personne où elle en est et de l’aider à retrouver le plaisir, le goût et le sens de bouger. La fin de la séance doit être associée à une récupération active de quelques minutes, voire à des étirements (stretching) des muscles les plus travaillés vingt à trente minutes après la séance d’AP.

SÉCURISER LA PRATIQUE DE L’AP

Pour rester dans une pratique sécurisée, un repère basique accessible à tous les patients est que tout en transpirant un peu et en étant légèrement essoufflée, la personne est encore capable de parler mais pas de chanter. Pour ceux qui préfèrent objectiver précisément l’intensité de l’effort qu’ils sont en train de fournir, un moyen simple et sûr est de connaître la fréquence cardiaque cible que le patient ne doit pas dépasser lors de son AP. Elle se calcule facilement (tableau ci-dessus) et peut être contrôlée pendant et à l’issue de l’effort soit par la prise du pouls, soit à l’aide d’un cardiofréquencemètre (appareil facile à utiliser et d’un coût abordable) qui présente l’avantage de mesurer avec précision la fréquence cardiaque.

Un autre moyen de sécuriser l’exercice consiste à utiliser une échelle visuelle analogique (EVA) individualisée. En partant de 0 pour la position de repos, on gradue l’intensité de l’AP (essoufflement, fatigue musculaire) jusqu’à 10 (exercice extrême) pour un exercice donné, ce qui permet ensuite de fixer pour chaque patient les chiffres qu’il doit respecter pour travailler en sécurité. Par exemple, si une activité modérée correspond à 3-4 et une activité intense à 5-6 sur l’EVA, il pourra travailler longtemps tant qu’il ne dépasse pas 3-4, mais devra réduire la durée de l’exercice s’il atteint 5-6.

(1) Via le lien raccourci bit.ly/1He0cj7

(2) Via le lien raccourci bit.ly/1V3ho5c