Les antiémétiques - L'Infirmière Libérale Magazine n° 312 du 01/03/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 312 du 01/03/2015

 

Pharmacologie

Cahier de formation

LE POINT SUR

Maïtena Teknetzian  

Les antiémétiques permettent de soulager vomissements et nausées induits par le mal des transports, une intervention chirurgicale ou une chimiothérapie anticancéreuse.

Le vomissement

→ Ce processus implique des récepteurs (sérotoninergiques, dopaminergiques, histaminergiques, neurokiniques) d’une zone du cerveau appelée chemoreceptor trigger zone (ou CTZ), reliée au centre du vomissement.

→ Les antiémétiques exercent une action antagoniste sur ces différents récepteurs.

Les antagonistes dopaminergiques

→ Molécules : alizapride : Plitican ; métoclopramide : Anausin, Primpéran, Prokinyl ; dompéridone: Motilium, Péridys ; métopimazine : Vogalène, Vogalib.

Utilisation

Les antagonistes dopaminergiques agissent sur la CTZ et accélèrent la vidange gastrique. Ils sont utilisés dans le traitement symptomatique des nausées et vomissements, y compris chimio-induits (sauf la dompéridone).

Principaux effets indésirables

→ Ce sont des neuroleptiques “cachés” qui exposent au risque d’effets indésirables :

– neurologiques : somnolence, dystonies précoces (en particulier chez l’enfant et l’adulte jeune), dyskinésies tardives (en particulier chez le sujet âgé), syndrome extra-pyramidal, convulsions (en particulier chez les patients épileptiques ou en surdosage), risque exceptionnel de syndrome malin (décrit sous métoclopramide). Ces effets sont plus rares avec la dompéridone qui passe difficilement la barrière hémato-encéphalique (ou BHE) ;

– endocriniens : gynécomastie, galactorrhée, douleurs mammaires sont possibles, surtout en utilisation prolongée. L’utilisation hors AMM de la dompéridone pour stimuler la montée de lait chez la femme allaitante est déconseillée par l’ANSM.

→ La dompéridone est associée à un risque d’allongement de l’intervalle QT à l’ECG et de survenue de torsades de pointe graves potentiellement létales (lire l’encadré).

→ Le métoclopramide est incriminé dans la survenue de méthémoglobinémies chez le nourrisson.

→ La métopimazine peut induire des troubles neurovégétatifs (hypotension orthostatique, sécheresse buccale, constipation, troubles de l’accomodation et rétention urinaire) du fait d’une action supplémentaire anticholinergique.

Contre-indications communes

→ Situations pour lesquelles la stimulation de la motricité est dangereuse : obstruction digestive mécanique, perforation digestive…

→ Antécédents de dyskinésies tardives sous neuroleptiques.

Contre-indications spécifiques

→ Métoclopramide : enfants (en pédiatrie, le métoclopramide n’est indiqué qu’en deuxième intention, à partir de 1 an, dans les vomissements post-opératoires ou chimio-induits), antécédent connu de méthémoglobinémie.

→ Métopimazine : risque de glaucome à angle fermé, adénome de la prostate.

→ Alizapride : grossesse.

→ Dompéridone : insuffisance hépatique même modérée, affections cardiaques sous-jacentes comme l’insuffisance cardiaque congestive.

Principales interactions

→ Association contre-indiquée avec les médicaments dopaminergiques et la dopathérapie du fait d’un antagonisme réciproque (sauf avec la dompéridone, qui ne passe pas la BHE).

→ Dompéridone contre-indiquée avec les médicaments allongeant l’espace QT ou les inhibiteurs puissants du CYP 3A4 (cytochrome impliqué dans son métabolisme).

Les antagonistes 5HT3

→ Molécules : granisétron : Kytril ; ondansétron : Zophren.

Utilisation

Ce sont des médicaments remboursés selon la procédure des médicaments d’exception, indiqués dans la prévention et le traitement des nausées et vomissements postopératoires et ceux induits par la chimiothérapie et la radiothérapie. Ils agissent en bloquant les récepteurs sérotoninergiques de la CTZ et du tractus gastro-intestinal, empêchant ainsi non seulement la stimulation de la CTZ, mais aussi la libération de sérotonine par les cellules entérochromaffines irritées par les cytotoxiques.

Principaux effets indésirables

Constipation, céphalées, bouffées de chaleur, réactions au point d’injection.

Principales interactions

→ L’association aux corticoïdes est synergique.

→ L’association à d’autres médicaments ralentisseurs du transit (opioïdes, racécadotril…) majore le risque de constipation et d’iléus.

Les anti-histaminiques

→ Molécules : diménhydrinate : Nausicalm.

Utilisation

Le diménhydrinate est indiqué dans le traitement des nausées et vomissements sans fièvre et le traitement du mal des transports. Il agit en bloquant les récepteurs histaminiques et cholinergiques de l’appareil vestibulaire et du centre du vomissement.

Principaux effets indésirables

Somnolence, mais aussi effets atropiniques : sécheresse buccale, mydriase, vertiges, consti- pation, troubles mictionnels, hypotension orthostatique, troubles de la mémoire.

Principales contre-indications

Risque de glaucome par fermeture de l’angle et adénome de la prostate.

Principales interactions

La consommation d’alcool est déconseillée pour ne pas majorer la sédation. L’association aux autres dépresseurs du système nerveux central ou autres anticholinergiques doit prendre en compte le risque d’addition d’effets indésirables de même nature. L’association aux anticholinestérasiques utilisés dans la maladie d’Alzheimer est illogique.

Les antagonistes NK1

→ Molécule : aprépitant : Emend.

Utilisation

L’aprépitant est un médicament d’exception, utilisé en association aux sétrons et aux corticoïdes dans les vomissements induits par la chimiothérapie moyennement et hautement émétisante. Il bloque les récepteurs neurokiniques à la substance P (neuropeptide libérée par les cellules entérochromaffines sous l’effet irritant de la chimiothérapie) situés sur la CTZ.

Principaux effets indésirables

Hoquet, asthénie, élévation des transaminases, constipation et céphalées.

Principales interactions

Nombreuses, surtout avec la warfarine (contrôle renforcé de l’INR).

Dompéridone et risque cardiaque

→ La dompéridone est susceptible de provoquer des torsades de pointe. En juillet 2014, la réévaluation européenne initiée par le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance a conclu que « le rapport bénéfice-risque de la dompéridone pour le soulagement des symptômes de type nausées et vomissements reste positif chez les adultes, les adolescents et les enfants ».

→ L’augmentation des effets cardiaques graves a toutefois été confirmée, chez les plus de 60 ans, en cas de posologies supérieures à 30 mg/j, ou encore en cas d’interaction avec les médicaments allongeant l’espace QT ou avec les inhibiteurs du CYP 3A4.

→ En conséquence, elle est désormais contre-indiquée en cas d’insuffisance hépatique, en cas d’affections cardiaques sous-jacentes et en association aux autres torsadogènes ou inhibiteurs de CYP 3A4. L’ANSM (alerte du 1er septembre 2014) recommande aussi de l’utiliser à la dose la plus faible possible sur une durée la plus courte possible. Les présentations à 20 mg ont donc été retirées du marché.