La réforme au milieu du gué - L'Infirmière Libérale Magazine n° 290 du 01/03/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 290 du 01/03/2013

 

SANTÉ PUBLIQUE

Actualité

PREMIER RECOURS → Dans son rapport public annuel 2013, présenté mi-février, la Cour des comptes dresse un bilan sévère de la réforme du médecin traitant et du parcours de soins coordonnés, introduite en 2004. Huit ans après, elle n’a pas atteint ses objectifs.

Certes, le médecin traitant traite et il est rémunéré pour cela. Mais le parcours de soins coordonnés, lui, tient du parcours du combattant, pour des assurés sociaux noyés dans la jungle d’une offre de soins… non coordonnés.

De l’efficience

Pourtant, aux termes de la loi, l’instauration de ces deux dispositifs-clés devait aller de paire pour refonder l’organisation des soins en France, avec, en prime, davantage d’efficience tant au plan médical qu’économique. D’où le constat sans appel de la Cour des Comptes, parmi 44 autres sujets développés dans son épais rapport annuel : la réforme du médecin traitant est restée « purement administrative », tâcle Didier Migaud, président du comité des Sages de la rue Cambon. La faute, d’une part, à la délégation de sa mise en œuvre aux partenaires conventionnels que sont les médecins et l’Assurance maladie, et d’autre part, aux errements du dossier médical personnel (DMP), qui devait accompagner le processus et qui demeure dans les limbes à ce jour.

Pénalisation de l’assuré

Le constat est d’autant plus amer que l’adhésion massive des assurés au dispositif ne se dément pas : 89,7 % de ceux du régime général avaient déclaré un médecin traitant, généraliste dans 95 % des cas, fin 2011.

Mais l’attachement des assurés à leur médecin de famille ne saurait faire oublier la forte contrainte financière à laquelle obéit leur observance, note la Cour. Le système repose en effet sur un mécanisme de pénalisation de l’assuré, les pénalités étant d’autant plus dissuasives qu’elles ne peuvent être prises en charge par les organismes complémentaires d’Assurance maladie dans le cadre des contrats responsables. La majoration du ticket modérateur pour les assurés n’ayant pas choisi de médecin traitant ou consultant hors parcours de soins coordonnés a quadruplé dans les trois ans qui ont suivi la mise en œuvre du dispositif, passant de 10 à 40 %, rappelle la Cour, soit 206 millions d’euros d’économies tous régimes confondus pour l’Assurance maladie en 2011. Au final, la mise en œuvre conventionnelle du parcours de soins a contribué à la hausse du reste à charge, passé de 8,8 à 9,6 % du coût des soins entre 2004 et 2011. Pour les assurés, analyse la Cour, la réforme se résume à un « parcours tarifaire d’une considérable complexité ».

Et le contenu médical ?

Elle a en revanche permis de diversifier et revaloriser la rémunération des praticiens : « Les suppléments de rémunération médicale directement induits » s’élèvent à « près de 600 ? millions d’euros par an », octroyés à 54,5 % aux spécialistes, calcule la Cour.

Un constat « d’autant plus paradoxal » que la création du médecin traitant « visait à revaloriser le rôle du médecin généraliste », rappelle-t-elle. Mais le rôle de pivot que celui-ci devait assumer n’existe que sur le papier : la circulation de l’information entre médecins traitants et correspondants n’a été « ni rigoureusement organisée, ni méthodiquement outillée », constate la Cour. Des « insuffisances », qui, « jointes aux retards de mise en place du DMP*, ont contribué à vider de tout contenu médical les notions de médecin traitant et de parcours de soins coordonnés », déplore-t-elle.

* Seuls 274 141 DMP étaient officiellement créés en France au 20 janvier 2013.

Un effort insuffisant

Le redressement des comptes publics, engagé en 2011, s’est poursuivi et a progressé en 2012, note la Cour des Comptes. Pour autant, les augmentations de recettes et les économies sur les dépenses programmées en 2013, qui représentent 38 millions d’euros, soit « un effort considérable et même sans précédent » de près de deux points de PIB, n’empêcheront pas la dette publique de se creuser et de « dépasser les 90 % du PIB », a prévenu le premier président Didier Migaud. Et d’insister « pour que l’effort structurel programmé soit effectivement et intégralement réalisé » et qu’il soit rééquilibré au profit de la maîtrise des dépenses (25 % de l’effort en 2013 contre 75 % pour les recettes nouvelles). Cette réduction des dépenses devra être « équitablement répartie » entre tous les acteurs de la dépense publique, « organismes de sécurité sociale compris », a prescrit Didier Migaud.