Vers plus de contrôle - L'Infirmière Libérale Magazine n° 279 du 01/03/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 279 du 01/03/2012

 

DISPOSITIFS MÉDICAUX

Actualité

VIGILANCE > Après la réforme du médicament, s’annonce celle des dispositifs médicaux. Plus compliquée, elle combinera des mesures franco-françaises issues du rapport Grall/Maraninchi remis au ministre de la Santé début février et des mesures européennes dans le cadre de la refonte des directives réglementant les dispositifs médicaux.

Après la crise de confiance dans le médicament, le secteur des dispositifs médicaux (DM) vit lui aussi quelques remous depuis les débuts de l’affaire PIP, du nom de cette entreprise (Poly Implant Prothèse) qui utilisait de la silicone industrielle et non médicale dans la fabrication de ses prothèses mammaires. Début janvier, le ministre de la Santé Xavier Bertrand a fait savoir qu’il souhaitait instaurer de nouvelles règles, de manière à assurer un bon niveau de sécurité dans ce champ.

Qu’est-ce qu’un DM ?

Mais, au fait, de quoi parle-t-on exactement ? Existe-t-il secteur plus hétérogène que celui des dispositifs médicaux ? Du pansement au fauteuil roulant en passant par des prothèses implantables ou des scanners, les dispositifs médicaux, aussi divers que nombreux, sont définis par le Code de la Santé publique comme « tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l’exception des produits d’origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels intervenant dans son fonctionnement, destiné par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins médicales et dont l’action principale voulue n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens ». Du très simple au très compliqué, en somme.

PIP et DM

L’affaire des prothèses mammaires ne saurait attirer la suspicion sur l’ensemble des DM, considère-t-on au Snitem (Syndicat national de l’industrie des technologies médicales). S’il comprend « le degré d’émotion que cela a pu susciter », François-Régis Moulines, directeur des affaires publiques et juridiques du Snitem, insiste aussi sur le fait que l’affaire PIP est « une affaire de fraude », que cette histoire n’a pas révélé de « problème d’évaluation ». Sa position : rien à voir avec l’affaire du Mediator, les agences sanitaires ont fait leur travail et la réglementation autour des dispositifs médicaux n’est pas en cause. La réglementation, non mais l’évaluation, c’est une autre affaire, si l’on en croit les conclusions du rapport(1) remis à Xavier Bertrand le 1er février dernier par Jean-Yves Grall, directeur général de la santé (DGS) et Dominique Maraninchi, directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Les rapporteurs relèvent en effet d’importants manquements en matière de surveillance de la société PIP, les premiers incidents enregistrés de cette entreprise remontant à 1996. Ils recommandent du coup un renforcement des inspections, qui devront se faire de façon inopinée, ainsi qu’une amélioration du système de matériovigilance. Xavier Bertrand a d’ores et déjà repris à son compte ces suggestions.

Révision des directives

De plus, la déclaration d’effets indésirables par les professionnels de santé ainsi que par les patients devra être facilitée. En revanche, s’il avait été évoqué l’éventualité de mettre en place un dispositif réglementaire équivalent à celui des médicaments, via l’introduction d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), la réforme n’aura pas lieu. Les industriels du secteur l’estiment inadaptée, et notent au passage que les études cliniques n’ont rien à voir. « Faire une étude prothèse de hanche versus placebo, admettez que c’est compliqué », ironise le représentant du Snitem.

Il n’empêche, le rapport Afssaps-DGS pointe pour sa part que « l’industriel devrait soumettre des données cliniques robustes au travers de la réalisation de véritables essais cliniques, permettant d’apprécier le bénéfice/ risque du dispositif médical implantable, au travers d’une évaluation européenne indépendante et transparente de ces données ».

Cela étant, les dispositifs médicaux ne relèvent pas du droit national mais de la législation européenne. La directive 90/385/CEE relative à la mise sur le marché des dispositifs médicaux implantables actifs et la 93/42/CEE relative à la mise sur le marché des dispositifs médicaux sont ainsi les deux textes majeurs réglementant les DM. Et il se trouve, hasard de calendrier, que le chantier de la refonte de ces textes figure au menu des travaux de la Commission européenne de cette année. Selon toute vraisemblance, la Commission devrait proposer une première mouture vers la fin du premier semestre 2012, texte qui devra ensuite passer au Parlement européen puis être étudié par les États membres. Un travail de longue haleine qui pourrait n’aboutir qu’en 2014.

Les organismes notifiés en ligne de mire

Le ministère de la Santé français considère que ces directives ainsi revues devront « renforcer les exigences essentielles sur les données cliniques à fournir et leur évaluation pour la mise sur le marché des dispositifs médicaux, les modalités d’inspection, les échanges entre autorités compétentes », de même qu’il importera « d’améliorer le fonctionnement des organismes notifiés ». Ces organismes, en charge dans chaque État membre, « de mettre en œuvre les procédures d’évaluation de la conformité ou de réaliser des opérations de contrôle de conformité », ainsi que le stipule Code du Travail (article R. 4313-83), sont en effet montrés du doigt, accusés de manque de sérieux.

Ainsi le Collectif Europe et médicament(2) dénonçait-il fin janvier « les insuffisances du marquage CE, délivré par des organismes dits notifiés mais en réalité peu contrôlés, choisis et rémunérés par les fabricants eux-mêmes ». Le Snitem demande lui aussi à ce que le nombre d’organismes notifiés (aujourd’hui plus de 110 en Europe) diminue, et plaide pour une « approche intégrée au niveau européen pour éviter les possibles disparités en terme d’évaluation entre les États ».

Un réquisitoire partagé par John Dalli, commissaire européen en charge de la santé, qui souhaite un renforcement des inspections et milite pour une systématisation de l’accès aux rapports d’incidents par les autorités de certification. Dans l’attente de la révision des directives, la Commission européenne a demandé « une étude complémentaire approfondie des conséquences potentielles sur la santé de l’implantation de prothèses mammaires frelatées ». Elle souhaite également ouvrir une réflexion avec les États membres sur la façon de renforcer la vigilance sur la base des directives actuellement en vigueur.

(1) Rapport “État des lieux des contrôles opérés par les autorités sanitaires sur la société Poly Implant prothèse”, en ligne sur le site de l’Afssaps.

(2) Créé en mars 2002, fort de plus de soixante organisations membres réparties dans douze pays de l’Union, ce collectif indépendant est composé d’associations de malades, d’organisations familiales et de consommateurs, d’organismes d’assurance maladie et d’organisations de professionnels de santé.

EN SAVOIR +

→ 6,85 milliards d’euros : c’est la dépense remboursée par l’Assurance maladie en 2010 au titre des dispositifs médicaux, selon le Comité économique des produits de santé (CEPS).

→ Le Sénat vient de créer une mission d’information sur les dispositifs médicaux implantables. Présidée par la sénatrice UMP Chantal Jouanno, la mission devrait rendre ses conclusions à la mi-juillet. Le sénateur socialiste Bernard Cazeau a été nommé rapporteur.