Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) - L'Infirmière Libérale Magazine n° 257 du 01/03/2010 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 257 du 01/03/2010

 

Cahier de formation

Savoir faire

Monsieur D., 65 ans, ayant un antécédent d'ulcère gastrique, prend souvent, pour lutter contre des douleurs lombaires liées à son arthrose, le Voltarène® prescrit pour sa femme. Que faire ?

Les AINS sont efficaces pour soulager les symptômes liés à l'arthrose et indiqués. Mais monsieur D. présente au moins deux facteurs de risque de complications ulcéreuses gastro-duodénales.Conseillez-lui de consulter son médecin traitant pour adapter son traitement.

La famille des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) comporte trois grands groupes de molécules que sont les AINS dits classiques, l'aspirine (à dose > 500 mg) et les inhibiteurs spécifiques de la cyclo-oxygénase-2 ou coxibs. Les AINS représentent la famille thérapeutique la plus consommée au monde en raison de leur efficacité anti-inflammatoire, antalgique, antipyrétique. Malgré leur bonne tolérance globale, les AINS peuvent entraîner des effets indésirables, dont certains sont graves. Les mesures de prescription des médecins visent à les éviter.

EFFETS INDÉSIRABLES DIGESTIFS

Les complications digestives sont les plus fréquentes et les plus graves. On distingue les effets indésirables bénins (gastrite, nausée, dyspepsie) des effets indésirables graves (ulcères gastro-duodénaux, hémorragie digestive, perforation, obstruction). Ces complications peuvent survenir quel que soit le mode d'administration. Globalement, les AINS classiques augmentent le risque de survenue d'un ulcère d'un facteur 3 à 5.

Plusieurs facteurs de risque ont été identifiés. Il s'agit de l'âge supérieur à 65 ans, et plus encore après 75 ans, des antécédents digestifs (ulcère gastroduodénal compliqué ou non), la sévérité des facteurs de comorbidité cardiovasculaire ou rhumatologiques, l'infection à Helicobacter pylori, la prise concomitante d'aspirine, même à faible dose, de clopidogrel, d'anticoagulants ou de corticoïdes.

Des lésions du grêle, de l'oesophage et du colon peuvent aussi survenir, ainsi que des lésions anorectales lors des traitements par suppositoires. Enfin, les AINS peuvent être responsables de poussées dans les maladies de Crohn et de rectocolite hémorragique.

Les coxibs, par rapport aux AINS classiques, réduisent le risque de complication ulcéreuse et d'ulcère symptomatique de 50 % environ. Mais ils sont peu employés du fait de leurs risques d'effets cardiovasculaires.

TOLÉRANCE RÉNALE

La tolérance rénale chez le sujet sain, jeune et bien hydraté est excellente. En revanche, du fait de l'inhibition de la synthèse des prostaglandines rénales, les AINS peuvent entraîner une diminution de la filtration rénale et une rétention hydrosodée responsable d'oedèmes, d'hypertension artérielle (HTA) et de décompensation cardiaque chez les patients ayant à la base des anomalies de la perfusion rénale. Il s'agit des sujets âgés, de patients souffrant d'insuffisance cardiaque ou rénale, de glomérulonéphrite chronique, d'insuffisance hépatique, de lupus, de diabète, de patients sous diurétiques ou bêta-bloquants. D'autres effets indésirables rénaux dus aux AINS peuvent survenir : néphrite interstitielle aiguë, glomérulopathie.

EFFETS INDÉSIRABLES CARDIOVASCULAIRES

Les AINS, et plus particulièrement les coxibs, augmentent le risque de thrombose et d'HTA chez les patients exposés à un risque cardiovasculaire.

Ces risques sont liés à l'effet anti-Cox-2 et sont d'autant plus marqués que la sélectivité anti-Cox-2 est élevée et non compensée par l'action anti-agrégante plaquettaire en rapport avec l'effet anti-Cox-1.

L'association antivitamine K-AINS est déconseillée, car les AINS peuvent entraîner une augmentation de la concentration sanguine en antivitamine K, et donc une augmentation du risque hémorragique. Cependant, en cas de nécessité, cette association est possible mais demande alors des contrôles rapprochés de l'INR. L'association ibuprofène-aspirine est particulièrement déconseillée, car l'ibuprofène inhibe l'effet antiagrégant plaquettaire de l'aspirine. Si les deux traitements doivent être associés, l'aspirine doit être pris au moins une heure avant l'ibuprofène.

AUTRES EFFETS INDÉSIRABLES

Les toxidermies sont relativement fréquentes. Elles sont en général bénignes (prurit, rash, urticaire) mais revêtent parfois un caractère de gravité (dermatose bulleuse, syndrome de Lyell). Ont été observés : anémie, thrombopénie, agranulocytose, sensations neurosensorielles à type de vertiges, céphalées, étourdissements, «tête vide», dépressions, méningites, des hépatites immuno-allergiques ou toxiques.

Chez les patients cirrhotiques, les AINS risquent de provoquer une insuffisance rénale et peuvent aggraver une cirrhose préexistante : ils sont donc contre-indiqués en cas de cirrhose. Un bronchospasme sous AINS est possible. Les AINS sont contre-indiqués au cours de la grossesse et en particulier au cours du troisième trimestre, car ils peuvent provoquer la fermeture prématurée du canal artériel chez le foetus.

PRÉVENTION DES COMPLICATIONS ULCÉREUSES

Le traitement préventif des complications ulcéreuses est recommandé pendant toute la durée du traitement AINS chez les patients ayant au moins l'un des facteurs de risque suivants :

→ âge > 65 ans ;

→ antécédent d'UGD compliqué ou non compliqué ;

→ association AINS-antiagrégants, AINS-corticoïdes, AINS-anticoagulants.

Le traitement repose sur les IPP.

PRÉVENTION DES LÉSIONS INDUITES PAR L'ASPIRINE À FAIBLE DOSE

Il n'y a pas actuellement de recommandations pour associer systématiquement un IPP lors de l'utilisation d'aspirine à faible dose (inférieure ou égale à 300 mg). En revanche, chez les patients ayant eu une hémorragie digestive lors d'un traitement par aspirine à faible dose et devant le poursuivre, un IPP est systématiquement prescrit au long cours, après avoir recherché, et traité si nécessaire, une infection par H. pylori.

Pratiques générales de prescription d'un AINS

Privilégier le paracétamol lorsque la supériorité d'un AINS n'est pas démontrée.

→ Rechercher la plus petite dose efficace.

→ Éviter les traitements au long cours.

→ Respecter les contre-indications : antécédent de bronchospasme associé à un AINS, insuffisance cardiaque sévère, insuffisance rénale ou hépatique sévère, grossesse, particulièrement au cours des trois derniers mois.

→ Associer un IPP chez les patients ayant au moins l'un des facteurs de risque suivants : âge > 65 ans, antécédent d'UGD, association AINS-antiagrégants, AINS-corticoïdes, AINS-anticoagulant.

→ Éviter chez les personnes âgées de plus de 75 ans.

→ Éviter les AINS chez un patient souffrant de rectocolite hémorragique ou de maladie de Crohn.

→ Ne pas associer deux AINS.

→ À noter : il existe une susceptibilité individuelle variable selon les classes d'AINS. Le médecin peut donc changer la classe d'AINS ou varier la dose.