« Dans quel état allons-nous retrouver l’hôpital ? » | Espace Infirmier
 

Paris, le 27 janvier 1910.

11/03/2016

CRUE DU SIÈCLE

« Dans quel état allons-nous retrouver l’hôpital ? »

Les acteurs de la santé jouent leur rôle dans le grand exercice de gestion du risque d’une crue centennale en Île-de-France. Il est majeur : dans le pire des scénarios, 60% des établissements franciliens sont menacés.

Début février, un front froid stationnaire s’est installé sur le nord de la France, immédiatement suivi de précipitations accentuées sur l’Île-de-France. Les niveaux de la Seine et de la Marne sont montés à un rythme quotidien de 50cm. Du 7 au 12 mars, une crue majeure dépasse le niveau atteint en 1910, soit 8,62 mètres au pont d’Austerlitz à Paris. Voici le scénario sur lequel ont travaillé l’Agence régionale de santé et des dizaines d’établissements sanitaires et médicaux-sociaux en Île-de-France, dans le cadre de l’exercice de gestion de crise EU Sequana, organisé du 7 au 18 mars par la Préfecture de police.

Un hôpital submergé

« Nous avons réalisé notre exercice lundi (7 mars), raconte Éric Rodriguez, le responsable de la sécurité de l’hôpital de Montereau. La cellule de crise a bien réagi. Mais le scénario était si catastrophique que nous avons été submergés… » Situé en Seine-et-Marne, dans une boucle de la Seine, l’hôpital de Montereau sera l’un des premiers établissements de santé touchés en cas de crue. « L’hôpital aura rapidement les pieds dans l’eau. Il sera touché par une panne d’électricité, puis de téléphone. » Le CH n’a donc pas le choix, il doit évacuer le plus vite possible : « Nous avons tout de même le temps de nous organiser, car la crue de la Seine est un phénomène lent », précise le responsable de la sécurité.

Au cours de l’exercice, les cadres ont recensé leurs patients : sur 450 lits, 200 malades doivent être évacués sur l’hôpital voisin de Fontainebleau, qui n’est pas en zone inondable. Les autres rentrent chez eux. « Mais nous n’avons pas travaillé sur les l’hospitalisation à domicile ou l’ambulatoire », regrette Eric Rodriguez. Il ne se fait aucune illusion sur l’état de l’hôpital de Montereau après une crue majeure : « Le problème sera la décrue. En 1910, elle a pris 90 jours. Cela met un hôpital par terre d’un point de vue économique. Et dans quel état allons-nous le retrouver ? »

Opérations déprogrammées, patients renvoyés chez eux

La situation est moins périlleuse à l’hôpital de Meulan (Yvelines). Cet établissement de 200 lits est pourtant situé sur une île au milieu de la Seine. « Même si la crue atteint le niveau de 1910, notre hôpital n’est pas inondé, car il a été surélevé, explique Alice Nutte, la directrice adjointe. Mais nous devons tout de même évacuer, car les accès à l’hôpital sont bloqués, et le réseau électrique sans doute endommagé. » L’hôpital a réalisé son exercice mardi 8 mars. « Nous sommes habitués aux exercices de type plan blanc, mais celui-ci était très réaliste. Il y avait beaucoup d’acteurs : la préfecture de police, l’ARS, EDF, le service des eaux… La cellule de crise recevait des messages d’ambiance toutes les 5 minutes qui nous alertaient d’une dégradation de la situation.»

Mais l’exercice s’est bien passé : « Nous sommes capables d’évacuer en moins de 24 heures. A 14 heures, nous avons pu dire à l’ARS combien de patients devaient être évacués : seulement 30. Toutes les opérations sont déprogrammées, tous les patients assez stables sont renvoyés chez eux. » La directrice adjointe se félicite de « la réactivité du personnel, en particulier des cadres. Nous sommes habitués à gérer l’urgence ».

« Le message général donné à la population sera : quittez la région »

L’ARS d’Île-de-France pilote les exercices des établissements. Elle a aussi une vision globale de la situation de la région en cas de crue majeure. Et elle est catastrophique : « En cas de crue du niveau de 1910, 20% des structures sanitaires sont impactées, 7 à 8% sont submergées, explique le docteur Michel Gentile, responsable du département défense et sécurité de l’agence. Mais il y a beaucoup d’incertitudes sur le niveau et les conséquences d’une crue majeure, car l’Île-de France a beaucoup changé, ses sols se sont imperméabilisés à cause de l’urbanisation. Nous travaillons donc sur un scénario plus critique, dans lequel 60% des structures sont impactées.»

Pour Michel Gentile, le risque de crue est très différent des autres risques sur lesquels travaillent les établissements: incendies, attentats, etc. « La morbidité n’est pas très forte. Mais l’offre de soins est totalement désorganisée. La crise est technologique, dans tous les domaines, car les réseaux de communication risquent d’être coupés. Le message général donné à la population sera : quittez la région. »

Caroline Coq-Chodorge




Exercice EU Sequana 2016 par prefecturedepolice
Vidéo: Préfecture de police, avec le soutien de la Commission européenne

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