Emilie, IDE et gilet jaune : « Si on ne se bat pas, on ne peut pas se plaindre » | Espace Infirmier
 

04/03/2019

Emilie, IDE et gilet jaune : « Si on ne se bat pas, on ne peut pas se plaindre »

Emilie* est infirmière en chirurgie au CHU de Caen (Calvados). A 28 ans, passionnée par son métier, elle se dit inquiète de l’évolution de la situation de l’hôpital. C’est en partie la raison qui l’a conduite à rejoindre, dès le mois de novembre, le mouvement des Gilets jaunes.

Espace infirmier : Quelle est la situation au sein de votre établissement hospitalier ?

Emilie : J’exerce au CHU depuis cinq ans, en chirurgie, et tout se passe plutôt bien, j’exerce mon métier par vocation. Mais l’évolution de la situation au sein de l’hôpital m’inquiète. Pendant mes études en soins infirmiers, j’ai travaillé au McDo et, aujourd’hui à l’hôpital, j’ai l’impression de vivre une gestion du personnel identique. Il n’y a plus d’humain, on est géré par des managers. On a l’impression que les cadres ont oublié les valeurs humaines pour lesquelles nous exerçons notre métier. La situation se dégrade d’année en année : suppression de personnels, heures supplémentaires non payées. Cela devient écœurant. Je suis très inquiète pour la prise en charge des patients et l’avenir de l’hôpital public.

Pourquoi vous-êtes vous engagée dans le mouvement des Gilets jaunes ?

Le jour où la mobilisation a commencé, le 17 novembre, je travaillais. Mais je me suis posée des questions et dès le lundi, comme j’étais en repos, j’ai décidé d’aller voir par moi-même ce qui se passait sur les ronds-points. La mobilisation était impressionnante. Je me suis rendue compte de la fraternité entre les personnes mobilisées et j’ai décidé de continuer à m’y rendre. On y voit toutes les classes sociales et politiques et on sort justement de cette notion de partis politiques. On parle juste de notre vécu, en tant que Gilet jaune. Au final, nous avons tous le même objectif : casser l’oligarchie.

Faites-vous le lien avec ce qui se passe à l’hôpital ?

Tout à fait ! Les gens en ont marre et moi aussi. A l’hôpital, le directeur, les cadres supérieurs, ne connaissent pas mon métier et n’ont pas à me dire comment l’exercer. Je tombe des nues quand on me dit que tout va pour le mieux à l’hôpital public. Le budget est décidé en fonction de la volonté du gouvernement, de son envie de faire des économies, et ne prend pas en compte les besoins de la population. Mais cela ne concerne pas que l’hôpital. Tous les services publics en prennent un coup. C’est pareil pour la police, pour l’Education nationale… On marche à l’envers. Le gouvernement est fautif, mais l’Union européenne (UE) aussi. Je ne vois pas comment on peut gérer les besoins de la population avec un regard aussi éloigné et objectif que celui de l’UE. D’ailleurs, je pense que l’engagement des Gilets jaunes aux Européennes est une bêtise, car nous n’obtiendrons jamais de réponse à cette échelle. Pour que les choses changent, le peuple doit récupérer sa souveraineté nationale. Je ne suis pas économiste, mais l’argent, on peut le trouver notamment en luttant contre la fraude fiscale ou en rétablissant l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF). C’est une question de volonté du gouvernement.

Parlez-vous de votre engagement à vos collègues de l’hôpital ?

Tout à fait et je suis d’ailleurs étonnée qu’il n’y ait pas plus d’engagement de la part des personnels hospitaliers. Les infirmiers, les aides-soignants, les médecins sont en burn out car ils n’ont plus les moyens d’exercer leur métier. Mais ils me disent être blasés, et pensent que malgré le mouvement, les choses ne vont pas changer. C’est leur choix, mais de mon côté j’estime que si on ne se bat pas, on ne peut pas se plaindre.

Propos recueillis par Laure Martin

*Le prénom a été modifié.



Street medics : en première ligne

À lire dans « L'Infirmière Magazine », n° 405

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Les dernières réactions

  • 06/03/2019 à 18:50
    colostrhom
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    La Réflexion , 'un de mes patient de 92 ans.....!
    si les gens étaient plus syndiqué!
    les syndicats auraient plus de pouvoir!
    Si les gens avaient appris leurs leçons à l'école...!
    ils auraient peut être un meilleur métier ...!
    et ils seraient plus puissants...... et on les auraient peut être pris plus en considération.....!
    là... le pouvoir va les laisser se diviser pour mieux règnier....
    c'est bien connu !
    ...92 ans....et pas polyechnicien....!
  • 06/03/2019 à 21:44
    Bugy
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    Je pense que avant d aller se battre ,nous avons le droit de vote il aurait été judicieux de voter au premier et au deuxième tourné des élections présidentielles nous aurions sûrement eu un autre résultat
    Mais je pense que les personnes qui le jour des élections ne sont pas allées voter ne peuvent pas se plaindre aujourd hui
  • 07/03/2019 à 10:25
    germain
    alerter
    Bonjour Emilie
    Je suis un infirmier retraité et je tiens à saluer d'abord ton engagement et ton envie de modifier concrètement la situation des soignants et des soignés .Je ne partage pas toutefois toute ton analyse De mon temps on critiquait déja la direction et les cadres ,mais je suis d'accord avec toi les choses empirent .Les infirmières les AS doivent revendiquer une pratique humaine avec une haute technicité. Oui les professionnels doivent s'engager plus dans les syndicats les associations professionnelles l'ordre infirmier les partis politique les gilets jaunes s'ils savent se fédérer et non tomber dans le nationalisme ou le faut qu'on, y a qu'à ... tous pourris........ (même si parfois c'est un peu vrai ) bien amicalement
  • 07/03/2019 à 16:30
    corentin
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    Bonjour Nous avons un beau métier mais doit on tout accepter par vocation il faut arrêter nous faisons un métier qui nous plait mais aussi pour vivre et élever nos enfants Je suis syndiqué depuis 1993 et j'ai toujours autant de mal à faire bouger mes collègues.
  • 08/03/2019 à 15:03
    nina
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    je suis également infirmière et j'ai été victime d'harcélement moral institutionnalisé au chu de toulouse, ce dernier a fait beaucoup parler de lui par ces méthodes managériales pétainistes et paponistes, qui ont conduits plusieurs de mes collègues à mettre fin à leur vie sur leur lieu de travail entre autres. Aucun média ne s'en est ému, préférant dénoncé ce qui se passe en dehors de la france !!!
    J'ai moi même été syndiquée, j'ai donc payé régulièrement mes cotisations et mieux je n'ai pas été défendue par mon propre syndicat !!! De cette triste expérience, je ne serai plus jamais syndiquée à cause de ces syndicats jouant de collusion avec ces DRH tyranniques. Mon métier d'infirmière était plus une vocation pour moi, mais quand je vois ce que ces politiques, ce pouvoir administratif de ces hôpitaux très mal gérés en ont fait, je ne conseille pas d'exercer cette profession car on peut en sortir tres abîmé par ces DRH dans le domaine public

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