Manifestation : sous la neige, un « printemps de la psychiatrie » ? | Espace Infirmier
 

22/01/2019

Manifestation : sous la neige, un « printemps de la psychiatrie » ?

La mobilisation nationale pour la psychiatrie a réuni, mardi 22 janvier à Paris, des manifestants venus de la France entière pour protester contre leurs conditions d’exercice. Un « printemps de la psychiatrie » est-il en germe ?

Sous la neige, place de la République, environ 300 manifestants ont bravé le froid et la neige, plusieurs heures durant, mardi 22 janvier. Sont-ce les prémices d’un printemps de la psychiatrie, comme l’ont appelé de leurs vœux plusieurs orateurs ? C’est en tout cas la première fois que se rejoignent physiquement les diverses luttes engagées depuis plusieurs mois dans les hôpitaux psychiatriques. Se sont retrouvés les « Blouses noires » de l’hôpital psychiatrique du Rouvray, à Rouen, mobilisés en juin dernier, « les Perchés » de l’hôpital psychiatrique Pierre-Janet du Havre, qui ont occupé le toit des urgences à l’été 2018, et d’autres.

Ont surtout été fêtés les « Pinel en lutte », les grévistes de l’hôpital d’Amiens, mobilisés depuis juin 2018. Ils viennent de signer un protocole de « sortie de crise » avec leur direction, qui comprend la promesse de l’embauche de 30 soignants d’ici 2020.

« La lutte paie, elle rend vivant », s’est félicitée leur oratrice. Et la lutte continue : les « Pinel » sont à l’origine de cette journée de mobilisation. Ils espèrent que « les différents mouvements vont se fédérer ».

« Nous sommes maltraitants… J'ai honte »

Venue du CHU de Tours, une infirmière a témoigné que, dans son service, « il n’y a que deux à trois infirmières pour s’occuper de 27 patients. Cet été, nous n’avons droit qu’à deux semaines de vacances, et à aucun remplacement. Nous sommes maltraitrants pour les patients, j’ai honte » a-t-elle crié, émue, sous les cris d’encouragement de la foule. Les témoignages se sont succédé, sur le même thème. « J’ai commencé la psychiatrie il y a quatorze ans, a témoigné une médecin parisienne. À l’époque, quand une personne était en crise, on prenait le temps, on essayait de l’apaiser. Aujourd’hui, on la met à l’isolement, sous contention. Je ne supporte plus de piétiner mon éthique. »

Au nom des établissements parisiens s’est aussi exprimé le psychologue et psychanalyste Yann Diener. Il a raconté « le déménagement brutal d’un centre médico-psychologique de proximité, depuis baladé de bâtiment temporaire en bâtiment vétuste ».

Ou encore ces « deux CMP comprimés dans des locaux inadaptés, au nom de la mutualisation des moyens. Les secteurs ne se sont pas construits en un jour, mais ils sont détruits en un jour », conclut-il.

Pour Serge Klopp, infirmier psychiatrique à l’hôpital de Ville-Evrard (Seine-Saint-Denis) depuis peu à la retraite, « on ne pense plus en psychiatrie, même quand on est médecin chef. Il faut être efficace. Ce qui compte, ce sont les protocoles, la démarche qualité. Par exemple, en chambre d’isolement, le protocole dit qu’il faut voir le patient toutes les heures. Mais les soignants se contentent de regarder par l’oculus de la porte, ce qui rend fou le patient ! Avant, on entrait, on parlait, on apaisait. Plus la psychiatrie va mal, plus la contention est utilisée. La psychiatrie va très mal. »

L’infirmier est l’un des signataires d’un appel à un « Printemps de la psychiatrie ». Ce collectif constate la « régression de la psychiatrie », et appelle à « refonder et construire une discipline qui associe soin et respect des libertés individuelles et collectives ».

Pour eux, la psychiatrie n’est « médicale qu’en partie », et « doit utiliser les ressources non seulement des sciences cognitives, mais également des sciences humaines, de la philosophie et de la psychanalyse ».

Ce collectif de soignants s’oppose à une autre vision de la psychiatrie, notamment portée par la Fondation Fondamental, tournée vers la recherche, défendant une pratique de soins « experts », et très influencée par les neurosciences. La lutte, sociale, est aussi intellectuelle.

Caroline Coq-Chodorge

Les dernières réactions

  • 24/01/2019 à 12:16
    Philippe
    alerter
    Pour une psychiatrie de l'entre deux être
    Formation libérer l'intelligence de l'altérité
    De la dévaluation à la validation
    L'être est la ressource
    Bonjour
    Bienvenue

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