Fantasmes sur grand écran | Espace Infirmier

En 1997, un Oscar est remis à une infirmière : Juliette Binoche ou Hana, soignante canadienne participant au Débarquement allié en Italie lors de la Seconde Guerre mondiale, dans Le Patient anglais. Le personnage de Hana se situe dans le sillage d’autres infirmières au comportement héroïque, magnifiées en temps de guerre sous le regard flatteur de la caméra.

Repos du guerrier

Porteuse d’une force de vie, elle comprend la souffrance des soldats et l’atténue par sa douceur et sa féminité. Elle dispense sa beauté et sa jeunesse auprès d’hommes blessés quémandant auprès d’elle un baiser, retrouvant dans le flirt la vie et la légèreté d’avant. Mais Hana n’est pas seulement une âme compatissante et dévouée. C’est une femme libre. Elle réclame à l’officier dirigeant son convoi « de la morphine et un pistolet» pour s’installer dans un monastère abandonné en compagnie d’un homme gravement brûlé. Elle veille sur son patient, tout en faisant reprendre vie au bâtiment délabré et à son jardin.

En 2010, une autre infirmière incarne la préservation de la vie et la juste voie, en des temps politiques troublés. Dans La Rafle, film français de Roselyne Bosch, Mélanie Laurent incarne Annette Monod, une infirmière de la Croix Rouge qui mobilise toutes ses forces pour venir en aide aux enfants juifs arrêtés lors de la Rafle du Vel’ d’Hiv, en juillet 1942.

Jusqu’au personnage de Hana, les alternatives s’offrant aux infirmières de guerre qui prenaient vie à l’écran restaient limitées. Soit elles faisaient fondre sous leur charme d’héroïques combattants, comme Helen Hayes (Catherine Barkley) avec Gary Cooper, dans L’Adieu aux armes, en 1932, film adapté du roman autobiographique d’Ernest Hemingway. Soit elles incarnaient de fidèles auxiliaires de soins doublées de joyeuses partenaires sexuellement libérées, mais soumises aux plaisanteries triviales et au machisme souriant des médecins, comme "Lèvres en feu" dans M.A.S.H., qui suit les aventures d’une unité de chirurgie militaire en pleine Guerre de Corée. Cette comédie anti-militariste de Robert Altman a obtenu la palme d’or à Cannes en 1970.

Pouvoir despotique

Les personnages infirmiers refusant de se plier à une hiérarchie des genres bien établie ont été particulièrement maltraités au cinéma. C’est encore une fois à Hollywood qu’un personnage marquant a vu le jour, sous les traits de l’infirmière-en-chef Mildred Ratched, dans Vol au-dessus d’un nid de coucou, de Milos Forman. Ce film sorti en 1976 et multi-oscarisé, créera l’événement : dénonçant la dureté des traitements en institution psychiatrique, il aura des répercussions sur la prise en charge des patients aux États-Unis.

Et l’ensemble de cette critique est incarné par… une infirmière. La comédienne Louise Fletcher, dont la grande taille (1m80) avait interdit nombre de rôles, joue un personnage à sa mesure. Dans un duel sans merci, elle tient tête à Jack Nicholson, quitte à perdre son humanité. Petit voyou au passé trouble, libertaire et éminemment sympathique, Randle Mc Murphy tente de mettre en cause le pouvoir despotique dont fait preuve la soignante auprès de patients fragiles et influençables. Drapée dans sa fonction institutionnelle, rigide et au besoin cruelle, Miss Ratched s’opposera à toutes les tentatives de rébellion d’un Mc Murphy entraînant dans sa révolte l’ensemble des patients internés, quitte à semer la mort autour d’elle.


(Extrait de Vol au-dessus d'un nid de coucou)

Bienveillance

Il faut donc attendre la fin du XXème pour que l’infirmière filmée échappe aux stéréotypes qui l’entravent. En 2000, un personnage particulièrement attachant crève l’écran, avec Nurse Betty, d’Anthony Minghella, qui obtient à Cannes la Palme du meilleur scénario. Renée Zellweger y interprète le rôle d’une serveuse maltraitée par la vie et tellement passionnée par la série médicale qu’elle suit à la télévision, que le choc qu’elle subit en assistant à l’assassinat de son mari lui fait perdre toute distance entre réalité et fiction. Elle se rend à Hollywood pour retrouver David Ravell, le chirurgien de soap opera qu’elle idolâtre, et parvient à se faire engager comme infirmière à l’hôpital où il est censé exercer.

La manière dont elle intègre cet établissement est particulièrement cocasse. Elle sauve la vie d’un homme bloqué dans une fusillade sur le parking de l’établissement en reproduisant des gestes effectués par ses héros télévisés et rassure la sœur du blessé en lui affirmant: « Je l’ai déjà vu faire au moins une fois ». Traversant les rebondissements qu’occasionne le meurtre de son mari avec un sourire bienveillant et une foi inébranlable en son avenir radieux, Betty incarne l’empathie et la confiance en la vie du corps professionnel auquel elle s’imagine appartenir. Sa gentillesse naturelle lui sauvera la vie en conquérant le cœur d’un tueur endurci, mais aux principes moraux intacts, n’ayant « jamais fait de mal à personne en dehors du travail ».

Vie privée sacrifiée

Certains films proposent des univers se rapprochant de la réalité du travail infirmier, comme Parle avec elle, de Pedro Almodovar, sorti en 2002 et primé aux Oscars. Si la construction du film est imprégnée de la fantaisie du réalisateur madrilène, l’essentiel de cette comédie romantique se déroule dans la clinique El Bosque, où sont suivies Alicia et Lydia, plongées dans le coma. Benigno, jeune infirmier réputé pour la qualité de sa prise en charge, retrouve tous les jours Alicia, à laquelle il prodigue des soins emplis d’attentions et bavards, dans l’attente de son réveil. Le soignant a depuis longtemps franchi une limite : il est amoureux d’Alicia, qu’il observait de sa fenêtre lors des cours de danse qu’elle suivait, avant son accident.

On retrouve un même personnage délicat et des gestes liés au soin mis en valeur par la caméra dans Chronic, de Michel Franco. Ici encore, c’est un soignant masculin qui est mis en lumière (1). Alors qu’il souffre d’une grande solitude dans sa vie personnelle, David donne beaucoup aux patients en fin de vie qu’il accompagne, au point de devenir suspect aux yeux de leurs familles. Si les scènes filmées sont empreintes de réalisme, on retrouve ici le cliché du soignant sacrifiant sa vie privée à son métier.

Femme libre

  L’an dernier, un personnage infirmier a complètement renouvelé le genre. Il s’agit d’Angèle, héroïne de L’Odeur de la mandarine, du Français Gilles Legrand. Le film se déroule à la fin de la Première guerre mondiale, mais se concentre sur les questions du deuil et l’affrontement des classes sociales. On échappe donc au genre guerrier. Angèle vient prodiguer des soins à Charles, officier de cavalerie qui a perdu une jambe dans les combats. Si la jeune femme fait tout pour améliorer l’état de santé de son employeur, qui retrouve goût à la vie à son contact, elle mène quotidiennement un combat de femme libre qui fait d’elle un personnage infirmier particulièrement original au cinéma.




Marie-Capucine Diss


(1) Le réalisateur mexicain, Michel Franco, s’est inspiré pour ce personnage de l’infirmière qui avait soigné sa grand-mère et partagé avec elle une forte complicité.



Pour aller plus loin:

- La Vraie histoire des infirmières, Philippe Duley, Éditions Chronique, 2012, 29 euros.

- "Les soignants crèvent l'écran", dossier réalisé par Marie-Capucine Diss, L'Infirmière magazine n°355, décembre 2014.


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