OBJECTIF SOINS n° 0284 du 09/12/2021

 

INTERVIEW

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Claire Pourprix

  

IDE diplômée en 2021, Mathilde Padilla est en poursuite d’études en licence « Action sociale et de santé » à l’université Bretagne Sud (Lorient). Elle consacre une année de césure à la présidence de la Fnesi, rebaptisée en octobre dernier Fédération nationale des étudiant.e.s en sciences infirmières, afin de soutenir des actions prioritaires.

Quelle a été votre motivation pour présider la Fnesi ?

Pendant mes études d’infirmière, je me suis investie dans le fonctionnement du bureau national de la Fnesi, comme vice-présidente en charge des affaires internationales et de la culture. J’avais envie d’en faire plus, de m’engager d’une autre manière pour les étudiants. La Fédération et moi partageons les mêmes valeurs : humanisme, militance, cohésion, défense et prise en soin des autres, lutte pour le bien-être étudiant... La Fnesi a fêté ses vingt ans en octobre 2020 en pleine crise du Covid-19. Il me semble qu’il est utile aujourd’hui d’être une force de proposition motrice dans nombre de thématiques. J’ai envie de voir perdurer la Fnesi et de lui donner un nouveau souffle car chaque personne qui la représente lui donne une nouvelle impulsion.

C’est pourquoi vous avez opté pour un changement de nom…

En effet, ce nouveau nom marque notre volonté de faire reconnaître les soins comme une science. Ils sont aujourd’hui connotés à la technique, l’infirmière est considérée comme une exécutante et ce n’est pas ce que l’on défend. Les infirmiers de demain sont des étudiants qui ont envie de réfléchir, de s’investir, de prendre en soin les patients de manière globale.

Cela passe par l’universitarisation complète du cursus ?

Oui, la Fnesi souhaite que les études en IFSI soient pleinement intégrées à l’université pour permettre aux infirmiers de faire de la recherche, des masters, des doctorats, afin que la profession puisse évoluer. C’est essentiel pour rendre la profession attractive. Le système de santé a de nouvelles attentes qui ne sont pas incluses dans le référentiel actuel, dont le nom de « nouveau référentiel » est trompeur puisqu’il a déjà plus de dix ans. Par exemple, les nouvelles pathologies qui apparaissent avec le vieillissement de la population ou encore le numérique ne sont pas abordés en cours… De plus, les étudiants en soins infirmiers n’étant pas pleinement intégrés à l’université, ils n’ont pas accès aux aides sociales ni aux services universitaires comme les autres étudiants. Cela renforce le risque de précarité. Nous demandons d’ailleurs à ce que la gestion des bourses auxquelles ont droit des étudiants soit transférée des Régions aux Crous, l’organisation actuelle souffrant de nombreux retards de versements. Tout cela rend les études moins attractives.

Pourtant, les candidats affluent !

Oui, il est vrai que la profession attire car tout le monde connaît une infirmière ; c’est une profession populaire qui a été encore plus mise en lumière par le Covid-19. C’est la formation la plus demandée sur ParcourSup. Pour autant, notre ministre, Olivier Véran, a souligné, lors de sa visite au centre hospitalier de Blois le 28 octobre 2021, que 1 300 étudiants ont arrêté leurs études infirmières depuis trois ans. Or ce nombre va continuer à augmenter car un contrecoup de la pandémie est à prévoir. Avec l’inscription aux études infirmières via ParcourSup, les étudiants sont plus jeunes qu’avant. Leur préparation est différente et la réalité de l’hôpital peut être extrêmement violente pour eux, surtout en période de pandémie. Il faut aussi souligner que nos 328 IFSI ont été conçus pour accueillir des promotions de 60 étudiants en moyenne alors que certaines en comptent 150 aujourd’hui ! Les étudiants ne sont pas accueillis dans de bonnes conditions et nombre d’entre eux ont du mal à trouver un stage, les services étant très sollicités. Bien sûr, nous ne pouvons que nous féliciter que des jeunes souhaitent se former au métier d’infirmier. Mais nous devons être vigilants sur la capacité de notre système à bien les former et à bien les encadrer en stage.

Que faire pour renforcer l’attractivité de la profession ?

La revalorisation des études est nécessaire. Elle passe par des cours intégrés à l’université dispensés par des professeurs en sciences infirmières et non plus par des médecins ou des pharmaciens dont les cours, certes très complets, ne sont pas adaptés. Il faudrait aussi revaloriser les stages et améliorer les conditions d’accueil en stage. Les étudiants infirmiers sont payés deux fois moins que tout autre étudiant ! Un étudiant en 3e année touche une gratification de stage de 1,70 € par heure, contre 3,90 € pour les autres stagiaires. Cela témoigne d’un manque de valorisation du travail des étudiants infirmiers. Quant aux conditions d’accueil en stage, et malgré la charte d’accueil établie par la FHF, elles ne sont pas bonnes : harcèlement, pression énorme, manque d’encadrement, défaut d’humanité sont à déplorer. Tout un tas de raisons permettent d’expliquer cela car les soignants travaillent dans un contexte de malaise général à l’hôpital, ils sont épuisés. L’hôpital est en souffrance d’effectifs, l’encadrement est moins disponible, et parfois les professionnels de santé ne sont pas formés au tutorat des étudiants.

Comment améliorer l’accueil des étudiants en stage ?

Nous demandons la mise en place de réelles formations des professionnels amenés à encadrer des étudiants ainsi que leur valorisation. Cela serait bénéfique à l’étudiant, qui serait accueilli de manière plus qualitative, et au professionnel, dont les compétences seraient reconnues sous forme, pourquoi pas, d’une valorisation salariale. La Fnesi préconise aussi la création d’une plateforme d’évaluation des stages accessible aux étudiants, aux services, qui pourrait être sous tutelle ministérielle. Les étudiants en médecine disposent de la plateforme Gélules*. Pourquoi ne pas faire de même pour les étudiants en soins infirmiers, dont les stages représentent la moitié du temps de formation ? Les étudiants pourraient même être proactifs dans leur service d’accueil, proposer des axes d’amélioration, et ces initiatives pourraient être intégrées à la démarche qualité de l’hôpital.