Pratique hospitalière Jurisprudence du dernier trimestre 2020 - Objectif Soins & Management n° 279 du 01/02/2021 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 279 du 01/02/2021

 

Droit

Gilles Devers  

Dans le cadre de décisions de jurisprudence récentes, cet article permet de découvrir l'analyse de situations relatives à la formation initiale et continue, aux conditions d'exercice, au droit disciplinaire, aux droits des patients, à la responsabilité professionnelle.

1/ La Formation

IFSI : redoublement et triplement

L'étudiant-infirmier ayant obtenu plus de 120 crédits lors de sa formation est nécessairement autorisé à redoubler sa troisième année par le directeur de l'IFSI mais ce dernier peut décider discrétionnairement de la possibilité de tripler cette année.

(CAA de Marseille, 7 décembre 2020, no 19MA00863) Faits

Une aide-soignante titulaire a été admise à l'IFSI du centre hospitalier après avoir réussi le concours interne d'infirmière. A la suite du doublement de sa troisième année d'études, elle a sollicité le 31 août 2016, l'autorisation de tripler cette année de formation, mais l'établissement a prononcé le 17 octobre 2016 son exclusion définitive de l'IFSI.

Droit applicable

Il résulte de l'article 38 de l'arrêté du 31 juillet 2009 et l'article 10 de l'arrêté du 21 avril 2007 que l'étudiant ayant obtenu plus de 120 crédits lors de sa formation est nécessairement autorisé à redoubler sa troisième année par le directeur de l'IFSI mais, qu'en revanche, ce dernier décide discrétionnairement de la possibilité de tripler cette année par l'octroi d'une ou plusieurs inscriptions supplémentaires.

Analyse

La décision d'autoriser une élève infirmière à tripler sa troisième année d'études constitue une simple faculté pour l'administration.

La décision d'exclusion n'a pas été prise au motif que l'intéressée a obtenu la validation de 140 crédits européens seulement à l'issue de plusieurs sessions de rattrapage mais aux motifs que son dossier révélait de grandes difficultés dans l'assimilation des connaissances, le raisonnement et la gestion des émotions après quatre années de formation, qu'elle n'avait pas validé une unité d'enseignement intégrative au terme de quatre inscriptions, qu'un stage de semestre 6 était resté non validé malgré un rattrapage en raison de la non acquisition des compétences requises, qu'elle ne prenait pas conscience de ses difficultés et qu'elle ne se positionnait jamais face à ses responsabilités de future infirmière.

Plan de formation

Le plan de formation permet de mettre en œuvre le droit des agents à des formations professionnelles, et l'inscription des bénéficiaires s'exerce en fonction des objectifs et moyens du plan, et de l'intérêt du service.

(CAA de Marseille, 26 novembre 2020, no 19MA03093 - 19MA03095) Faits

Un infirmier titulaire a été admis le 10 mai 2017 sur la liste principale des candidats au concours d'entrée à l'école d'infirmiers anesthésistes diplômés d'Etat. Le 20 juillet 2017, il a demandé au centre hospitalier la prise en charge financière de cette formation au titre de la promotion professionnelle hospitalière (PPH) 2017. Cette demande a été rejetée.

Droit applicable

L'existence d'un plan de formation au sein d'un établissement hospitalier implique que ses agents disposent d'un droit à suivre les actions de formation qui y sont inscrites. Ce droit s'exerce sous réserve de l'adéquation de la demande de l'agent avec les objectifs et moyens du plan et de l'intérêt du service à la date où est formulée la demande.

Analyse

Par une note de service du 27 octobre 2016 relative à la procédure de demande de prise en charge financière des PPH, le directeur du centre hospitalier a listé les critères cumulatifs devant être remplis par les agents pour que leur candidature soit admissible, prévoyant une attribution par ordre de mérite dans le classement au concours dans la limite des places disponibles.

La décision contestée tenait compte du rang de classement de l'intéressé par ordre de mérite au concours d'entrée à l'école d'IADE, soit la 9ème position. Ce faisant, la direction a appliqué un critère objectif en lien tout à la fois avec l'absence d'adéquation de la demande de l'agent avec les objectifs et moyens du plan, dès lors que seuls six financements étaient ouverts. L'administration a également pris en compte l'intérêt du service, s'agissant d'une demande de formation au titre de la promotion interne, et la décision est donc justifiée.

Formation et obligation de servir

Le non-respect de l'obligation de servir qui est la contrepartie d'une formation diplômante crée une obligation de remboursement dès lors que l'établissement a formé des propositions de poste.

(CAA de Lyon, 15 octobre 2020, 18LY03527) Faits

Recruté en 1997, un agent de service a entrepris une formation d'infirmier de septembre 2001 à novembre 2004, prise en charge par le centre hospitalier qui continuait à le rémunérer. En contrepartie, il a signé le 3 juin 2002 un engagement de servir pendant une durée de cinq ans à compter de l'obtention du diplôme.

Diplômé en novembre 2004, il a été, sur sa demande, placé en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 14 décembre 2004, pour une durée de cinq ans, renouvelée jusqu'au 13 décembre 2014. A la suite de son refus des trois postes qui lui ont été proposés à l'issue de sa demande de réintégration, il a été rayé des cadres par une décision du 9 juin 2015, après une procédure de licenciement.

Un titre de recettes d'un montant de 41 635,72 euros a été émis à son encontre le 20 septembre 2015.

Droit applicable

Lorsque, à l'issue d'une formation qualifiante, l'agent qui a été rémunéré pendant sa formation obtient l'un des certificats ou diplômes lui donnant accès à un emploi dans sa fonction publique, il est tenu de servir dans un établissement hospitalier pendant une durée égale au triple de celle de la formation, dans la limite de cinq ans maximums à compter de l'obtention de ce certificat ou diplôme. Dans le cas où l'agent quitte la fonction publique hospitalière avant la fin de cette période, il doit rembourser à l'établissement qui a assuré sa formation les sommes perçues pendant cette formation proportionnellement au temps de service qui lui restait à accomplir.

(Décret no 90-319 du 5 avril 1990, art. 9)
Analyse

Par un courrier du 20 novembre 2014, l'infirmier a sollicité sa réintégration à l'issue de sa disponibilité. Il a refusé son affectation sur les trois postes qui lui ont été proposés, pour des raisons familiales ou personnelles. Tirant les conséquences de ces refus, l'administration a prononcé le licenciement, ce qui a eu pour effet de rompre tout lien avec la fonction publique hospitalière.

L'agent, qui avait ainsi quitté la fonction publique hospitalière, avait de telle sorte rompu son engagement de servir, ce qui créait son obligation de rembourser les frais de formation.

2/ Conditions d'exercice

Prime de risque

Une infirmière affectée dans un Centre de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) peut prétendre à l'indemnité pour travaux dangereux, par l'article 1er du décret du 23 juillet 1967.

(CAA de Lyon, 4 décembre 2020, no 18LY03556) Faits

Une infirmière titulaire affectée dans un Centre de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) dépendant d'un centre hospitalier, a demandé à l'établissement de lui verser l'indemnité pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants de première catégorie (travaux présentant des risques d'accident corporel ou de lésion organique) prévue par l'article 1er du décret no 67-624 du 23 juillet 1967.

Droit applicable

En application de l'article 1er du décret du 23 juillet 1967 et de l'article 8 de l'arrêté du 18 mars 1981, l'affectation effective d'un agent dans un service de malades agités et difficiles lui ouvre droit au bénéfice de l'indemnité pour travaux dangereux, incommodes, insalubres ou salissants dès lors que les risques ou incommodités subsistent malgré les précautions prises et les mesures de protection adoptées.

Analyse

Les patients pris en charge dans les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie en raison de leur addiction (CSP, Art. D. 3411-1) peuvent se montrer agités ou difficiles ainsi qu'en témoignent les nombreux signalements d'incidents produits par l'infirmière sur la période de 2006 à 2016.

Contrairement à ce qu'affirme le centre hospitalier, la circonstance que le CSAPA ne soit pas une unité de prise en charge sur la durée, mais seulement d'accueil, n'a pas d'influence sur le caractère agité ou difficile des patients qu'il accueille. De même, la circonstance que seule une minorité des patients se montre réellement agitée ou difficile ne permet pas, au regard des affections traitées dans ce service, d'écarter le risque d'une difficulté à gérer un patient ou d'une agression du fait du caractère généralement imprévisible de celle-ci. Par suite, le CSAPA dans lequel est affectée l'infirmière constitue un service de malades agités et difficiles.

L'établissement fait état de diverses mesures de précaution et prévention telle que la mise en place d'un système de surveillance vidéo, bouton d'urgence, pièces fermées à clé, et mobilisation d'agents de sécurité. Toutefois, si ces mesures permettent d'atténuer la gravité de l'exposition au risque, elles le laissent en partie subsister. De telle sorte, le versement de la prime est dû.

Garde ou astreinte (1)

Les gardes sont des périodes de travail effectif car les agents sont à la disposition de leur employeur sans pouvoir vaquer à leurs occupations personnelles, à la différence des périodes d'astreinte, durant lesquelles les agents ont seulement l'obligation d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'établissement.

(CAA de Douai, 22 décembre 2020, no 19DA02108) Faits

Une infirmière anesthésiste en fonction depuis 2012 dans un centre hospitalier, exerçant ses fonctions en maternité, a demandé la requalification des astreintes réalisées en gardes, demande rejetée par le centre hospitalier.

Droit applicable

En application des articles 5, 20, 24 et 25 du décret no 2002-9 du 4 janvier 2002, la rémunération des agents en fonction dans les établissements publics de santé distingue les périodes de travail effectif, durant lesquelles les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, et les périodes d'astreinte, durant lesquelles les agents ont seulement l'obligation d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'établissement.

S'agissant de ces périodes d'astreinte, la seule circonstance que l'employeur mette à la disposition des agents un logement situé à proximité ou dans l'enceinte du lieu de travail pour leur permettre de rejoindre le service dans les délais requis n'implique pas que le temps durant lequel un agent bénéficie de cette convenance soit requalifié en temps de travail effectif, dès lors que cet agent n'est pas tenu de rester à la disposition permanente et immédiate de son employeur et qu'il peut ainsi, en dehors des temps d'intervention, vaquer librement à des occupations personnelles.

Analyse

Le centre hospitalier mettait à la disposition des infirmiers anesthésistes une chambre dans l'enceinte de l'établissement dans le cadre des urgences, notamment obstétricales et des astreintes. La fiche de déclenchement de l'astreinte précisait que la nuit, le week-end et les jours fériés, les infirmiers anesthésistes étaient appelés par un bipper via le standard de l'établissement.

Le centre hospitalier fait valoir que la circonstance que le logement mis à disposition de ces personnels soit situé dans l'enceinte de l'établissement, est sans incidence sur la liberté dont disposait l'agent de vaquer à ses occupations personnelles dès lors, notamment, que rien ne s'opposait à ce que celle-ci effectue ses astreintes à son domicile si sa localisation lui permettait d'intervenir dans les délais requis.

L'infirmière soutient qu'étant infirmière anesthésiste en service de maternité, elle était à tout moment à la disposition du service.

Or, via le bipper, elle avait la possibilité d'être contactée pendant toute la durée de sa permanence et ce bipper ne nécessitait pas un fonctionnement à proximité d'un émetteur situé dans l'établissement. En outre, aucune instruction du centre hospitalier n'obligeait l'infirmière à demeurer à disposition immédiate de son employeur dans l'enceinte de la maternité, ni à intervenir dans un temps déterminé dès lors qu'une première équipe d'intervention sur place était en mesure de débuter la prise en charge médicale requise. L'infirmière avait, ainsi, la possibilité d'effectuer sa permanence à son domicile et de pouvoir librement vaquer à ses occupations personnelles.

De telle sorte, les périodes d'astreinte concernées ne peuvent être regardées comme correspondant pour leur totalité à des heures de travail effectif, et ne peuvent être requalifiées en gardes.

Garde ou astreinte (2)

Des infirmiers-anesthésistes qui ne peuvent vaquer librement à leurs occupations et restent à la disposition permanente et immédiate de leur employeur doivent être rémunérés au titre des gardes.

(CAA de Nantes, 20 novembre 2020, no 20NT00058). Faits

Le centre hospitalier avait mis en place une organisation du temps de travail prévoyant pour les infirmiers-anesthésistes, en sus des horaires habituels prévus dans leur cycle de travail, des gardes effectuées durant la semaine entre 15 h 30 et 8h le lendemain ainsi que des gardes durant les week-ends. Au cours de ces périodes de garde, un studio situé dans l'enceinte de l'établissement était mis à la disposition des agents, qui étaient, en cas de besoin, joints par un bip ou un téléphone sans fil dont la portée n'excédait pas le périmètre de l'établissement, les obligeant ainsi à demeurer à disposition immédiate de leur employeur.

Analyse

Dans ces conditions, les infirmiers-anesthésistes ne pouvaient vaquer librement à leurs occupations et restaient à la disposition permanente et immédiate de leur employeur. Par suite, ces périodes devaient être regardées, dans leur intégralité, comme constituant un temps de travail effectif que le centre hospitalier était tenu de rémunérer comme tel.

3/ Droit disciplinaire

Suspension conservatoire

Dès lors qu'il existe des éléments objectifs relatifs à des actes de maltraitance, l'administration se doit de mettre en œuvre une procédure de suspension conservatoire avec saisine du procureur, mais si la mesure reste sans suite du fait d'une absence de griefs réels, l'absence de faute commise n'empêche pas d'indemniser l'agent du dommage moral subi.

(CAA de Lyon, 17 décembre 2020, no 18LY02679) Faits

Une infirmière, titulaire depuis 27 ans, exerçait eu service de cardiologie de nuit depuis le 1er octobre 2014. Par une décision du 6 septembre 2016, le directeur du centre hospitalier a décidé de la suspendre de ses fonctions à la suite d'accusations de maltraitance formulées par un patient et sa famille.

Par une décision du 30 septembre 2016, faisant suite à une enquête administrative interne, le directeur a levé cette suspension et n'a pas infligé de sanction à l'intéressée.

L'infirmière réclame réparation pour le préjudice moral causé.

Responsabilité pour faute

Droit applicable

Une mesure de suspension d'un agent public ne constitue pas une sanction disciplinaire mais une mesure conservatoire. En application de l'article 30 du statut général des fonctionnaires du 13 juillet 1983, il appartient au directeur d'établissement, lorsqu'il estime que l'intérêt du service l'exige, d'écarter provisoirement de son emploi un agent, en attendant qu'il soit statué disciplinairement sur sa situation. Une telle suspension peut être légalement prise dès lors que l'administration est en mesure d'articuler à l'encontre de l'agent des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave.

Analyse

Pour décider de suspendre l'infirmière, le directeur s'est fondé sur une plainte formulée le 31 août 2016 auprès de l'ARS par le gendre d'un patient ayant été hospitalisé dans le service de cardiologie de l'hôpital, et sur le rapport rédigé par la cadre santé de jour du service de cardiologie.

Au vu de ces documents concordants, les faits portés à la connaissance de l'administration, relatifs à une suspicion de maltraitance envers une personne âgée, présentaient, à la date de la décision litigieuse, un caractère de vraisemblance et de gravité suffisants pour justifier, dans l'intérêt du service, l'intervention d'une telle mesure. Il était indifférent que l'agent ait toujours donné satisfaction dans son service, et le directeur n'avait pas à entendre préalablement l'infirmière. Sur la base des informations alors portées à sa connaissance, le directeur était également fondé à saisir le procureur de la République. Vu le but conservatoire de la mesure, l'administration n'a pas commis de faute.

Responsabilité sans faute

Droit applicable

La responsabilité de la puissance publique peut se trouver engagée, même sans faute, sur le fondement du principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, lorsqu'une mesure légalement prise a pour effet d'entraîner, au détriment d'une personne physique ou morale, un préjudice grave et spécial, qui ne peut être regardé comme une charge lui incombant normalement.

Analyse

La suspension de l'infirmière a été levée dès le 30 septembre 2016, soit moins d'un mois après l'édiction de cette mesure et elle a été placée en congés maladie dès le 8 septembre 2016.

Toutefois, il résulte de l'avis de la commission départementale de réforme du 12 octobre 2017, que le syndrome dépressif réactionnel dont a été victime l'infirmière à compter du 8 septembre 2016 a été reconnu imputable au service, et il n'a pas été établi de pathologie indépendante préexistante.

En outre, un certificat d'expert médical indique : « Cette dame est régulièrement suivie depuis le 20 octobre 2016 et elle présente un trouble anxiodépressif d'évolution chronique avec une dimension de stress post-traumatique », et la situation pathologique dure.

Ce préjudice grave, qui a revêtu un caractère spécial, ne peut être regardé comme une charge qui incombait normalement à l'infirmière. L'intérêt général a conduit l'administration à faire peser sur l'infirmière une charge anormale en lui faisant supporter les conséquences d'une décision de suspension légalement prise. Dans ces conditions, la décision de suspension de fonction, même en l'absence de faute de l'établissement public, était de nature à engager la responsabilité de cet établissement envers son agent.

Mauvaises pratiques professionnelles

De mauvaises pratiques professionnelles portant atteinte au patient, même sans intention de nuire, sont des fautes justifiant une sanction disciplinaire.

(CAA de Nancy, 10 décembre 2020, no 18NC02435) Faits

Il a été reproché à un agent hospitalier exerçant dans un EPHAD, en octobre 2016 et novembre 2016, des faits se caractérisant par une prise en charge inadaptée des résidents.

Une procédure disciplinaire a dès lors été engagée à son encontre par son employeur, pendant laquelle l'intéressé a été suspendu à titre conservatoire du 25 novembre 2016 au 24 mars 2017 inclus.

Le conseil de discipline, réuni le 26 janvier 2017, a proposé une exclusion temporaire de fonctions pour une période de six mois avec un sursis partiel de quatre mois. Par une décision du 20 février 2017, le directeur a décidé d'infliger la sanction proposée par l'instance disciplinaire.

L'agent conteste cette sanction.

Droit applicable

Aux termes de l'article 29 du statut général du 13 juillet 1983 : « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale »

Il appartient au juge de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

Analyse

Le 16 octobre 2016, lors de la toilette d'une résidente, l'agent a oublié de replacer la poche de la sonde urinaire et la perfusion d'une résidente, lesquelles avaient été placées sous les cuisses de cette dernière. Le 1er novembre, il a heurté l'œil gauche d'une résidente en manipulant le robinet de la douche, occasionnant ainsi un hématome.

Il ne conteste pas la matérialité des faits. Il fait valoir que la charge de travail est lourde et qu'il est isolé dans ses fonctions. Il apparaît toutefois que cet agent fait preuve d'une grande maladresse et ne parvient pas toujours à prioriser les tâches.

Si le manque de soins ou les blessures occasionnés aux résidents sont involontaires et résultent d'un manque de précaution ou d'une dispersion, ces actes de négligence ont un retentissement sur la santé et le confort des résidents, ainsi que sur le fonctionnement et l'image du service. Il ne lui était pas demandé de mettre en place des sondes et des perfusions, mais seulement de les manipuler pendant la toilette des résidents.

Il est acquis que sa manière de servir a été, pendant plusieurs années, reconnue comme satisfaisante. Mais, compte tenu de la gravité des faits, de leur caractère répété et de cette qualité d'agent des services hospitaliers qualifié, la faute doit être retenue. L'intéressé avait déjà été sanctionné en juin 2016 par un blâme pour avoir écrasé des doigts d'une résidente par inadvertance, et la sanction d'exclusion de six mois, assortie de quatre mois de sursis est proportionnée aux manquements reprochés.

Licenciement pour faute

Un cumul de fautes professionnelles peut justifier un licenciement pour faute grave.

(CAA de Nantes, 12 novembre 2020, no 19NT01362) Faits

Une aide-soignante engagée en 2012 au sein d'une résidence médicalisée a été convoquée par lettre du 29 juin 2016 à un entretien préalable à son licenciement le 3 août 2016 pour motif disciplinaire.

Il est fait grief à l'aide-soignante de manquements professionnels répétés constitués notamment par le non-respect des consignes ou des procédures depuis 2013, comme l'oubli de son téléphone portable professionnel, des retards récurrents, le non-respect des protocoles et des instructions concernant ses fonctions d'aide-soignante, la non-installation de barrières de protection au lit d'une patiente le 6 juin 2016 en méconnaissance des prescriptions médicales, ayant occasionné sa chute, ainsi qu'une omission de signalement, et l'interruption trop longue de l'oxygénothérapie d'une autre patiente lors de sa toilette le même jour.

Les manquements professionnels répétés

Entre le 11 mai 2014 et le 4 mai 2016, l'aide-soignante a fait l'objet de nombreuses fiches de signalement émanant d'infirmières concernant, notamment, des faits relatifs à l'oubli de son téléphone portable professionnel ou sa non-utilisation, des retards de prise de poste et l'absence d'exécution des instructions et des procédures de soins sans justifications valables. Si les faits relatés par les collègues sont contestés par cette dernière, les quelques attestations et témoignages qu'elle produit se bornent à relever son comportement général, mais ne remettent pas en cause les manquements précis relevés à l'appui des attestations à charge. Les allégations de l'aide-soignante selon lesquelles lesdites fiches de signalement et les attestations produites par l'établissement auraient été rédigées par des supérieurs hiérarchiques ayant un intérêt à son licenciement ou empreintes de subjectivité ne reposent sur aucun élément. Dans ces conditions, ces manquements professionnels répétés dans l'exercice de ses fonctions doivent être regardés comme établis et sont constitutifs de fautes.

Méconnaissance des prescriptions médicales

Il ressort des pièces du dossier, notamment des différents témoignages produits par l'établissement, d'un compte-rendu de réunion du 6 juin 2016 avec le médecin coordonnateur et le directeur et de l'attestation du médecin coordinateur que le 6 juin 2016, l'aide-soignante en poste dans la matinée, n'a pas placé, contrairement aux prescriptions expresses du médecin coordonnateur, les deux barrières permettant de sécuriser l'installation au lit d'une patiente qui présentait un risque de chute aggravé. Cette patiente a, par la suite, été retrouvée au sol à 9 h 10 par l'infirmière de service. L'aide-soignante n'a fait aucun signalement de cet incident avant la passation de service aux équipes de l'après-midi.

Elle conteste les faits reprochés, arguant que la patiente concernée serait atteinte de la maladie d'Alzheimer et qu'elle aurait elle-même retiré ses barrières de protection, mais les éléments qu'elle produit ne sont pas de nature à remettre en cause les nombreux témoignages concordants, reposant pour certains sur les propres déclarations de l'intéressée, attestant de l'omission reprochée. Dans ces conditions, le manquement relatif à la non-installation de barrières de protection au lit d'une patiente le 6 juin 2016 en méconnaissance des prescriptions médicales occasionnant sa chute doit être regardé comme établi et est constitutif d'une faute.

Il ressort des témoignages convergents produits par l'employeur, notamment du témoignage circonstancié d'une élève stagiaire en dernière année de formation à l'IFSI, dont l'aide-soignante était la tutrice, que l'aide-soignante a interrompu trop longuement l'oxygénothérapie d'une résidente le 6 juin 2016, en procédant à sa toilette et aux soins du matin, et ce, malgré l'état de cyanose de la patiente et alors que le médecin avait prescrit un traitement en mode continu. Ce manquement est constitutif d'une faute.

Dans ces conditions, le licenciement est justifié.

4/ Droit des patients

Accès au dossier médical

Si le patient a exprimé auprès du médecin la volonté que ses enfants ne puissent pas avoir accès aux informations médicales le concernant, ceux-ci doivent se voir refuser l'accès au dossier médical, même pour un motif légitime.

(CE., 21 septembre 2020, no 427435) Faits

Après le décès de son père le 2 novembre 2014, une de ses filles a demandé au médecin traitant la communication du dossier médical de son père dans la perspective de faire valoir ses droits successoraux alors que le dernier testament réduisait ses droits.

Le médecin a refusé au motif que son patient lui avait indiqué oralement, à deux reprises, sa volonté que ses enfants ne puissent pas avoir accès aux informations médicales le concernant.

Procédure

La fille du défunt a formé une plainte disciplinaire contre le médecin, qui a été rejetée, et elle a saisi le Conseil d'Etat.

Les textes

« En cas de décès du malade, l'accès des ayants droit à son dossier médical s'effectue dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article L. 1110-4 » (CSP., art. L. 1111-7).

« Toute personne malade a droit au respect de sa vie privée et au secret des informations la concernant.

Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. Il ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès » (CSP. Art. L. 1110-4)

« Le médecin, au service de l'individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité. Le respect dû à la personne ne cesse pas de s'imposer après la mort » (CSP, Art. R. 4127-2).

Jurisprudence

Le respect du secret qui s'attache aux informations médicales concernant la santé d'une personne ne cesse pas de s'imposer après sa mort et le législateur n'a entendu, par dérogation, autoriser la communication aux ayants droit d'une personne décédée que des seules informations qui leur sont nécessaires pour connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits, à la condition que la personne concernée n'ait pas exprimé de volonté contraire avant son décès.

En cas de litige sur ce point, lorsqu'une telle volonté n'a pas été clairement exprimée par écrit, il revient à chaque partie d'apporter les éléments de preuve circonstanciés dont elle dispose afin de permettre au juge de former sa conviction pour déterminer si la personne concernée, avant son décès, avait exprimé de façon claire et non équivoque sa volonté libre et éclairée de s'opposer à la communication à ses ayants droit des informations visées à l'article L. 1110-4 CSP.

Analyse

Le patient avait exprimé auprès du médecin la volonté que ses enfants ne puissent pas avoir accès aux informations médicales le concernant, et les obligations déontologiques du médecin le conduisaient à ne pas communiquer le dossier.

5/ Responsabilité

Faute de surveillance infirmière

Un défaut de surveillance par l'équipe infirmière des signes généraux de dégradation présentés par un patient admis en urgence pour un traumatisme est une faute, qui a retardé le diagnostic et aggravé les déficits neurologiques.

(CAA de Nantes, 16 octobre 2020, no 18NT03029) Faits

Un homme alors âgé de 30 ans, a été victime le 11 août 2012 d'un grave accident de la route alors qu'il conduisait sans ceinture, à grande vitesse et sous l'emprise d'un fort état alcoolique. Il a été admis au service des urgences d'un centre hospitalier où ont été diagnostiquées une fracture du rachis cervical et une commotion cérébrale. Il a ensuite été transféré dans une unité d'hospitalisation de courte durée et placé sous morphine le jour même.

A 22 heures 21, alors qu'il tentait de se lever du fauteuil dans lequel il avait été placé à sa demande, il a fait une chute et le personnel présent l'a aidé à se rasseoir. Il a été atteint de vives douleurs abdominales ainsi que d'une insensibilité des membres inférieurs, et empêché d'effectuer des gestes courants.

Le patient a été examiné le lendemain à 8 heures par un médecin neurologue de l'établissement qui a diagnostiqué une tétraparésie en lien avec une compression médullaire décelée par IRM. Un diagnostic de luxation bi-articulaire avec glissement et bascule de C7 sur D1 responsable d'une tétraplégie ayant finalement été posé au service de neurologie d'un CHU.

Droit applicable

Selon le I de l'article L. 1142-1 CSP, la responsabilité pour l'activité de soins au centre hospitalier est engagée en cas de faute prouvée.

Analyse

Le patient soutient que la prise en charge dont il a fait l'objet dès son admission au service des urgences le 11 août 2012 a été défaillante. Toutefois, il résulte du rapport d'expertise que la prise en charge dont il a bénéficié a été conforme à toutes les recommandations en présence d'un traumatisme cervical sans signes neurologiques, et avec un scanner cérébral, ne montrant pas d'anomalies au niveau des disques et des corps vertébraux, notamment pas d'atteinte du mur postérieur. Les vomissements dont le patient a été sujet ne constituaient pas un signe de compression médullaire mais résultaient de la prescription de morphine à forte dose. Par suite, en l'absence de faute commise à l'occasion de la prise en charge initiale, la responsabilité ne peut être engagée pour cette phase.

La luxation secondaire dont le patient a été victime résulte à la fois des mobilisations opérées à sa demande dans le cadre de contacts avec le personnel, contacts rendus difficiles par son comportement, et de la chute qu'il a faite en tentant de se lever seul de son fauteuil, et ces faits lui sont imputables, sans pouvoir retenir de faute à l'égard de l'équipe infirmière.

En revanche, si la faiblesse du patient n'était pas de nature à alerter le personnel, dès lors que celui-ci somnolait ou dormait sous l'emprise d'un traumatisme physique et psychique, d'une alcoolémie élevée et de doses de morphine importantes, il en va différemment des difficultés à se mouvoir dont il se plaignait régulièrement et l'absence de miction depuis l'admission, qui auraient dû alerter le personnel dès 5 heures le 12 août 2012. Or, ces signes n'ont été pris en compte qu'à 8 heures 30. Un tel retard de diagnostic et de prise en charge de ces troubles neurologiques a entraîné une aggravation des déficits neurologiques dont le patient a eu à souffrir, qui ont continué à progresser durant ce laps de temps d'un peu plus de trois heures. Par suite, la responsabilité du centre hospitalier est engagée du fait de cette négligence dans l'observation infirmière, qui est la cause d'un retard de diagnostic fautif.

Le retard avec lequel ont été pris en charge les troubles ressentis par le patient durant la nuit du 11 au 12 août 2012, consécutivement à une mobilisation et une chute qui lui sont imputables, lui a fait perdre une chance d'éviter la progression des déficits neurologiques dont il a eu à souffrir, perte de chance que les premiers juges ont correctement évaluée à 25 %.

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