Une « international week » à l'IFSI - Objectif Soins & Management n° 272 du 01/12/2019 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 272 du 01/12/2019

 

Sur le terrain

Dossier

Marie-Chantal Durier  

L'IFSI Le Vinatier (Rhône) possède la charte Erasmus + depuis 2014. Des mobilités d'étudiants sortants et entrants ont lieu chaque année, de même que des mobilités « formation » de formateurs.

Afin d'aller plus loin dans notre projet Erasmus +, nous avons élaboré et mis en œuvre une « international week » au sein de l'IFSI. Ce projet a demandé une préparation de près d'un an, comprenant différentes étapes qui ont permis d'aboutir à la réalisation de cette semaine.

Partage de cette expérience.

Le projet d'une « international week » à l'IFSI est né suite au constat que certains de nos collègues européens organisaient des « international weeks » et nous faisaient parvenir des invitations afin de participer à celles-ci. Quelques-uns avaient mis en place cette manifestation depuis quelques temps, d'autres de manière toute récente. Alors pourquoi ne pas nous aussi, au sein de l'IFSI, inviter nos collègues européens à vivre une « international week » ?

Genèse du projet

Dans un premier temps, il a été nécessaire de définir la finalité de cette semaine internationale, de décliner ses objectifs et les grands axes de sa mise en œuvre.

Ainsi cette « international week » a pour but de permettre aux étudiants comme aux formateurs de s'enrichir des organisations et pratiques de soins de nos collègues européens.

Au cours d'une semaine dédiée, nos partenaires européens sont invités à l'IFSI afin de :

• intervenir auprès de nos étudiants, en lien avec les préoccupations soignantes actuelles (soins auprès de la personne âgée, soins à domicile, soins postchirurgie...) ;

• permettre un échange et une réflexion européenne commune sur des problématiques de formation entre formateurs ;

• réaliser une découverte culturelle.

Cette semaine est l'occasion de renforcer les liens avec les partenaires européens, de croiser les regards sur les pratiques.

Grâce au programme Erasmus +, les partenaires ont la possibilité d'être accueillis dans le cadre d'une mobilité Erasmus enseignement (STA), voire formation (STT). Ce sera pour eux l'occasion de créer de nouveaux partenariats avec les autres pays participants.

Lors du lancement de l'invitation, un abstract est demandé aux participants qui souhaitent intervenir auprès des étudiants. La langue anglaise est préconisée.

Les étudiants de 3e année de l'IFSI sont impliqués plus particulièrement dans cette manifestation, ainsi que l'ensemble de l'équipe pédagogique.

Le budget de cette semaine internationale est impacté sur la subvention Erasmus + de l'année en cours.

Afin de construire précisément notre « international week », il nous a paru nécessaire de participer nous-mêmes à celles organisées par nos collègues européens. Jusqu'à présent à l'IFSI, nous n'avions participé qu'à des mobilités de formation, qui se définissent par des temps de rencontre avec des partenaires universitaires, l'enseignement des soins infirmiers ayant lieu majoritairement en université chez nos confrères européens. Les mobilités de formation incluent la découverte de la formation des étudiants en soins infirmiers et du système de santé du pays d'accueil.

Aussi suite à la naissance du projet, trois formatrices, dont la responsable des relations internationales de l'IFSI, ont réalisé chacune une « mobilité d'enseignement » en participant l'une à une « international week » chez nos partenaires flamands, l'autre en se rendant auprès de l'université partenaire finlandaise et enfin la dernière chez nos collègues portugais. Une « mobilité d'enseignement » implique nécessairement de réaliser au minimum une intervention auprès des étudiants du pays d'accueil.

Ces trois expériences très différentes les unes des autres nous ont donné des pistes pour élaborer notre propre version de semaine internationale.

Une « international team »

À l'IFSI, une « international week » a été créée, impliquant l'équipe de direction ainsi que de nombreux formateurs. Cette équipe a eu pour mission de préparer l'événement. Quelques étudiants de 3e année ont rejoint l'équipe dans un second temps, se chargeant de la communication auprès des autres étudiants ainsi que de la décoration de l'IFSI au moment venu.

L'organisation de notre « international week » s'est déclinée en trois axes : des cours pour les étudiants de 3e année, des temps de rencontre, enfin des moments culturels et festifs.

Tout d'abord, nous avons préparé l'invitation que nous avons envoyée à nos collègues européens, avec une possibilité de participation pour leurs étudiants. Une première ébauche du déroulement de la semaine et un abstract à compléter pour les interventions auprès de nos étudiants ont été joints également au mail envoyé dès le mois de janvier.

Pour cette première semaine internationale, le thème de « L'interculturalité dans les soins » a été choisi, en précisant que les sujets abordés pouvaient concerner la pédiatrie, la gériatrie, la santé mentale, la santé publique, la médecine ou la chirurgie...

Nous avons fait le choix de programmer notre première « international week » la semaine des « Erasmus Days », soit du 9 au 12 octobre 2018. Les « Erasmus Days » sont deux jours dédiés à la valorisation et à l'information concernant le programme Erasmus. À travers toute l'Europe, des événements ont lieu pour faire connaître ce dernier.

Une deadline a été précisée pour les inscriptions (fin juin) ainsi que pour l'envoi des abstracts (mi-juillet).

Les abstracts des interventions auprès des étudiants 3e année sont arrivés pour la plupart quelques semaines avant le début de l'événement, voire la semaine précédente pour certains. L'organisation des cours a donc été réalisée de façon très tardive.

Nous avons eu connaissance du nombre précis des participants peu de jours avant le début de la semaine. Au final, dix formateurs européens d'Allemagne, de Belgique, d'Espagne, de Lettonie, de Lituanie, du Portugal et onze étudiants finlandais.

Nous avons facilité l'aspect pratique du séjour en fournissant notamment un listing d'hébergements possibles. Certains étudiants finlandais ont été logés chez l'habitant, ce qui a réduit le coût de leur séjour.

Le déroulement de l'« International week »

Nous avons donné rendez-vous à nos invités le lundi à 18 heures sur la Place Bellecour à Lyon pour un « get together », de manière à faire connaissance et parcourir quelques endroits touristiques de la ville. Les participants avaient ainsi le temps d'arriver à Lyon au cours de la journée. Un apéritif sur le quai de Saône a constitué une surprise très sympathique pour les participants.

Le mardi matin, après un discours d'ouverture réalisé par » le directeur du centre hospitalier, les cours ont débuté, cela jusqu'au jeudi matin. Les interventions étaient d'une durée de 1 h 30, principalement en anglais, mais pour certaines en français. Les étudiants de 3e année de l'IFSI s'étaient inscrits selon leur choix. Les étudiants finlandais ont assisté aux cours réalisés en anglais, un planning précis leur avait été remis.

Voici les intitulés des cours réalisés par nos collègues :

• « Transcultural competence in palliative care » ;

• « Virtual learning environments in Nursing » ;

• « Depression in the elderly  » ;

• « Institutional care for the elderly in Portugal » ;

• « The effect of psychological preparation before surgery : nursing approach » ;

• « Living and working conditions for nurses in situations of natural disasters, conflicts or war » ;

• « Inégalités sociales en santé ».

Les étudiants finlandais ont quant à eux présenté aux autres étudiants la formation des infirmiers en Finlande.

Par ailleurs, lors d'un temps d'échange, les formateurs de l'IFSI ont présenté deux films élaborés par les étudiants lors du « Festival du film » de l'IFSI. La collègue lituanienne nous a fait part d'un projet commun à plusieurs pays européens, « Villages on Move Baltic », mené dans le cadre d'Erasmus +, fondé sur la promotion de l'activité physique au quotidien auprès de population à risques.

Bien sûr, les pauses café étaient également des temps de partage informels appréciés.

Un forum international a été organisé pendant une pause déjeuner, afin que les étudiants de l'IFSI souhaitant échanger avec les partenaires présents puissent le faire. Cela a été aussi un temps où les participants européens ont pu évoquer leurs possibilités de collaboration futures.

Un autre moment plébiscité s'est déroulé le mardi soir de cette semaine : l'« international welcome dinner ». Nous avions prévu la tenue de celui-ci dans un hall de l'IFSI avec la venue d'un food truck proposant un repas sympathique pour un budget très raisonnable. Soixante-quinze convives étaient présents, à savoir nos invités européens, l'équipe pédagogique et des étudiants de l'IFSI.

Pour les formateurs et étudiants étrangers, deux visites commentées par des formateurs de l'IFSI ont été organisées. L'une concernait la visite du musée Lumière, l'autre le quartier de la Croix-Rousse, avec la découverte de la Maison des Canuts.

Enfin le vendredi, nous avons terminé cette semaine par une visite du centre hospitalier au sein duquel l'IFSI est implanté. Nous avons découvert l'exposition temporaire de la FERME de l'hôpital, lieu innovant qui s'inscrit dans le programme « Culture et santé ».

Le dernier jour de cette semaine peu ordinaire était également un « Erasmus Day », aussi afin de promulguer le programme Erasmus, nous avons convié le maire de la municipalité de Bron, l'adjointe déléguée à la culture et aux relations internationales, ainsi que la représentante de la région en lien avec l'IFSI et des membres des comités de jumelage de la ville avec lesquels nous avons un partenariat très riche.

Nous avons terminé la matinée par un « european lunch », pour lequel les formateurs et les étudiants de l'IFSI avaient préparé des spécialités françaises et nos partenaires avaient amené des spécialités de leur pays.

Le bilan

Cette première « international week » à l'IFSI a été un succès par bien des côtés :

• 19 participants européens et 7 pays invités représentés ;

• des interventions de qualité avec une réelle interactivité entre l'orateur et les étudiants présents ;

• des temps conviviaux vivement appréciés ;

• des temps culturels très intéressants ;

• de réels temps de rencontre et d'échange entre les participants ;

• une présence importante des étudiants de l'IFSI aux temps conviviaux ;

• une participation à l'événement du centre hospitalier, de la municipalité ;

• une grande aide de la direction des affaires financières du centre hospitalier qui gère le budget Erasmus avec la responsable des relations internationales de l'IFSI.

Perspectives

• La prochaine « international week » aura lieu en 2020, car cela demande un travail considérable qui se prépare longtemps à l'avance.

• Un COPIL restreint s'avère nécessaire pour partager davantage les responsabilités.

• Les étudiants de l'IFSI, notamment le BDE (bureau des étudiants), pourront participer davantage à l'organisation et l'ensemble de la promotion concernée par les cours être davantage partie prenante, avec plus d'informations sur l'événement en amont.

Conclusion

Le programme Erasmus + peut se décliner de multiples façons ; l'« international week » est une illustration de ce que permet ce programme. L'ouverture sur l'Europe, les liens créés, mais aussi le dynamisme apporté et le plaisir de vivre un tel projet sont des éléments qui ne peuvent qu'inciter à se lancer dans cette aventure.

Témoignage

Ghislaine Xavier-Colomb, cadre de santé formateur à l'IFSI Le Vinatier, a vécu une « international week » en Finlande.

Partir en éclaireur en Erasmus week mais qu'est-ce donc ? Erasmus, tout le monde connaît – bien que peu d'IFSI en bénéficient en France – mais quelle est la plus-value d'une Eramus week ? C'est justement ce que j'ai pu découvrir en mars 2017 à Helsinki.

Une inscription pour une Erasmus week, c'est d'abord le grand inconnu, c'est une immersion dans un monde très anglo-saxon où nous, les « Latins », sommes en minorité. C'est vivre pendant une semaine un accueil, une écoute et surtout une intervention après d'étudiants dans un monde de professionnels déjà très habitués à ce partage d'expériences. Mais c'est aussi et surtout l'occasion de croiser l'expérience de formateurs venant de différents pays avec les étudiants de la contrée accueillante, en l'occurrence ici la Finlande.

Cependant, c'est en outre découvrir une multitude de métiers, un croisement de compétences, des interactions porteuses et riches. En l'occurrence, la troisième journée était réservée à la découverte des projets-actions des étudiants de troisième année. Les sujets étaient enthousiasmants et créatifs pour la plupart, voici quelques exemples :

• la création de lunettes simulant le défaut de vison du patient pour arriver à voir avec ses propres yeux et du coup comprendre ses besoins ;

• l'organisation d'un bivouac entre personnes aveugles et voyants ;

• la mise au point d'un programme informatique afin que la personne en rééducation puisse voir dans l'espace l'amplitude de ses mouvements et ainsi mesurer ses progrès.

Les expériences que j'ai pu partager étaient portées par de petits groupes, mixant infirmières, sages-femmes, rééducateurs, ergothérapeutes, assistants sociaux voire informaticiens en formation !

Mais le challenge est surtout dans la réalisation d'une intervention après d'un groupe d'étudiants, surtout quand on aime l'interaction et que l'on choisit un sujet éthique. Ce fut donc mon cas : étant formatrice en IFSI, j'ai à la fois voulu faire découvrir aux participants la richesse de nos accompagnements cliniques mais aussi leur permettre une réflexion éthique. À ma grande surprise, le public estudiantin était lui aussi très diversifié (notamment des assistants sociaux) et donc l'étonnement et les questions étaient démultipliées. Je ne suis pas sûre que mon niveau d'anglais m'ait permis de saisir et de répondre à toutes les subtilités des interactions, cependant le débat est resté passionné, tout en étant respectueux, cela est allé bien au-delà de mes espérances.

Voilà, en résumé, partager une Eramus week, c'est vivre une immense richesse où, malgré les difficultés linguistiques, on peut partager ses idées, ses valeurs, ses opinions, sa pédagogie avec d'autres, qui sont à la fois si différents et si proches. C'est possible car nous avons en commun le même souci de considération de la personne et le désir de toujours plus s'ouvrir à l'autre, de s'enrichir mutuellement et humainement.

Témoignage

Nathalie Fort, cadre de santé formatrice à l'IFSI Le Vinatier, a vécu une « international week » au Portugal.

Répondre à l'invitation d'une université pour participer à une « international week » réserve bien des surprises et de belles découvertes.

Mes représentations du programme Erasmus me laissaient penser que la mobilité ne concernait que les étudiants, mais la réalité est tout autre. Le programme offre aussi des opportunités de mobilités formateurs. Ainsi, j'ai pu participer à la 15e « international week » de l'université de Bragance, au Portugal, du 14 au 18 mai 2018.

S'inscrire dans une mobilité internationale, c'est en premier lieu réviser sa géographie européenne et remobiliser ses connaissances en anglais qui seront le sésame pour communiquer et créer des relations professionnelles et amicales. C'est aussi échanger sur nos pratiques professionnelles, nos aspirations comme accompagnateurs de jeunes gens en formation, partager nos intentions pédagogiques dans un contexte culturel riche de similitudes et de différences.

L'Institut polytechnique de Bragance, créé en 1983, est un énorme campus (7 500 étudiants, dont 1 200 étrangers, 500 professeurs, 250 collaborateurs), offrant des formations dans de nombreux champs disciplinaires (30 cycles courts/42 bachelors/35 masters, PhD en préparation, school of technology and management, school of agriculture, school of education, school of health) et proposant un programme Erasmus + développé.

Dix-neuf pays et universités étaient représentés, avec un double programme ; l'un pour les enseignants et formateurs, l'autre pour les responsables des relations internationales. Les enseignements alternaient avec des workshops. Les temps libres étaient propices aux échanges et à la création de contacts entre tous les participants. Enfin, des temps culturels avec la visite d'une cave d'un producteur de vin de Porto et une très agréable croisière sur la rivière Doro à la découverte de magnifiques paysages viticoles ont constitué le programme de cette semaine internationale.

Malgré le challenge que représentait l'enseignement d'un cours en anglais, il était intéressant de vivre un aspect de la réalité européenne à travers le prisme du programme Erasmus. En effet, le cours relatif à l'éducation thérapeutique que j'ai enseigné aux étudiants portugais est un élément constitutif du programme enseigné aux étudiants français. J'ai pu alors expérimenter dans ma pratique professionnelle les accords de Bologne et renforcer ma conscience européenne comme formatrice mais également comme citoyenne. De plus, j'ai eu l'opportunité d'échanger avec le responsable des relations internationales de l'école de santé. Je me suis ainsi inscrite dans la continuité du partenariat initié quelques années auparavant entre nos deux structures d'enseignement en soins infirmiers.

La participation à cette « international week » s'est avérée une expérience professionnelle et humaine très riche. Elle a participé à la volonté institutionnelle et individuelle de poursuivre sur le chemin de la reconnaissance mutuelle entre peuples, individus, universités, instituts de formation, dans le respect des ressources et des différences de chacun. Finalement, cela m'a donné l'opportunité de vivre l'objectif des fondateurs du programme : devenir un citoyen européen et développer une conscience européenne.

Témoignage

Marie-Chantal Durier, responsable des relations internationales à l'IFSI Le Vinatier, a vécu une « international week » à Courtrai (Belgique).

C'était la première « international week » organisée par le département en soins infirmiers de la Haute École de Courtrai, qui s'était associée au département « travailleurs sociaux » pour les temps conviviaux.

Du fait de notre partenariat, je n'étais pas en terrain inconnu puisque je connaissais à la fois l'établissement et des collègues.

Des temps conviviaux ont rythmé la semaine : une découverte de la ville et un accueil à l'hôtel de ville en fin de journée le premier jour, un forum international le lendemain et enfin un repas très sympathique regroupant beaucoup de monde dans le restaurant de l'école.

Concernant mon intervention, réalisée deux fois, il s'agissait à chaque fois d'un petit groupe d'étudiants volontaires et les échanges ont été faciles. J'ai pu suivre les interventions de collègues relatant leurs expériences lorsque celles-ci étaient en anglais ou en français, mais cela n'était pas possible lorsqu'elles étaient en néerlandais.

Participer à cette « international week » m'a permis de revenir avec des idées sur la décoration, l'organisation, les temps forts de celle-ci, mais aussi l'assurance que nos collègues belges participeraient à notre propre semaine internationale à leur tour.