Management éthique et posture soignante - Objectif Soins & Management n° 205 du 01/04/2012 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 205 du 01/04/2012

 

Actualités

Thierry Pennable  

ÉCHANGES DE PRATIQUES Fidèle à une approche pluridisciplinaire, la journée des soignants en gériatrie du Pont du Gard du 22 mars 2012 aborde le questionnement éthique à travers le regard croisé des professionnels de santé et des sciences humaines. Avec un zoom sur le quotidien des soignants de Mayotte.

En choisissant pour thème de la 5e Journée des soignants en gériatrie du Pont du Gard “Management éthique et posture soignante”, les organisateurs, Denis Bruguier et Sylvie Landru, directeur et cadre de santé de l’hôpital local d’Uzès, prolongent la réflexion entamée l’année précédente sur la qualité de vie dans le vieillissement. Première à intervenir, Christiane Peyron-Bonjan, professeur de philosophie des universités Aix-Marseille 2, distingue le management fonctionnel du management relationnel. Le premier repose sur un principe selon lequel l’homme n’a aucune volonté. Le management doit alors superviser étroitement, par un contrôle minutieux, les salariés menacés de sanction. Dans ce cas, les décisions sont prises en haut de la hiérarchie et appliquées aux salariés. Selon le management relationnel, l’homme est disposé à se mettre au travail, mais a besoin qu’on suscite en lui l’envie de se réaliser et de se dépasser. Ici, l’homme qui travaille peut faire preuve d’imagination, d’ingéniosité. Le management a une influence stimulante du hiérarchique sur son subordonné, dans un but de transformation et de développement de la personne.

L’éthique est un questionnement personnel

Quant à l’éthique, « elle est distincte de la morale », explique Christiane Peyron-Bonjan en citant Paul Ricœur (philosophe français, 1913-2005): « Je réserve par convention le terme d’“éthique” à une vie accomplie sous le signe des actions estimées bonnes. Le terme de “morale” à des actions marquées par des normes, des obligations, des interdictions, caractérisées par la contrainte et l’universalité. » « On ne peut parler d’éthique que lorsqu’il y a des conflits de valeurs », souligne la philosophe. Quand, par exemple, la morale dit que la vie humaine est à respecter et qu’on pense en même temps qu’il ne faut pas laisser souffrir quelqu’un trop longtemps, la concertation éthique décide de ce qui est préférable. Ce jugement éthique est à renouveler à chaque situation de conflit. « La morale est une règle extérieure, a priori. L’éthique libère et délivre notre vision du monde. » L’éthique guide nos actes jugés par notre regard propre. En outre, « l’éthique n’est ni le droit, ni la déontologie », ajoute le professeur de philosophie. « Le droit impose de l’extérieur des règles qui découlent de la morale, de la culture, des religions. La déontologie est plutôt apparentée à la morale avec des règles extérieures appliquées a priori pour telle profession afin d’exercer. Elles peuvent être apprises dans des cours. On ne peut pas faire des cours d’éthique. »

La MSP entre en scène

Après les interventions des professeurs de philosophie et de droit, les élèves de l’Institut de formation d’aides-soignants de Salon-de-Provence ont remporté un grand succès en soulevant des questions d’éthique à travers deux sketchs. Particulièrement lorsqu’ils ont joué une mise en situation professionnelle (MSP) où l’étudiante qui veut mettre en pratique les acquis de la formation se trouve en grand décalage avec l’infirmière qui ne frappe plus à la porte et désigne la patiente par « a PTH » (pour prothèse totale de hanche). « Vous serez comme ça, vous aussi, quand vous serez diplômée », conclut la patiente. Les rires et les applaudissements des étudiants emplissent la salle comme un antidote aux situations de stage vécus.

François Viala, professeur à la faculté de droit de Montpellier I, intervenant de la journée, y voit un espoir porté par les nouvelles générations. Les soignants plus expérimentés sont quant à eux plus tempérés, sachant qu’il ne s’agit pas d’un problème générationnel. Et que les étudiants remarqueront toujours les “mauvaises” habitudes prises par des soignants qui ont été des stagiaires avant eux.