LA CONSTRUCTION DE LIENS PLUS RÉGULIERS AVEC LES IDEL EST SOUHAITABLE | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 043 du 01/04/2024

 

DOSSIER

ENTRETIEN

Eva Ester Molina  

Infirmière en pratique avancée (IPA) à l’Institut Curie, Ile-de-France.

Eva Ester Molina plaide pour un renforcement du lien ville-hôpital, notamment avec les idel, pour une optimisation du suivi patient.

Dans le cadre de sa fonction d’IPA à l’Institut Curie, Eva Ester Molina prend en charge les patients suivis pour un cancer digestif dans un contexte de vulnérabilité, à savoir les personnes âgées (75 ans et plus, et en fonction de leur test de dépistage G8), les patients symptomatiques (avec douleurs), ceux souffrant de dénutrition, et ceux atteints d’un cancer du pancréas, de la voie biliaire, et de la jonction œsogastrique, car plus fragiles. Soit entre 100 et 160 patients par an. « Ils bénéficient généralement d’une chimiothérapie dispensée par un diffuseur », explique l’IPA. Elle est donc posée à l’hôpital, puis le patient rentre à domicile. L’idel se rend chez lui 24 heures après, pour s’assurer que le protocole se déroule bien, puis à 48 heures pour le retrait du diffuseur. Si une nutrition artificielle est mise en place, l’infirmière se rend quotidiennement au domicile, la coordination du patient étant assurée par le prestataire de santé à domicile. « L’idel a donc pour rôle de préparer les médicaments, d’assurer la surveillance des constantes et de l’état général du patient », ajoute Eva Ester Molina.

Une formation adaptée

Cependant, au domicile, deux problèmes se posent : la coordination, la surveillance, et l’évaluation clinique ne sont pas valorisées dans la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) infirmiers, ce qui représente un frein pour le suivi. De même que les idel ne sont pas formées à ce suivi, notamment en raison de l’absence de standard sur les points de surveillance chez un patient sous chimiothérapie. « Nous leur demandons donc une surveillance clinique globale interprétable », indique Eva Ester Molina. Elle estime toutefois qu’il serait bénéfique que les idel connaissent, a minima, les effets secondaires des chimiothérapies, leur gestion, ainsi que les parcours patients. Mais en oncologie, ils sont très variés, difficile donc de tout maîtriser. « Pourquoi ne pas proposer des formations sur les traitements les plus fréquents contre les cancers pour lesquels elles interviennent », suggère-t-elle. L’Institut Curie n’en dispense pas pour les idel. En revanche, l’objectif serait de créer une plateforme numérique pour le suivi des patients, au sein de laquelle des documents seraient accessibles aux patients et aux soignants, par exemple sur la gestion de la chambre implantable, la chimiothérapie, ou encore les toxicités.

Un lien direct à optimiser

En attendant, « tous mes patients disposent de mes coordonnées directes et peuvent les transmettre à l’équipe de ville, indique l’IPA. J’ai d’ailleurs déjà été en contact avec certains libéraux confrontés à des problématiques concernant par exemple l’altération de l’état général du patient, la toxicité de la chimiothérapie ou un maintien à domicile compliqué. Nos échanges étaient riches et leurs sollicitations pertinentes ». Un exemple concret : face à une patiente qui vomissait depuis 24 heures, les idel ont appelé l’hôpital. « Après avoir partagé leur évaluation, j’ai demandé l’hospitalisation de la patiente sans passer par les urgences, et dans l’attente, j’ai modifié la prescription. Pour la préservation du patient, les idel ont adopté la bonne démarche. »

Eva Ester Molina plaide ainsi pour la construction de liens plus réguliers avec les idel. Des comptes rendus de leur part sur l’état des patients, transmis une fois par semaine, amélioreraient leur suivi hebdomadaire. « Parfois, elles nous laissent juste un message nous demandant de renouveler les ordonnances, témoigne-t-elle. J’aimerais davantage une analyse clinique. Mais je comprends qu’elles n’aient pas le temps d’effectuer ce retour approfondi en raison du manque de valorisation de leur travail. » Outre une reconnaissance, une rémunération, et une formation des idel, « il faudrait aussi que nous apprenions à nous connaître, conclut-elle. L’hôpital doit aller vers la ville et inversement ».