LES RECETTES TRÈS LIBÉRALES POUR SAUVER L’HÔPITAL PUBLIC - Ma revue n° 038 du 01/11/2023 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 038 du 01/11/2023

 

COUR DES COMPTES

JE DÉCRYPTE

POLITIQUE BUDGÉTAIRE

Adrien Renaud  

La Cour des comptes a présenté, le 12 octobre, trois rapports sur la situation de l’hôpital, affichant pour objectif de sauver les établissements publics. Reste à savoir si le traitement de cheval qu’elle préconise peut être supporté par le malade.

Quand on lit nos rapports, les journalistes écrivent toujours que “nous étrillons”, que “nous épinglons”, alors que ce n’est pas le but ! Nous nous basons sur l’analyse des faits et nous n’hésitons pas à rappeler que certaines évolutions vont dans le bon sens. » Tels étaient les mots de Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, lors de la présentation, le 12 octobre dernier, de trois rapports portant sur l’hôpital public : l’un sur la Tarification à l’activité (T2A), l’autre sur la concurrence et les complémentarités entre hôpitaux publics et privés, et le dernier sur la situation financière des hôpitaux après la crise sanitaire. Trois sujets pour lesquels les magistrats de la rue Cambon, sans « étriller » ni « épingler », préconisent tout de même de sérieuses et austères transformations.

Car pour Pierre Moscovici, les choses sont claires. « Nous sommes tous attachés à la place particulière qu’occupe l’hôpital public dans notre pays, nous devons la préserver et, pour cela, le préalable c’est que les fonds soient efficacement utilisés », a-t-il affirmé. Or le tableau dressé par le haut fonctionnaire est particulièrement inquiétant, avec « un contexte de pertes financières sans précédent pour les hôpitaux : 1,3 milliards d’euros en 2022 ».

DES AIDES CIBLÉES POUR LES HÔPITAUX

Au sujet de la situation financière des hôpitaux, la Cour reconnaît volontiers que le gouvernement a bien réagi pendant la crise sanitaire « en déployant des dispositifs exceptionnels de soutien financier », mais elle « regrette le manque de pilotage et de contrôle », a expliqué le premier président, déplorant notamment qu’il ait été choisi « de saupoudrer les aides au plus grand nombre plutôt que de les concentrer ». Sa recommandation ? Cibler les aides restantes « sur les établissements les plus en difficulté », et leur demander « des contreparties ».

T2A MON AMOUR

En ce qui concerne la T2A, contrairement à la pensée dominante, exprimée par le président Emmanuel Macron en janvier qui exhortait à en « sortir », la Cour estime qu’il s’agit d’un « outil utile de rationalisation du système de santé et des dépenses d’Assurance maladie ». Selon elle, il faut qu’elle garde « une part prépondérante » dans le financement hospitalier au lieu d’être limitée progressivement, comme le prévoit le prochain Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). En revanche, selon Pierre Moscovici, son fonctionnement doit être simplifié et il serait préférable d'éviter que l’État ne fasse des économies simplement en baissant les tarifs de chaque acte.

DÉVELOPPER LES AUTORISATIONS D’ACTIVITÉ AUX CLINIQUES PRIVÉES

Le rapport qui aborde la concurrence et la complémentarité entre les établissements publics et privés, est peut-être le plus explosif. Alors que « dans certains cas, les cliniques privées sont exclues du champ d’application du service public hospitalier », elles pourraient répondre à des besoins dans des zones où l’hôpital public n’est pas présent, a indiqué Pierre Moscovici. La Cour invite, « dans un cadre contractualisé », les Agences régionales de santé (ARS) à « développer les autorisations d’activité » à destination des cliniques privées. « Il ne s’agit pas de privatiser l’hôpital, a tenté de déminer le premier président de la Cour des comptes. Il s’agit de faire en sorte que le service public puisse être étendu à des acteurs privés à but lucratif. »

Reste une question primordiale, à laquelle aucun de ces rapports ne semble répondre et qui pourtant supplante la problématique de l’équilibre financier : le manque de personnel dans les hôpitaux. Interrogée sur le sujet, Véronique Hamayon, présidente de la 6e chambre de la Cour des comptes (celle qui s’occupe de la santé), a répondu que la Cour « ne sous-estime pas les tensions » sur le plan des ressources humaines et a considéré que « cela se ressent dans [ses] rapports ». Pour autant, elle n’a pas cité de recommandations précises permettant de s’attaquer au problème.