MISER SUR LA RESPIRATION - Ma revue n° 033 du 01/06/2023 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 033 du 01/06/2023

 

GESTION DU STRESS

J’EXERCE EN LIBÉRAL

RISQUES DU MÉTIER

Laure Martin*   Élise Prunelle**  


*formatrice chez Amaé Conseil

Les infirmières libérales peuvent être confrontées à de multiples situations de stress au cours de leur journée. Pour y faire face, la maîtrise de la respiration est une réponse simple, mobilisable à tout moment.

Le stress est l’une des grandes fonctions de l’organisme, présente chez tous les êtres humains. Lorsqu’il est fait mention de non-stress, en réalité, l’objectif est de parvenir à ne pas vivre un stress nuisible.

LES DIFFÉRENTS TYPES DE STRESS

Il existe trois types de stress :

→ le stress utile, ou bon stress, est le stress nécessaire, celui qui stimule, met en éveil, permet d’agir en situation de danger ;

→ l’hyperstress, celui qui caractérise le plus communément une situation dans laquelle quelqu’un se dit stressé, correspond à une situation de nervosité et d’agitation. Il se manifeste par exemple par une transpiration, des tremblements, une accélération du rythme cardiaque, des maux de ventre, des douleurs musculaires ou encore articulaires.

Lorsqu’il se répète, il peut évoluer vers un stress chronique installé ou un stress ponctuel.

Le risque est alors de basculer vers l’épuisement professionnel (aussi appelé burn-out) ;

→ l’hypostress peut être ponctuel, en lien avec un état de fatigue transitoire. Il peut aussi survenir lorsque la personne a été tellement stressée qu’elle se retrouve en situation d’épuisement. Elle a vécu une situation de stress ponctuel ou chronique, avec des signaux d’alarme mais elle est entrée en résistance malgré leur identification possible.

La résistance est à la fois liée au déni et/ou à la défense professionnelle.

Les infirmières sont particulièrement concernées par l’hyperstress en raison de leur métier qui les met en présence de situations difficiles. De fait, elles peuvent entrer en situation de résistance afin d’éviter d’avoir le sentiment de ne plus effectuer correctement leur travail. Pour les infirmières libérales, c’est d’autant plus vrai qu’elles sont amenées à exercer de manière isolée et se trouvent seules face aux problématiques qu’elles traversent, sans espace pour échanger, en parler, analyser leur pratique professionnelle et se délester.

RÉPERTORIER LES FACTEURS DE STRESS

Pour agir sur le stress, il faut en priorité avoir la capacité de répertorier les facteurs de stress, qui sont personnels et propres à chacun. Il est essentiel de les identifier puis, éventuellement, de les hiérarchiser en leur attribuant une note. Pour les Idels, ils peuvent aussi bien avoir lieu avant, pendant ou encore après une prise en charge. À titre d’exemple, avant une prise en charge, il peut s’agir de craindre de ne pas se réveiller, d’être confronté à des embouteillages, d’avoir une panne de voiture. Pendant la prise en charge, la source de stress peut être le patient lui-même, les soins à dispenser, son environnement. Les lieux de soins sont parfois difficiles d’accès et non ergonomiques. L’Idel peut par exemple appréhender tous les étages à monter pour se rendre au domicile d’un patient. Après la prise en charge, les facteurs de stress peuvent être similaires à ceux ressentis avant la prise en charge, mais pour le patient suivant. De fait, le stress repose en partie sur l’anticipation d’une éventuelle problématique à venir.

LES RESSOURCES INTERNES OU EXTERNES

Dès lors que les facteurs de stress sont repérés, il faut chercher à les supprimer lorsque cela est possible, à les modifier ou encore à les accepter, afin de tendre vers un non-stress ou, a minima, un stress utile.

Pour y parvenir, l’Idel doit devenir « actrice de son stress » en repérant ce sur quoi elle peut ou non agir. Il faut toutefois accepter qu’il ne soit pas toujours possible d’agir sur certains éléments, ce qui conduit à réfléchir à la façon de les contourner. Il est par exemple difficile d’intervenir sur l’agressivité d’un patient. En revanche, il est possible d’agir sur la façon de vivre cette agressivité et faire en sorte qu’elle ne provoque pas de situation d’hyperstress.

L’Idel a certes un important travail de préparation à effectuer en amont, mais elle dispose d’espaces, de moments, qu’elle peut utiliser en ce sens, notamment pendant les trajets en voiture lors de sa tournée. Face à une situation vécue, elle peut ensuite identifier les ressources à sa disposition afin de trouver un équilibre.

Il faut pouvoir agir sur les représentations de son stress, s’adapter aux ressources disponibles pour réguler la dépense énergétique liée à la situation.

Les ressources internes : le capital énergie du moment, le type d’énergies (physique, mentale, les deux), les points forts en sa possession : apprendre à se connaître, à se parler, développer le dialogue interne, se féliciter, augmenter ses compétences et sa capacité à prendre soin de soi.

Les ressources externes : les personnes autour de soi, les personnes ressources, les conditions de travail, la présence de matériel au domicile du patient pour aider à la prise en charge, c’est-à-dire tout ce qui est facilitant pour l’exercice professionnel.

DES OUTILS CONCRETS

De nombreux outils existent pour agir contre le stress.

Cependant, le plus accessible, qui ne requiert aucun matériel, est la respiration. Chacun respire en moyenne 22 000 fois par jour, un réflexe nous permettant de gérer le stress et de le diminuer. Deux types de respiration peuvent être mobilisés en moyenne trois fois face à une situation de stress ou en prévention.

La respiration apaisante est à utiliser dès lors que l’Idel a repéré une situation de stress, par exemple lorsqu’elle est face à une personne agressive et qu’elle se sent dépassée.

Techniquement, elle va effectuer trois respirations avec une inspiration normale et une expiration longue afin de chasser, en soufflant, l’élément stressant.

La respiration dynamisante est à mettre en place pour se redynamiser face à un stress qui épuise. Techniquement, elle consiste en une inspiration longue et tonique, et une expiration courte et tonique. L’objectif est de reprendre de l’énergie en se réoxygénant.

Se centrer sur sa respiration permet de se décentrer de la situation de stress et de concentrer son cerveau sur autre chose.

À la respiration peut être associé un outil d’imagerie mentale. L’Idel se construit une image apaisante ou dynamisante. Il peut s’agir d’une situation vécue, d’un paysage. De préférence, elle doit être la plus réelle possible et concrète. Cette image peut mettre en jeu la personne concernée, sans que cela soit pour autant obligatoire. Si d’autres acteurs sont présents dans l’image, il ne faut pas qu’ils soient identifiés. À titre d’exemple, pour une personne qui aime le chant, l’image dynamisante peut être de se voir elle-même en train de chanter devant un public, en tenant une note. L’image apaisante peut aussi être un jardin, avec un bel arbre, une pelouse fraîchement tondue et des fleurs. Ainsi, lorsque la personne mobilise sa respiration, elle peut faire venir l’image associée. Il peut s’agir uniquement de couleurs.

Pour être efficace, il est conseillé de pratiquer cet exercice de respiration le plus régulièrement possible, même en dehors d’un stress. C’est une condition pour qu’il puisse être mobilisé en cas de nécessité. Cet outil de prévention et de récupération n’est pas à lui seul thérapeutique : une personne qui se sent vraiment stressée, en particulier de façon chronique, peut le mobiliser mais doit également se faire accompagner par un professionnel compétent, en se tournant, en premier lieu, vers son médecin traitant.

Savoir +

LES 7 INGRÉDIENTS DU BIEN-ÊTRE MENTAL

• Le sommeil : il permet la concentration, le bien-être émotionnel, la consolidation de l’apprentissage et la récupération des expériences de la journée.

• L’activité physique : elle améliore l’humeur, réduit le stress et l’anxiété, et augmente la concentration.

• Le focus : se concentrer sur une seule tâche permet d’éviter le stress.

• La connexion à soi en se concentrant sur ses sensations, ses images, donc être en pleine conscience de son environnement et de soi.

• Les pauses : s’accorder un temps, quelques minutes, pour laisser son esprit vagabonder, se détendre.

• La récréation : la spontanéité et la créativité contribuent à nos connexions avec le cerveau.

• La connexion aux autres et à la nature active le circuit relationnel, la gratitude, la générosité et le don de soi.

Source : “The healthy mind platter for optimal brain matter”, David Rock, Daniel J. Siegel, 2011.