[Enfermer la personne à domicile : dilemme entre sécurité et liberté] - Ma revue n° 033 du 01/06/2023 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 033 du 01/06/2023

 

ÉTHIQUE ET SOINS AU QUOTIDIEN

J’EXERCE EN LIBÉRAL

RISQUES DU MÉTIER

Marie-Claude Daydé  

infirmière libérale

À l’occasion d’un remplacement en exercice libéral, il est demandé à l’infirmière, par la famille de Mme F., de fermer à clé la porte du logement après les soins du soir prodigués à cette personne de 79 ans. La patiente vit seule, dans une maison de plain-pied et présente quelques troubles cognitifs, qui jusque-là ne l’ont pas mise en danger. Mais ses enfants s’inquiètent, d’où leur demande, que la patiente désapprouve. Peut-on décider pour autrui ? Passer outre et contraindre, relève-t-il du « prendre soin » ? Estimer que la faculté de jugement de la personne âgée est altérée relève aussi d’une évaluation médicale et pas simplement de l’appréciation de la famille. Comment concilier liberté et sécurité ? Peut-on envisager une protection proportionnée en termes de bénéfices et de risques ? Comment trouver un équilibre entre ce que la patiente est prête à accepter et ce que le soignant et/ ou la famille pensent être bénéfique pour elle ? Si fermer la porte à clé peut avoir comme objectif la protection de la personne de dangers extérieurs, il y a aussi un risque de la mettre en danger (tentative de sortie par une autre voie, incendie, par exemple), notamment si elle n’a pas la possibilité d’ouvrir.

La question des personnes qui sont enfermées à leur domicile au départ des aidants ou des soignants, souvent en raison de leur désorientation et de peur qu’elles ne se mettent en danger, est fréquente dans le cadre de l’exercice libéral. Elle interroge les professionnels et les laisse parfois insatisfaits des réponses qu’ils ont pu apporter, tant chaque situation ne ressemble pas à une autre et nécessite d’être individualisée.

Il y a là une question de responsabilité éthique et déontologique du soignant et de responsabilité morale des familles. Le dilemme éthique oscille entre le souci de bien faire, visant à protéger la personne, et le respect de son autonomie en termes de consentement à la décision justifiant la nécessité ou non de limiter sa liberté.