Sur tous les fronts - L'Infirmière Magazine n° 359 du 01/04/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine_Hors série n° 359 du 01/04/2015

 

ASSOCIATIONS DE PATIENTS

DOSSIER

MARIE-CAPUCINE DISS  

Mieux vivre la maladie et l’après cancer. Panorama d’un paysage associatif qui soutient les patients et leurs familles, tant sur le plan moral que psychologique ou financier.

Au sous-sol du centre municipal de santé d’Issy-les-Moulineaux, un groupe de femmes discutent autour d’un thé de leurs couleurs préférées en matière de vêtements. Le rouge est plébiscité par les plus optimistes. Certaines attendent leur rendez-vous, d’autres passent simplement dire bonjour. Toutes sont accueillies par une bénévole qui prend de leurs nouvelles. L’association Étincelles(1) propose des soins et des ateliers permettant aux femmes touchées par le cancer de mieux vivre leur maladie. Séances de sophrologie, réflexologie, massage et Reiki, ateliers de conseils en image et style, cours de salsa ou de yoga font partie des nombreuses activités mises en place par l’association. Un groupe de parole mensuel permet de s’exprimer autour de thèmes ciblés, telle la communication au sujet de sa maladie. Parallèlement, un soutien psychologique individualisé est proposé.

Si les adhérentes de l’association ont une expérience de la maladie en commun (lire encadré), Catherine Adler Tal, oncopsychologue et vice-présidente de l’association, insiste sur la nature unique du vécu de chaque femme et l’importance de prendre en compte l’ensemble des problématiques rencontrées : « Il y a cent manières de vivre un cancer touchant le même organe. Il est également fondamental de mieux prendre en compte les questions relevant de la sexualité, encore trop souvent considérées en cancérologie comme du luxe. Cela fait pourtant partie de la vie, de la santé. »

Ce soutien moral et psychologique peut également être proposé en milieu hospitalier. Un nombre important d’associations se sont développées en lien avec un service de cancérologie. C’est le cas de Vie et Espoir(2). Chaque après-midi, dimanches exceptés, les « visiteuses » de l’association fréquentent le service d’oncopédiatrie du CHU Charles Nicolle, à Rouen (76). Pour Marie-Louise Joncour, vice-présidente de l’association, « ces rencontres permettent d’apporter un regard extérieur, de cultiver un autre lien, moins affectif que celui qu’entretiennent les enfants avec leurs parents. Certaines relations privilégiées se nouent. Les enfants confient aux visiteuses certaines choses dont ils ne parlent ni aux soignants, ni à leurs parents, parce qu’ils veulent les protéger ». Cet accompagnement est complété par des projets citoyens menés par des étudiants, encadrés par l’association. Les ateliers qu’ils animent égaient le quotidien à l’hôpital et permettent de s’initier à certaines techniques. Ils constituent une façon supplémentaire d’entretenir un lien avec l’extérieur et des personnes plus proches de leur âge. Ces initiatives donnent l’occasion aux parents de souffler, d’aller faire des courses, de sortir. « C’est précieux pour les mamans qui veulent garder un lien avec le quotidien, précise Christine Perignon, présidente de l’association. Et quand une maman va mieux, elle est plus détendue et son enfant aussi. »

Aides financières

L’aide financière constitue également un volet important de l’activité des associations de soutien aux patients. Vie et Espoir y consacre une partie de son activité. « Les familles peuvent être mises en grande difficulté financière. Souvent, quand leur enfant tombe malade, un des parents s’arrête de travailler, explique Marie-Louise Joncour. L’aide que l’on peut apporter permet d’éviter que les parents soient accaparés par des soucis financiers. » L’allocation dont peuvent bénéficier les parents touchés par le cancer de leur enfant ne suffit pas toujours à couvrir les frais occasionnés par la maladie. Surtout si la famille vit loin du centre hospitalier où est traité leur enfant. Vie et Espoir apporte, si nécessaire, une aide pour les frais de parking à proximité du CHU, l’hébergement à la maison des parents et jusqu’à quatre trajets hebdomadaires en voiture. Des financements peuvent aussi être débloqués pour des aides ponctuelles, comme l’achat d’une perruque. À l’aide financière directe, s’ajoute une aide juridique et administrative, à l’instar de celle proposée par Juris Santé(3) afin d’assister les patients face à la baisse de revenus qui accompagne souvent la maladie. Une partie des activités de cette association est également tournée vers la réinsertion professionnelle ; 10 % des personnes touchées par le cancer perdent en effet leur emploi.

« Cancer blues »

La projection dans le futur, la perspective de retrouver une vie ancrée dans la société sont des enjeux importants pris en compte par les associations de soutien aux patients. Évoquant l’imbrication de Vie et Espoir avec le service d’oncopédiatrie dans lequel elle agit, Marie-Louise Joncour a cette formule : « Le projet de soin de l’enfant est intégré dans un plan de vie. » Deux séjours annuels en pleine nature permettent aux jeunes patients de reprendre confiance en leur corps à travers diverses activités sportives et artisanales. C’est également l’occasion de vivre ensemble, hors de l’hôpital, et de faire preuve de solidarité : les plus grands aident les plus petits et ceux-ci encouragent les premiers.

Disposant d’une maison à Chamonix, À chacun son Everest(4) se consacre à l’après-maladie des jeunes patients. Centrée sur la métaphore de l’ascension en montagne, cette association nationale propose des séjours à la montagne permettant de se fortifier physiquement et mentalement, et de reconnaître l’importance du combat que vient de mener l’enfant contre la maladie. À Étincelles, Catherine Adler Tal souligne l’importance « de savoir tourner la page, mettre à distance la maladie, sortir de cet univers. Pour les malades qui vivent ce que j’appelle un “cancer blues”, mais aussi et peut-être de manière encore plus forte pour les bénévoles qui se sont engagés dans l’association après leur maladie. » Beaucoup d’associations ont été fondées par d’anciens malades, d’où l’adéquation de leurs projets aux besoins des patients. Un nombre important de bénévoles ont été concernés par la maladie directement ou via des proches. Leur engagement associatif est une manière de rendre ce qu’ils ont reçu, de la part des équipes soignantes ou d’associations d’aide.

S’engager dans ce milieu associatif représente aussi un moyen d’obtenir une reconnaissance. Certaines associations, comme Les Amazones s’exposent(5) ou Jeunes Solidarité Cancer(6) font entendre la voix des patients auprès des institutions, des professionnels de santé et de la société dans son ensemble.

La fédération Cheer Up(7), qui s’adresse aux adolescents et aux jeunes adultes, pousse encore plus loin. Pour elle, la réalisation d’un projet personnel, pendant la période de traitement, participe à la guérison. Ses bénévoles étudiants se rendent dans 25 hôpitaux en région parisienne et à Lille, Marseille, Bordeaux, Rouen, Reims, Lyon et Toulouse. Ils y retrouvent régulièrement des patients âgés de 15 à 30 ans auxquels ils proposent de réfléchir à un projet qui leur tient à cœur. L’association utilise ensuite son réseau pour aider à leur réalisation. La pratique de la musique revient régulièrement dans les envies formulées, tout comme une demande de moments forts - rencontre avec un sportif de haut niveau, baptême de l’air - mais aussi un engagement à plus long terme - fiançailles, création d’une association. Un patient a même réussi à mener à terme un master de sociologie sur le thème du bénévolat en milieu hospitalier.

Sites Web :

1- www.etincelle.asso.fr

2- www.vieetespoir.org

3- www.jurissante.fr

4- www.achacunsoneverest.com

5- www.lesamazones.fr

6- www.jeunessolidaritecancer.org

7- www.cheer-up.fr

Plan cancer 2014-2019

La mesure 25 (axe 5) préconise de « développer une prise en charge sociale personnalisée et accompagner l'après cancer ».

TÉMOIGNAGE

« On rit aussi des sujets graves »

JACKIE D.

PATIENTE

En fréquentant le local de l’association Étincelles, Jackie D. a trouvé une seconde maison. Un lieu de réconfort et de répit le long d’un parcours de soins éprouvant et au long court.

« Il y a quatre ans, j’ai eu un cancer du poumon. On a pu m’opérer. Puis j’ai suivi une chimiothérapie pendant un an et demi, par voie buccale. La maladie était stabilisée, mais lors du bilan suivant, j’avais deux nouveaux problèmes, au cerveau et au médiastin. Quand j’ai fait cette récidive, j’ai eu très peur : la chimio, les rayons, mais aussi le traitement pour le cerveau, tout cela en même temps, je me suis dit que je n’allais jamais tenir le coup. Je vis seule. J’ai des enfants, mais je ne voulais pas les accabler par la maladie.

Quand je venais faire les rayons dans un hôpital peu éloigné d’ici, je passais à l’association presque tous les mardis et jeudis. Cela me faisait un bien fou. Je pouvais arriver, boire un thé et… rigoler ! On peut même plaisanter des sujets graves, parce que tout le monde est un peu dans le même bateau. On peut arriver avec un gros cafard, partager de bonnes ou de mauvaises nouvelles. Pour moi, ce lieu est une porte ouverte, il est précieux. On apprend aussi des choses, quand des articles paraissent sur de nouveaux médicaments ou crèmes qui soulagent. C’est ici que j’ai su qu’il existait un vernis spécial pour protéger des UV, on ne m’en avait pas parlé à l’hôpital. Je peux aller voir ma doctoresse avec des informations que j’ai prises ici. »