Une pathologie à diagnostiquer au plus vite - L'Infirmière Magazine n° 415 du 01/05/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 415 du 01/05/2020

 

FORMATION

L’ESSENTIEL

MARIE FUKS  

De plus en plus fréquente, l’insuffisance cardiaque touche 2,3 % de la population générale. Bien codifiée, la stratégie thérapeutique repose sur l’introduction progressive de différentes familles de médicaments qui permettent d’améliorer la qualité de vie des patients et de ralentir la progression de la maladie.

1. INTRODUCTION

Le cœur : rappel anatomique et fonctionnel

Le cœur est un muscle de forme ellipsoïde composé de deux parties, constituées chacune d’une oreillette et d’un ventricule formant le cœur gauche et le cœur droit. Chaque minute, le cœur se contracte entre 60 et 100 fois selon les individus (voir encadré p.37). Le cœur gauche, plus volumineux que le cœur droit (deux tiers pour un tiers), assure la circulation systémique vers tous les organes. Son rôle est structurellement et fonctionnellement le plus important. Enrichi en oxygène (O2 ) dans les poumons, le sang pénètre dans l’oreillette puis le ventricule gauche, qui le propulse via l’aorte dans tout l’organisme pour alimenter les cellules en O2 et les débarrasser du dioxyde de carbone (CO2 ) qu’elles ont accumulé. Chargé en CO2, le sang revient vers le cœur et pénètre dans l’oreillette droite puis le ventricule droit, qui se contracte pour envoyer le sang vers les poumons où il se débarrasse du CO2 et se charge en O2. Ces deux mouvements sont concomitants.

Épidémiologie de l’insuffisance cardiaque

Selon l’Agence nationale de santé publique, 2,3 % de la population française, soit 1,5 million de personnes, seraient atteintes d’insuffisance cardiaque et jusqu’à 10 % chez les personnes âgées de 70 ans et plus (1). Si elle touche prioritairement les personnes âgées, cette pathologie concerne aussi l’enfant, l’adulte jeune et la femme enceinte.

Chaque année, ce sont 120 000 nouveaux cas qui sont diagnostiqués et 160 000 hospitalisations enregistrées (1). Cette maladie est de plus en plus fréquente en raison du vieillissement général de la population française, mais aussi parce que les maladies cardiovasculaires et respiratoires à l’origine de l’insuffisance cardiaque sont mieux traitées, ce qui favorise à distance la survenue de cette complication. La mortalité directement ou indirectement associée à une insuffisance cardiaque est estimée à 70 000 décès (1).

Définition et types physiopathologiques

L’insuffisance cardiaque est un état pathologique qui résulte de la diminution de la capacité du cœur, et en particulier du cœur gauche, à assurer un débit sanguin suffisant pour irriguer et alimenter en O2 l’ensemble des organes à l’effort et au repos.

D’une manière générale, elle touche prioritairement le ventricule gauche, puis secondairement le ventricule droit.

→ L’insuffisance cardiaque ventriculaire gauche (ICVG) peut prendre deux formes :

• L’ICVG à fraction d’éjection réduite ou insuffisance cardiaque systolique : la fonction principale du ventricule gauche (fonction ventriculaire) est de maintenir un volume d’éjection adapté aux besoins sanguins périphériques mesuré par la fraction d’éjection (2). Elle est directement liée à la contractilité du muscle cardiaque. « L’ICVG traduit une diminution de la fonction ventriculaire résultant de la perte de contractilité du ventricule gauche et de la baisse du volume de sang éjecté dans la circulation générale à chaque contraction, explique le Pr Luc Hittinger, cardiologue de la cellule de coordination de l’insuffisance cardiaque et des cardiomyopathies (CCICC) des hôpitaux universitaires Henri-mondor (AP-HP). Elle représente 60 % des insuffisances cardiaques gauches et est objectivée par la baisse de la fraction d’éjection ventriculaire (FEV) en dessous de 40 %. »

À noter : la FEV est considérée comme normale à partir de 50-55 %, légèrement anormale entre 45 et 50 %, anormale entre 30 et 44 %, et sévèrement anormale lorsqu’elle est inférieure à 30 %. Dans les insuffisances cardiaques très sévères, elle peut chuter à moins de 20 %.

• L’ICVG à fraction d’éjection préservée ou insuffisance cardiaque diastolique (40 % des cas) est caractérisée par une diminution du remplissage du ventricule gauche mais une FEV normale (préservée). Ce dernier peut expulser suffisamment de sang mais peine à se remplir après la contraction. La physiopathologie associe une rigidité relative des parois du ventricule gauche et du système artériel, et un ralentissement de la relaxation qui pénalise le remplissage (3).

L’insuffisance cardiaque diastolique concerne plus particulièrement les femmes, les patients hypertendus de longue date, les personnes âgées de plus de 80 ans ou les sujets qui présentent une fibrillation auriculaire (trouble de la contractilité de l’oreillette gauche) (4). « Cliniquement, indique le Pr Hittinger, l’ICVG, qu’elle soit à FEV réduite ou préservée, se présente de la même manière. C’est la mesure de la FEV par l’échocardiographie qui les différencie. »

• Remodelage ventriculaire : la base anatomique et histologique de l’insuffisance cardiaque. Les mécanismes qui président à la diminution de la capacité de contraction ou de remplissage du ventricule gauche sont liés au remodelage ventriculaire. Ce terme désigne un phénomène d’adaptation du muscle cardiaque qui va lui permettre, transitoirement, d’assurer sa fonction en compensant les dysfonctionnements engendrés par un certain nombre de maladies (voir encadré p.38) au premier rang desquelles figurent les cardiopathies ischémiques (infarctus du myocarde notamment) et l’hypertension artérielle. « Par exemple, commente le praticien, en cas d’hypertension artérielle ou de rétrécissement aortique, l’augmentation des pressions occasionnée au niveau du ventricule gauche et/ou de l’aorte, engendre une hypertrophie du muscle cardiaque pour maintenir les contraintes à un niveau adapté. De même, en présence d’un anévrisme secondaire à un infarctus du myocarde ou d’une cardiomyopathie dilatée à la suite de l’augmentation des pressions de remplissage, le ventricule gauche, afin de maintenir un débit sanguin capable d’apporter suffisamment d’OA aux organes, se dilate ce qui, comme l’hypertrophie, participe au remodelage ventriculaire. »

Ces deux formes de remodelage, concentrique (hypertrophie) et excentrique (dilatation), engendrent une modification de la géométrie du cœur (il grossit et prend une forme sphérique) qui, à distance (plusieurs années parfois), atteint ses limites et conduit à l’apparition progressive ou aiguë de l’ICVG.

→ L’insuffisance cardiaque ventriculaire droite (ICVD), en raison de l’interdépendance ventriculaire, est régulièrement consécutive à l’aggravation d’une ICVG. Elle peut aussi être secondaire à des maladies broncho-pulmonaires (BPCO, par exemple). Elle traduit l’incapacité du ventricule droit à assurer un débit cardiaque suffisant au niveau de la circulation pulmonaire pour maintenir une hémodynamique adaptée. Les formes d’insuffisance cardiaque qui affectent primitivement le ventricule droit sont beaucoup plus rares. Lorsqu’elles sont associées, l’ICVG et l’ICVD forment une insuffisance cardiaque « totale ».

Facteurs de risque

Les facteurs de risque d’insuffisance cardiaque sont ceux qui augmentent le risque des maladies cardiorespiratoires à l’origine de l’insuffisance cardiaque : l’âge (plus de 50 ans chez l’homme et plus de 60 ans chez la femme) ; les antécédents familiaux d’infarctus du myocarde, de mort subite ou d’AVC prématuré chez un parent du 1er degré ; l’excès de LDL cholestérol (> 1,60 g/l) ; le tabagisme ou son arrêt depuis moins de trois ans ; l’hypertension artérielle non stabilisée ; l’hyperthyroïdie non traitée ; l’obésité abdominale ; le diabète ; l’abus d’alcool ; la sédentarité associée et une alimentation déséquilibrée et trop salée. La prévention de l’insuffisance cardiaque repose donc, comme pour les maladies cardiovasculaires, sur la lutte contre tous ces facteurs de risque.

2. SYMPTOMATOLOGIE ET DIAGNOSTIC

Symptômes

Les symptômes de l’insuffisance cardiaque sont fonctionnels et peu spécifiques. Ils résultent de l’augmentation des pressions de remplissage. « Les symptômes de l’insuffisance cardiaque ventriculaire gauche sont avant tout pulmonaires, précise le Pr Hittinger. L’élévation de la pression dans l’oreillette gauche, et secondairement au niveau des capillaires pulmonaires, entraîne une hyperpression au niveau des capillaires et, secondairement dans les formes plus avancées, le passage d’une partie du plasma sanguin des vaisseaux vers les tissus environnants, ce qui conduit au maître symptôme de l’insuffisance cardiaque ventriculaire gauche qui est l’essoufflement (dyspnée à l’effort puis au repos, lorsque l’insuffisance cardiaque s’aggrave). Ce symptôme peut s’accompagner d’une toux sèche ou spumeuse. Dans une forme plus avancée, la surcharge liquidienne peut entraîner l’inondation des poumons et la survenue d’un œdème aigu du poumon. » Celui-ci est associé à une orthopnée (dyspnée de décubitus au repos allongé, améliorée en position assise ou debout) et s’accompagne d’une toux productive spumeuse. En aval du ventricule gauche, la diminution du débit cardiaque peut entraîner asthénie, insuffisance rénale, troubles des fonctions cognitives, hypotension, défaillance multiviscérale (5)… « Dans l’insuffisance cardiaque ventriculaire droite, poursuit le spécialiste, l’hyperpression veineuse en amont et l’augmentation des pressions dans l’oreillette et le ventricule droit vont se traduire par un retentissement sur les veines jugulaires (turgescence et reflux à la palpation du foie), une hépatomégalie et une rétention hydrosodée (congestion) au niveau des membres inférieurs, entraînant des œdèmes des membres inférieurs et une prise de poids rapide. » D’autres symptômes (palpitations cardiaques, soif) peuvent aussi être associés au tableau clinique.

À noter : chez les sujets âgés, il convient d’être attentif aux comorbidités (insuffisance rénale, insuffisance respiratoire, cancer), qui vont renforcer la symptomatologie de l’insuffisance cardiaque. De même, l’asthénie peut être plus importante chez les sujets âgés.

Diagnostic clinique

En présence d’un contexte évocateur d’insuffisance cardiaque prenant en compte les symptômes, les antécédents, les facteurs de risque et les comorbidités, le diagnostic doit être confirmé par un bilan paraclinique approfondi.

Bilan paraclinique

L’examen initial pour compléter la clinique est l’électrocardiogramme (ECG). Il révèle généralement des anomalies non spécifiques à l’insuffisance cardiaque mais plutôt révélatrices de la maladie causale (infarctus du myocarde, bloc de branche gauche en faveur d’une cardiomyopathie dilatée, arythmie complète par fibrillation auriculaire, aspect ECG de cœur droit, par exemple). En cas de suspicion d’insuffisance cardiaque, la confirmation diagnostique repose sur la réalisation d’une échocardiographie Doppler (ECD) et d’un dosage des peptides natriurétiques de type B (BNP ou NT-proBNP, fragment n-terminal du proBNP) recommandé par l’Association européenne de cardiologie depuis septembre 2001 (6).

→ L’ échocardiographie Doppler (ECD) est un examen clé pour confirmer le diagnostic d’insuffisance cardiaque et contrôler son évolution une fois le traitement instauré. non invasif, indolore et sans effets secondaires, il permet d’objectiver le remodelage cardiaque, la baisse de contractilité du cœur et de mesurer les pressions pulmonaires (l’hypertension artérielle pulmonaire est un facteur de moins bon pronostic). Il renseigne sur l’atteinte de la fonction ventriculaire au travers notamment de la fraction d’éjection réduite ou préservée du ventricule gauche. « Il permet, secondairement, de préciser le diagnostic étiologique lorsque la cause est une cardiopathie ischémique (altération régionale de la fonction cardiaque après un infarctus du myocarde, par exemple), une anomalie liée à l’hypertension artérielle (hypertrophie du muscle cardiaque), une anomalie valvulaire (insuffisance mitrale, rétrécissement aortique) ou encore une cardiomyopathie dilatée, ajoute le Pr Hittinger. Par ailleurs, l’ECD permet un dépistage de l’amylose (agglomération de dépôts de protéines insolubles (fibrilles) dans les tissus cardiaques), une forme particulièrement grave de l’insuffisance cardiaque. »

→ Le dosage des peptides natriurétiques, hormones secrétées par les cellules contractiles du muscle cardiaque (cardiomyocytes) au niveau des oreillettes notamment. En cas d’insuffisance cardiaque, leur concentration sanguine s’élève et permet de la confirmer dès lors qu’elles dépassent 100 ng/L pour le BNP et 300 ng/L pour le NT-proBNP (7). L’augmentation du taux de ces biomarqueurs est corrélée à la sévérité de l’insuffisance cardiaque et à la classe Nyha.

« C’est un très bon élément d’orientation en cas de doute diagnostique ou pour différencier, dans le cadre des urgences, une dyspnée sévère d’origine cardiaque ou pulmonaire, confirme le cardiologue. Par ailleurs, le taux de BNP ou de NT-proBNP constitue un critère de suivi thérapeutique intéressant car il permet de suivre l’évolution et de distinguer les “bons répondeurs” des “mauvais”. »

→ Examens complémentaires :

- biologique : NFS + dosage de la ferritine (anémie, déficit en fer), ionogramme (natrémie, kaliémie), CRP à la recherche d’une composante inflammatoire caractéristique d’une myocardite chez des sujets jeunes, troponine (révèle une activité ischémique en cas de cardiopathie avérée), bilan hépatique (il peut être altéré en cas d’insuffisance cardiaque ventriculaire droite ou d’insuffisance cardiaque liée à une consommation d’alcool excessive) ;

- radio du thorax pour vérifier la taille du cœur, le retentissement de l’insuffisance cardiaque sur les poumons (image floconneuse) et éliminer une maladie pulmonaire (cancer, bronchite) ;

- coronarographie (état des artères coronaires) ;

- cathétérisme cardiaque pour mesurer les pressions et le taux de saturation en O2 du sang ;

- test d’effort pour mesurer la capacité d’effort que le cœur peut accomplir au travers notamment de la consommation maximale d’oxygène (VO2 ).

3. ÉVOLUTION ET COMPLICATIONS

L’évolution de l’insuffisance cardiaque dépend de la maladie causale, des comorbidités associées et de la précocité du diagnostic et de la prise en charge. Lorsque la cause (alcoolisme, valvulopathie, par exemple) peut être traitée médicalement ou chirurgicalement, la fonction cardiaque peut s’améliorer et se stabiliser. toutefois, dans la plupart des cas, lorsqu’elle n’est pas prise en charge, l’insuffisance cardiaque s’aggrave progressivement à bas bruit entraînant, par manque d’oxygène, une altération du fonctionnement des poumons, des reins et du foie. L’œdème aigu du poumon (OAP) est la complication la plus fréquente et la première cause d’hospitalisation pour décompensation de l’insuffisance cardiaque. Il se manifeste par une dyspnée sévère. Elle peut aussi se compliquer d’un dérèglement du système électrique du cœur, responsable d’arythmies (fibrillation auriculaire, tachycardie ventriculaire) et de troubles du rythme ventriculaire graves (fibrillation ventriculaire) conduisant à la mort subite.

L’autre cause de mortalité est liée à l’aggravation inéluctable de l’insuffisance cardiaque, qui se traduit par une défaillance cardiaque et polyviscérale, et une atteinte majeure de l’état général chez des patients résistant à toute thérapeutique. Dans ces cas très sévères associés à un très bas débit cardiaque, l’insuffisance cardiaque peut s’accompagner de troubles des fonctions supérieures.

4. STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE

La stratégie thérapeutique vise à réduire voire faire disparaître les symptômes, ralentir la progression de l’insuffisance cardiaque, éviter les décompensations et les hospitalisations et améliorer la qualité de vie des patients.

Quatre approches

La stratégie thérapeutique repose sur un protocole personnalisé associant :

→ Le traitement de la maladie causale quand elle est identifiée (revascularisation par dilatation ou pontage artériel, traitement chirurgical d’une valve, réduction d’un trouble du rythme, traitement antihypertenseur…).

→ Le contrôle des facteurs de risque : sevrage tabagique, prise en charge de l’obésité, stabilisation de l’hypertension artérielle, contrôle du diabète et de l’hypercholestérolémie associé à l’amélioration de l’équilibre alimentaire et la reprise d’activité physique.

→ Le traitement des symptômes (essoufflement, fatigue, œdème). Il repose sur les diurétiques (furosémide, bumétanide, hydrochlorothiazide) qui, en stimulant la diurèse, permettent d’éliminer et de prévenir ensuite la rétention de sel et d’eau, de diminuer le volume sanguin, de baisser la tension artérielle et de soulager le travail du cœur. En limitant la congestion au niveau des membres inférieurs et des poumons, ils réduisent les symptômes et améliorent l’état général des patients (qui sont moins essoufflés, moins fatigués et plus tolérants à l’effort). Leur prescription nécessite une surveillance biologique du taux de potassium, voire une supplémentation en potassium, car ils favorisent l’élimination de ce sel minéral indispensable au bon fonctionnement du cœur.

Les diurétiques traitent les symptômes mais ne permettent ni de stabiliser ni d’améliorer la fonction cardiaque, et n’ont pas d’efficacité sur les réhospitalisations et la mortalité. Ils doivent donc être systématiquement associés à un traitement de fond anti-remodelage.

→ Le traitement anti-remodelage : le traitement de fond fait appel à différentes familles de médicaments prescrits de manière progressive jusqu’à obtention de la dose maximale efficace tolérée par le patient.

Traitement anti-remodelage : les familles de médicaments

Le traitement de fond repose en première intention sur les bêtabloquants et les inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone (IEC, ARA 2).

→ Les bêtabloquants (BB) agissent sur la fréquence cardiaque et ralentissent le travail du cœur, ce qui diminue ses besoins en O2. Ils empêchent aussi les accélérations trop importantes lors d’activité physique et aident le cœur à récupérer. « Ils sont prescrits lorsque l’insuffisance cardiaque n’est plus congestive, ce qui signifie que le patient est stabilisé et correctement “diurétiqué”, et que les IEC ou les ARA 2 ont déjà été introduits, précise le Pr Hittinger. En phase congestive, ils restent contre-indiqués car ils peuvent dégrader la contraction cardiaque. »

→ Les IEC sont utilisés pour bloquer l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone qui, tout d’abord bénéfique, s’avère, à distance, délétère pour les reins et favorise la rétention hydrosodée. Ils agissent sur la régulation du sel et de l’eau, et assouplissent et dilatent les artères et les vaisseaux pour favoriser l’éjection du sang et limiter le travail cardiaque. Il est important de s’assurer que ces traitements sont bien tolérés car ils font baisser la tension artérielle (risque d’hypotension orthostatique et chutes) et peuvent aggraver la fonction rénale. Pour cette raison, ils sont prescrits dans un premier temps à petite dose puis augmentés progressivement jusqu’à la dose maximale tolérée (titration) selon les recommandations des essais cliniques. Cette classe de médicament a montré de façon très convaincante son efficacité sur la diminution du nombre des réhospitalisations et de la mortalité. Cependant, sa tolérance n’est pas parfaite chez tous les patients. C’est la raison pour laquelle ont été développés les ARA 2 et les anti-aldostérones, en vue de remplacer ou de compléter les IEC.

→ Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2 (ARA 2) : similaire à celle des IEC, l’action des ARA 2 (sartans) est toutefois plus spécifique sur les récepteurs de l’angiotensine 2. Cette substance, naturellement présente dans l’organisme, engendre une hypertension (elle augmente la contraction des artères et la pression artérielle) et induit un remodelage des oreillettes et des ventricules qui, à terme, altère la contraction cardiaque. « Les ARA 2 n’ont pas véritablement de plus-value par rapport aux IEC mais sont globalement mieux tolérés, explique le Pr Hittinger. Ils remplacent les IEC lorsque ceux-ci entraînent des effets secondaires (toux chronique notamment) et peuvent être associés à un anti-aldostérone si les symptômes d’insuffisance cardiaque persistent. Les ARA 2 peuvent également être associés aux IEC pour bloquer complètement le système rénine-angiotensine-aldostérone lorsque les IEC sont à pleine dose et que le patient reste symptomatique (classe 2 ou 3 de Nyha). » En ce cas, les anti-aldostérones sont contreindiqués. une alternative est possible et consiste à prescrire un nouveau médicament : l’entresto.

→ Les anti-aldostérones, dont le chef de file est la spiro nolactone, peuvent être prescrits en plus d’un IEC ou d’un ARA 2, en association aux BB. Ils agissent sur l’aldostérone en bloquant le récepteur minéralocorticoïde ce qui a pour effet d’augmenter l’élimination du sel et de l’eau (action diurétique). Par ailleurs, lorsque le cœur se fatigue et que l’insuffisance cardiaque apparaît, les fibres musculaires cardiaques qui assurent la contraction sont remplacées et compactées par du collagène, qui rend le muscle plus rigide. Par leur action “anti-collagène”, les anti-aldostérones présentent l’intérêt de limiter la fibrose du muscle cardiaque.

À noter : ces médicaments sont des “épargneurs de potassium” et sont pourvoyeurs d’hyperkaliémie, ce qui en contre-indique la prescription en cas d’insuffisance rénale importante (8).

→ L’entresto : ce nouveau traitement peut être prescrit chez les patients non répondeurs à des doses élevées d’IEC (classe fonctionnelle nyha 3 ou 2 fort). Particulièrement efficace dans l’insuffisance cardiaque symptomatique à FEV réduite, il associe deux substances d’action complémentaire : le valsartan (famille des ARA 2) et le sacubitril (premier représentant de la nouvelle classe des inhibiteurs de la néprilysine).

L’ARA 2 agit en limitant les effets des systèmes vasoconstricteurs (angiotensine 2) tandis que le sacubitril agit sur le tonus et la dilatation des vaisseaux sanguins, l’équilibre de la fonction cardiaque, l’élimination du sodium par les reins et la sécrétion de peptides vasodilateurs comme le BNP (9). toutefois, sa prescription doit être encadrée en raison des effets secondaires (hypotension, hyperkaliémie, insuffisance rénale) qui peuvent être associés à son administration.

→ Les inhibiteurs du canal If ont pour effet de ralentir la fréquence cardiaque en agissant directement sur le canal pacemaker (If) sans passer par la sécrétion des catécholamines (effet de BB). Ils sont prescrits en deuxième intention chez les patients demeurant symptomatiques malgré un traitement bien conduit et dont la fréquence cardiaque au repos est supérieure à 70 battements par minute.

→ Digoxine : ce traitement initial de l’insuffisance cardiaque, associé aux diurétiques, est actuellement supplantée par les nouvelles générations de médicaments. Ses indications se limitent au patient insuffisant cardiaque en arythmie complète par fibrillation auriculaire symptomatique (classe fonctionnelle Nyha 3). Sa prescription doit faire l’objet d’un dosage sanguin. Les patients en insuffisance cardiaque avec insuffisance rénale sont à risque de surdosage du fait de son élimination rénale et doivent être surveillés.

Les thérapies d’assistance

malgré un arsenal thérapeutique très complet, l’insuffisance cardiaque résiste parfois, ce qui impose d’envisager des alternatives non médicamenteuses comprenant des dispositifs électriques (défibrillateur automatique, resynchronisation cardiaque par pacemaker multisite) et, en dernier recours, la chirurgie (greffe cardiaque, cœur artificiel).

→ Défibrillateur automatique implantable (DAI) : la pose d’un DAI a pour but d’éviter la mort subite lorsque le patient présente une FEV inférieure à 35 % malgré un traitement bien conduit. « Parfois, lorsque les patients sont hospitalisés pour un épisode d’insuffisance cardiaque aiguë avec une FEV entre 25 et 30 %, il est difficile d’emblée d’opter pour cette solution thérapeutique sans avoir au préalable tenté d’améliorer la fonction cardiaque avec les médicaments adéquats, commente le Pr Hittinger. Dans ce cas, on équipe le patient d’une LifeVest associée à un système de défibrillation le temps de mettre en place le traitement. À distance, si la mesure reste inférieure à 35 %, on pose un DAI ; si elle est supérieure on poursuit le traitement. » un DAI peut également être proposé, quelle que soit la FEV, aux patients ayant des troubles du rythme avérés (tachycardie ventriculaire par exemple), ou ayant déjà fait un arrêt cardiaque. Lorsque l’indication d’un DAI est posée, il est intéressant de vérifier qu’il n’y a pas une désynchronisation du cœur afin d’envisager, si tel est le cas, de coupler le défibrillateur à un pacemaker.

→ Resynchronisation cardiaque par « pacemaker » : la resynchronisation de la conduction électrique entre les parois du cœur permet d’optimiser l’éjection du sang vers les organes. Elle est obtenue par la pose d’un pacemaker multisite raccordé par des sondes à l’oreillette droite, au ventricule droit et au ventricule gauche, de telle sorte que le flux électrique contracte simultanément toutes les parois du cœur. En agissant sur le remodelage du ventricule gauche, ce dispositif permet de diminuer les symptômes, les réhospitalisations et la mortalité et d’améliorer la qualité de vie des insuffisants cardiaques (10). toutefois, seuls 50 à 60 % des patients répondent à ce traitement et sont stabilisés. Pour les plus graves n’ayant pas amélioré leurs symptômes et leur FEV, la chirurgie constitue l’alternative thérapeutique ultime.

→ Chirurgie : elle consiste à remplacer le cœur soit par transplantation (en moyenne treize ans de survie) soit par cœur artificiel en alternative à la greffe chez les patients non éligibles à cette intervention ou en attente de greffon. Il existe deux types de cœur artificiel : ceux qui n’assistent que les parties gauches du cœur chez les patients dont le cœur droit fonctionne correctement et ceux qui suppléent les deux ventricules. Dans ce cas, le plus fréquent, le cœur artificiel peut être implanté temporairement chez les patients en attente de greffon (cœur Syncardia) ou définitivement dans le cadre d’une expérimentation (cœur Carmat).

→ Les mesures d’hygiène de vie : l’efficacité du protocole thérapeutique est directement corrélée à l’observance rigoureuse des médicaments et des règles hygiéno-diététiques car elle contribue à prévenir la rétention hydrosodée, à réduire les symptômes et à améliorer la qualité de vie en limitant les épisodes de décompensation. Elle repose sur l’éducation thérapeutique, la continuité des soins et la surveillance rapprochée des patients, aujourd’hui renforcées dans le cadre des dispositifs d’accompagnement ambulatoire coordonnés par les infirmières.

1- Source : bit.ly/3dXkznd

2- J. magne, L.A. Piérard, « Qu’est-ce qu’une fraction d’éjection normale ? », La Lettre du cardiologue, risque cardiovasculaire, n°436, juin 2010. À voir sur : bit.ly/3btzzvB

3- Source : bit.ly/3btemvs

4- Source : bit.ly/3e32way

5- Source : bit.ly/3bSJLOD

6- C. Oddoze, « Insuffisance cardiaque et peptides natriurétiques », Spectra biologie, n° 148, nov. 2005. À lire sur : bit.ly/3bwBsBs

7- Source : bit.ly/39mmEun

8- Source : bit.ly/3c75BOH

9- Source : bit.ly/2Xkykry

10- Source : bit.ly/2x76EiC

À SAVOIR

Fréquence cardiaque

→ La fréquence cardiaque moyenne varie d’un individu à l’autre en fonction du sexe (elle est légèrement plus élevée chez les femmes), de l’âge (elle est beaucoup plus rapide chez l’enfant et atteint entre 120 et 160 battements par minute chez le nourrisson), de la forme physique (chez le sportif régulier, la fréquence cardiaque moyenne peut descendre jusqu’à 40 battements par minute), de la corpulence, de la présence d’une pathologie, des émotions, ou encore de la prise de médicaments. La pratique d’une activité physique augmente la fréquence cardiaque et ce, d’autant plus que l’effort est soutenu, afin d’alimenter suffisamment les organes et les muscles en oxygène et en éléments nutritifs.

→ Toutefois, la fréquence cardiaque ne peut pas dépasser un seuil maximal (FCM), qui peut être estimé par le calcul suivant : FCM de la femme : 226 - âge, soit 196 pour une femme de 30 ans ; FCM de l’homme : 220 - âge, soit 190 pour un homme de 30 ans.

ÉTUDIANTS EN IFSI

Les UE en lien avec le dossier

Références d’unités d’enseignement et extraits :

→ UE 2.3.S2 : « Santé, maladie, handicap, accidents de la vie » : les notions de maladie chronique et ses spécificités (compétence 1) ;

→ UE 2.7.S4 : « Défaillances organiques et processus dégénératifs » : mécanisme physiopathologique de la dégénérescence d’un organe ; décrire les signes, risques, complications et thérapeutiques des pathologies étudiées (insuffisance cardiaque) (compétence 4)  ;

→ UE 2.8.S3 : « Processus obstructifs » : physiologie de l’appareil cardiovasculaire, infarctus du myocarde (compétence 4) ;

→ UE 2.11.S5 : « Pharmacologie et thérapeutiques » : les éléments de la prescription médicale et infirmière (compétence 4) ;

→ UE 3.2.S2 : « Projet de soins infirmiers » : interventions autonomes de l’IDE dans le projet de soins et suivi (compétence 2) ;

→ UE 3.3.S5 : « Rôles infirmiers, organisation du travail et interprofessionalité » : notion de suivi des soins dans des contextes de pluri-professionnalité (compétence 9) ;

→ UE 4.2.S3 : « Soins relationnels » : les entretiens infirmiers, l’alliance thérapeutique… (compétence 6) ;

→ UE 4.6.S3 : « Soins éducatifs et préventifs » : Soins infirmiers de prévention, d’éducation, l’éducation thérapeutique individuelle et collective (compétence 5) ; UE 4.6.S4.