IDE ESPAGNOLES : MÊME COMBAT ! - L'Infirmière Magazine n° 415 du 01/05/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 415 du 01/05/2020

 

ESPAGNE

ACTUALITÉS

AILLEURS

FRANCIS MATEO  

Les infirmières ont dû faire preuve d’une grande capacité d’adaptation en Espagne, en constituant souvent des équipes inédites pluridisciplinaires. Grâce à leurs efforts, la saturation des unités de soins intensifs a été évitée.

La première semaine du mois d’avril a été particulièrement éprouvante pour les infirmières espagnoles, comme pour l’ensemble du personnel soignant. « À ce moment-là, nous avons vraiment eu peur d’être dépassées par le nombre de patients dans les unités de soins intensifs », confirme Laura Chiesa, infirmière à l’Hospital del Mar de Barcelone.

Depuis, le nombre de décès liés au Covid-19 a dé passé le seuil des 18 000 personnes en Espagne, mais le solde des malades en soins intensifs a commencé à refluer progressivement, sans que le niveau de saturation ait été atteint. Dans ce contexte de crise aiguë, il a fallu en outre compenser la défection de 31 788 infirmières et médecins en arrêt maladie, parce que contaminés, et intégrer en urgence des IDE à peine sorties des écoles. Tous les professionnels disponibles étaient les bienvenus.

C’est ainsi que Martine Guéguen a immédiatement été recrutée à l’Hospital de Sant Pau de Barcelone. L’infirmière anesthésiste française, qui travaille habituellement à temps partiel à l’hôpital parisien des Quinze-Vingts, s’est retrouvée confinée dans la capitale catalane où elle habite avec sa famille. « Comme je ne voulais pas rester les bras croisés, je me suis présentée pour offrir mes services et j’ai été immédiatement prise pour des journées de douze heures », rapporte-t-elle.

Manque d’équipements

Dans cet hôpital de 600 lits, pourtant l’une des structures habituellement les mieux dotées en Catalogne, il était tout aussi difficile de trouver des équipements individuels de protection (EPI), explique l’infirmière Natalia Bartoli. « Nous avons commencé à travailler avec de simples masques chirurgicaux avant de recevoir des EPI plus adaptés. Aujourd’hui, nous utilisons enfin des blouses intégrales imperméables à manches longues, des masques FFP2 et des gants à usage unique. » Pour les opérations de test et prélèvements des sécrétions nasopharyngées, les infirmières se protègent aussi le visage avec des écrans en plastique. Le manque d’EPI pour les infirmières - et le personnel soignant en général - a été l’un des graves problèmes au début de cette crise sanitaire, et même encore aujourd’hui dans certains établissements de soins.

Vers un nouveau modèle ?

Mais aucun équipement ne protège contre le stress et les émotions. Ivanna l’a appris à ses dépens dans l’unité de soins intensifs de l’hôpital Gregorio-Marañón, à Madrid. « Il m’est arrivé de retirer l’assistance respiratoire à une patiente âgée pour la mettre sous sédatif parce qu’un malade plus jeune avait besoin du respirateur… C’est très dur de vivre ça. » Pour soutenir les infirmières, tous les hôpitaux ont mis en place des cellules de soutien psychologique, « mais nous sommes dans l’action et il est trop tôt pour libérer notre stress, commente Natalia Bartoli. Cela nous retombera dessus quand nous pourrons enfin nous relâcher un peu. »

S’il faut chercher une lueur dans cette épreuve, l’espoir réside surtout dans la capacité de résistance et d’union entre les professionnels. « Nous avions souvent parlé de la nécessité de travailler en équipes pluridisciplinaires sans vraiment le mettre en pratique. Eh bien, cette fois, nous l’avons fait », note Maria Ferrer-Dalmau, qui travaille au service chirurgie de l’Hospital de Sant Pau. L’infirmière espère également une remise en cause de la « gestion comptable » des hôpitaux : « Depuis deux ans, nous avons le sentiment d’être passées d’un statut d’infirmières soignantes à celui d’infirmières productives ! » Le constat vaut particulièrement pour la Catalogne et Madrid, les deux régions qui ont été les plus touchées par l’épidémie de Covid-19.

REPÈRES

Les chiffres et les mesures

Le gouvernement espagnol a décrété « l’état d’alarme » le 13 mars 2020, alors que le pays comptait 120 morts pour 4231 cas déclarés. Puis, du 30 mars au 9 avril, l’obligation de confinement total et la paralysie de toute activité non essentielle. La mesure a été prolongée jusqu’au 26 avril (certaines activités « non essentielles » ont toutefois repris), puis jusqu’au 9 mai. Officiellement, on recense 204 000 cas de Covid-19 diagnostiqués et 21282 morts. 82 518 patients ont guéri. Selon un sondage réalisé mi-avril par l’Ordre des infirmiers espagnols (7500 professionnelles interrogées), 7,9 % des infirmières, soit 19 750, seraient en arrêt maladie en raison du Covid-19, 70 000 IDE auraient présenté des symptômes évocateurs du Covid-19 (chiffres au 21 avril).