L’EMPRISE DES « DÉRAPEUTES » - L'Infirmière Magazine n° 322 du 01/05/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 322 du 01/05/2013

 

DÉRIVES SECTAIRES

ACTUALITÉ

Un rapport du Sénat, rendu le 11 avril, formule 41 recommandations pour lutter contre les dangers des pratiques thérapeutiques non conventionnelles. Il préconise de mieux les encadrer à l’hôpital.

Aurathérapie, décodage biologique, thérapie crânio-sacrée… Pas moins de 400 pratiques thérapeutiques non conventionnelles ont été identifiées. Leur emprise et les dérives dont elles sont responsables ont conduit à la mise en place, au Sénat, d’une commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans la santé. Résultat : un rapport de plus de 300 pages, fruit de 72 auditions. La vulnérabilité des malades en fait des proies de choix pour les « gourous thérapeutes ». Ce qui n’est, au départ, que de la « charlatanerie », nourrie par des promesses de guérison, peut mettre en danger la santé des victimes quand elle s’accompagne d’une privation de soins, de nourriture ou de sommeil.

Autoguérison

Le rapport évoque le cas du célèbre Steve Jobs, décédé en 2011, tombé « sous la coupe d’un naturopathe qui traite son cancer dans une clinique californienne à grand renfort de légumes et de jus de fruits ». Ce n’est qu’un an après, alors que son cancer s’est aggravé, que le fondateur d’Apple se fait opérer. La méthode Hamer repose, quant à elle, sur la capacité d’autoguérison du malade. À condition que les traitements traditionnels n’interfèrent pas dans ce processus. La remise en cause de la médecine classique, alimentée par les crises sanitaires, est un point commun entre les mouvements à caractère sectaire et les pratiques non conventionnelles. Si les Témoins de Jehovah refusent la transfusion sanguine, la Coordination des associations et des particuliers pour la liberté de conscience se distingue par son refus de la vaccination. Autres similitudes : « Les exigences financières importantes » – une consultation de biochirurgie immatérielle(1) coûte 600 euros – et une « forme d’emprise exercée par le soignant ». Si certaines pratiques non conventionnelles exercées par des professionnels de santé diplômés, comme l’hypnose ou le toucher-massage, sont sans danger, leur développement anarchique au sein même de l’hôpital est pointé par le rapport. Le risque, pour le patient, est de poursuivre le traitement à l’extérieur et de tomber sous la coupe d’un « dérapeute ».

Déshumanisation

La commission d’enquête recommande de constituer, à l’hôpital, des groupes de détection des victimes de dérives sectaires, de mettre en place une accréditation par la HAS des praticiens y exerçant des thérapies non conventionnelles et de subordonner leur introduction à un avis favorable de la CME(2). Les ordres compétents seront chargés de leur suivi. Ces derniers sont les mieux placés pour contrôler l’exercice de la profession. Car de nombreux adeptes des médecines complémentaires ne disposent d’aucune formation médicale, ni paramédicale. Le rapport insiste sur la nécessité de mieux encadrer les organismes de formation, « qui déversent chaque année sur le marché du soin des milliers de nouveaux praticiens, parfois formés en quelques dizaines d’heures ». Constatant que la toile est un formidable « outil de promotion »(3), les sénateurs recommandent de renforcer la sécurité des internautes en développant les messages d’alerte. Ils préconisent, enfin, de mieux « intégrer la prise en compte du bien-être du patient aux protocoles de soins » et d’accompagner les personnes atteintes de cancer dès l’annonce du diagnostic. « La confiance accordée à un thérapeute déviant a souvent pour cause un échec ou une défaillance de la médecine classique ou de l’hôpital dans ses relations avec le patient. »

1 – Les patients sont opérés à mains nues… et sans incision.

2 – Commission médicale d’établissement.

3 – Les sites d’infirmières naturopathes ou pratiquant le Reiki sont légion.