L’arthrose - L'Infirmière Magazine n° 295 du 15/02/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 295 du 15/02/2012

 

FORMATION CONTINUE

POINT SUR

L’arthrose est une maladie rhumatismale très fréquente résultant d’une dégradation progressive du cartilage articulaire conjuguée à un phénomène inflammatoire local. Son traitement repose sur la prescription de médicaments symptomatiques et/ou anti-arthrosiques ainsi que sur des interventions non pharmacologiques (physiothérapie, chirurgie…).

1. LA PHYSIOPATHOLOGIE

→ La mobilité articulaire est assurée par l’intégrité des propriétés du cartilage entourant les têtes osseuses. Ce tissu conjonctif, ni innervé ni irrigué, conditionne la mobilité des os, qui glissent sur sa surface, et, par son hydratation, l’amortissement des forces transmises d’un os à l’autre.

→ Le cartilage est formé de couches de fibres de collagène et de protéines spécifiques (protéoglycanes) sur lesquelles sont fixées des molécules variées (kératane, chondroïtine, acide hyaluronique). Il est colonisé par une seule population cellulaire : les chondrocytes.

→ L’arthrose altère les propriétés mécaniques du cartilage, par rupture progressive des fibres de collagène. Peu à peu, il se fissure et son épaisseur s’amoindrit alors que l’os sous-cartilagineux s’épaissit. La synthèse des protéoglycanes et du collagène est réduite. Les chondrocytes, par réaction, libèrent des composés pro-inflammatoires.

→ La maladie résulte de l’intrication de divers facteurs : mécaniques (surpoids), biochimiques et génétiques (la rhizarthrose peut être héréditaire). Certaines circonstances favorisent ou précipitent sa survenue : anomalies morphologiques articulaires, infections, troubles métaboliques, endocriniens, neurologiques, traumatismes aigus (fractures), surmenage d’une articulation ou d’un groupe articulaire par activité professionnelle (exemple : l’arthrose liée à un usage prolongé d’engins vibrants, considérée comme une maladie professionnelle) ou de loisirs (sport, bricolage). L’arthrose se localise essentiellement aux articulations trop sollicitées : cou (cervicalgies chroniques ou aiguës, avec vertiges ou céphalées), dos (lombarthrose favorisée par des atteintes morphologiques de la colonne vertébrale, donnant lieu à des lombalgies, des sciatiques, des cruralgies, un lumbago), hanche (coxarthrose invalidante, avec douleurs à distance de l’articulation), genou (gonarthrose souvent bilatérale avec douleur volontiers localisée dans le creux poplité), main (rhizarthrose pour le pouce).

2. LES SIGNES CLINIQUES

→ Longtemps discrets, les signes cliniques d’arthrose sont de survenue progressive. Ils ne concernent que quelques articulations au début : la maladie, à ce stade, est découverte à la faveur d’un examen radiologique.

→ La clinique est dominée par des douleurs aggravées par une mobilisation intensive de l’articulation et réduites ou abolies au repos (30 % des patients se plaignent de douleurs nocturnes). Elles varient selon la localisation de la détérioration articulaire, l’âge et le climat (symptômes plus aigus si chute de pression atmosphérique et augmentation de l’hygrométrie). Sont aussi décrits un gonflement, une limitation du jeu articulaire, des « craquements ». Une raideur peut suivre l’inactivité.

→ La mobilité des articulations diminue au fur et à mesure que la maladie progresse ; la composante douloureuse s’intensifie et une sensation de frottement apparaît. Les ligaments deviennent plus lâches, l’instabilité articulaire augmente, des déformations surviennent.

→ Le diagnostic est généralement aisé. La douleur est appréciée par l’interrogatoire. La clinique permet de repérer les articulations atteintes. Une radiologie complète l’examen. La vitesse de sédimentation est normale ; l’analyse du liquide de ponction articulaire montre un liquide non ou peu inflammatoire, stérile.

3. LE TRAITEMENT

→ Les antalgiques. Les antalgiques de niveau I (paracétamol en première intention, 3-4 g/j) sont prescrits dans les douleurs faibles à modérées. Les opioïdes de palier II, plus puissants, potentialisent l’action du paracétamol mais sont délicats à prescrire sur un terrain fragilisé.

→ Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Ils sont très efficaces dans l’arthrose débutante ou moyennement évoluée, mais leur prescription, notamment sur des périodes prolongées, expose à des effets indésirables parfois sévères (ulcérations gastro-intestinales, hémorragies). Certains AINS ont des indications explicites pour l’arthrose : étoricoxib (Arcoxia), piroxicam (Brexin, Feldène, Geldène…). Les AINS sont contre-indiqués en cas d’antécédents d’ulcère gastro-duodénal, d’insuffisance cardiaque, hépatique et/ou rénale.

→ Les glucocorticoïdes. Ces anti-inflammatoires puissants sont utilisés en infiltration articulaire, dans les poussées arthrosiques aiguës. Leur administration à long terme peut exposer à des effets indésirables sévères (infection articulaire, hypocoagulabilité). La société française de rhumatologie recommande certaines précautions : vérifier s’il existe une incompatibilité avec un médicament anticoagulant ou antiagrégant ; signaler si le patient est diabétique, hypertendu, porteur d’une maladie cardio-vasculaire, a eu récemment une maladie infectieuse, un problème cutané.

→ Les anti-arthrosiques symptomatiques d’action lente (AASAL). Ces médicaments n’agissent pas comme des anti-inflammatoires, mais permettent d’en diminuer la posologie et donc de limiter l’incidence des effets indésirables. D’une efficacité modérée, ils bénéficient d’une bonne tolérance :

– le sulfate de chondroïtine (Chondrosulf, Structum 500) participe à la structure de la matrice cartilagineuse. Ce médicament, indiqué en traitement d’appoint des douleurs arthrosiques de la hanche et du genou, ralentit la dégradation du cartilage et stimule la synthèse des protéoglycanes ;

– la glucosamine (Dolenio, Flexea, Osaflexan, Structoflex, Voltaflex) est destinée à soulager les symptômes de l’arthrose légère à modérée du genou.

– la diacéréine (Art 50, Zondar) est un anti-inflammatoire d’activité modérée. Son action est d’instauration lente (un à deux mois). Sa prescription est limitée à l’arthrose de la hanche et du genou ;

– l’insaponifiable de soja et d’avocat (Piascledine 300), indiqué dans l’arthrose de la hanche et du genou, limiterait les agressions par les radicaux libres et les substances oxydantes.

→ Les agents de visco-supplémentation. Le hyaluronate de sodium (Hyalgan), injecté par voie intra-articulaire (1 infiltration/sem sur 5 semaines), est réservé au traitement symptomatique de l’arthrose du genou douloureuse avec épanchement. Actif après deux à trois mois, il inhibe l’action des médiateurs pro-inflammatoires et augmente la production d’acide hyaluronique endogène.

ÉPIDÉMIOLOGIE

→ La maladie s’installe tôt dans l’existence (20-30 ans), et demeure longtemps infra-clinique.

→ Les symptômes se banalisent chez le sujet > 75 ans : ils concernent alors près de 80 % des individus.

→ Elle affecte davantage les femmes.

Plus de la moitié des patients arthrosiques sont handicapés par leur maladie. 55 % d’entre eux ont besoin d’une aide quotidienne.

Prise en charge non médicamenteuse

→ La rééducation est initiée avant que le handicap fonctionnel ne soit installé. Il importe de maintenir une bonne forme physique. Des périodes de repos sont ménagées pour que le cartilage sollicité se réhydrate. Le patient évitera les sièges trop profonds ou trop mous et privilégiera le repos sur un matelas ferme, les chaises rigides aux fauteuils… La société française de rhumatologie recommande certains exercices pour l’arthrose du genou (fiche à télécharger sur son site : wwww.rhumatologie.asso.fr).

→ L’intérêt des compléments alimentaires n’est pas démontré dans l’arthrose. En revanche, la physiothérapie (massages et kinésithérapie, cryothérapie, hydrothérapie, mésothérapie…) aide à calmer la douleur.

→ L’arthroplastie (pose de prothèse articulaire) est envisagée quand le handicap devient sévère. Les interventions concernent en majorité la hanche et le genou, avec pose, respectivement, d’environ 50 000 et 20 000 prothèses/an en France. L’arthrodèse consiste à fusionner de petites articulations pour supprimer les douleurs au mouvement tout en conservant la possibilité d’un mouvement global.