Surdosage en vitamine D - L'Infirmière Magazine n° 295 du 15/02/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 295 du 15/02/2012

 

FORMATION CONTINUE

IATROGÉNIE AU QUOTIDIEN

1. DESCRIPTION DU CAS

Mme P., âgée de 84 ans, n’a pas d’antécédents particuliers. Son traitement usuel ne comporte qu’un hypocholestérolémiant (atorvastatine). Après avoir ressenti des vertiges, la patiente a fait une chute sans traumatisme crânien ni perte de conscience. Cette chute a entraîné une fracture fermée de l’extrémité supérieure de l’humérus nécessitant la pose d’une prothèse humérale inversée. Un bilan biologique réalisé durant la période de rééducation de la patiente fait apparaître une légère carence en vitamine D (concentration sanguine à 69 nmol/l, pour une valeur souhaitée entre 75 et 200). Le prescripteur prescrit de l’Uvedose. L’ordonnance comporte : Uvedose, une ampoule par jour durant un mois, puis une ampoule tous les trois mois.

Dix-neuf jours plus tard, un autre prescripteur constate l’erreur et stoppe la prescription. L’examen de la pancarte montre que ce médicament a été tracé comme administré sur toute la période considérée.

Des analyses biologiques sont effectuées pour mesurer l’importance du surdosage et les conséquences possibles. La concentration en 25-hydroxyvitamine D est mesurée à 242 nmol/l sept jours après l’arrêt du traitement, puis redescendra à 210 nmol/l à J23 après le surdosage. Les concentrations de calcium sanguin sont restées normales et stables (2,39 mmol/l avant le début du traitement par Uvedose et 2,36 mmol/l onze jours après l’arrêt).

Aucun signe clinique lié au surdosage n’a été observé. Une surveillance prolongée de la fonction rénale sera programmée.

QUE S’EST-IL PASSÉ ?

Le prescripteur a mal renseigné le rythme d’administration de l’Uvedose, en prescrivant une administration tous les jours au lieu de tous les 14 jours (erreur de sélection de la périodicité dans le logiciel de prescription). Cette erreur ne sera détectée que 19 jours plus tard par un autre prescripteur.

Dans l’intervalle, le médicament sera administré à plusieurs reprises par les infirmiers, sans qu’il soit possible de savoir exactement combien de doses ont été réellement administrées : en effet, plusieurs IDE ont validé informatiquement des administrations, sans qu’elles ne soient effectivement réalisées.

Finalement, à l’erreur de prescription initiale s’ajoute un défaut majeur de traçabilité des administrations.

2. LA VITAMINE D EXOGÈNE : RAPPELS

La vitamine D favorise la minéralisation par des actions directes sur l’os en formation et a des actions indirectes impliquant l’intestin (augmente la capacité à absorber le calcium et les phosphates), les parathyroïdes et l’os déjà minéralisé. Le rôle de la vitamine D dans le métabolisme osseux n’est plus à démontrer mais, récemment, la responsabilité des carences en vitamine D a été discutée dans le développement d’autres pathologies (cancers, maladies inflammatoires, infections virales, développement fœtal anormal). La prévalence de l’insuffisance en vitamine D est de 78 % des femmes de 50 ans, 50 à 60 % des femmes ostéoporotiques et 97 % des patients hospitalisés pour fractures ostéoporotiques.

Traitement des carences

En cas de carence en vitamine D, l’alimentation ne peut pas être suffisante. L’exposition modérée au soleil est un excellent moyen car les UV participent à la synthèse de la vitamine D au niveau de la peau, mais dans le cas de carence importante ou récurrente, il est nécessaire d’apporter de la vitamine D exogène. Celle-ci est disponible sous forme de vitamine D3 (colécalciférol : Uvedose, Zymad, Adrigyl, vitamine D3 BON injectable), de vitamine D2 (ergocalciférol : Sterogyl, Uvesterol), ou d’un dérivé de la vitamine D3, le calcifédiol (Dedrogyl). La vitamine D3 est jugée trois à quatre fois plus efficace que les autres composants de cette classe pharmacologique.

Indications

La vitamine D3 exogène est utilisée pour les traitements et/ou la prophylaxie des carences en vitamine D. Les indications supplémentaires du calcifédiol sont le rachitisme carentiel et l’ostéomalacie, la prévention des troubles calciques liés à la corticothérapie ou aux anticonvulsivants.

Posologie

→ Pour un traitement préventif, la posologie de vitamine D3 est de 400 000 UI/an chez l’adulte, divisée en deux à six administrations selon la spécialité.

→ Pour les traitements curatifs, les posologies d’Uvedose (100 000 UI) recommandées sont de une à deux ampoules par mois pendant deux mois puis une ampoule par mois jusqu’à normalisation. Les posologies de Zymad (200 000 UI) sont de une ampoule renouvelable une ou deux fois sur six mois, puis poursuite de la prophylaxie habituelle pour prévenir les rechutes, sans dépasser une dose totale de 600 000 UI/an. Les posologies de la vitamine D2 sont 800 à 2 000 UI/jour.

→ De très nombreuses spécialités associant calcium et vitamine D (Cacit vit D3, Orocal vit D3…) sont utilisées dans le traitement de la carence vitaminocalcique et dans le traitement de l’ostéoporose. La posologie est de l’ordre de 1 à 3 unités par jour selon l’importance de la carence.

Effets indésirables

Très peu d’effets indésirables sont décrits à dose thérapeutique. Seules des réactions d’intolérance telles que des érythèmes, des éruptions cutanées et du prurit sont observées. Pour l’Uvesterol, il a été décrit de rares cas de malaise vagal chez des nourrissons, probablement liés à des fausses routes.

En revanche, lors d’une hypervitaminose D, des signes plus importants, liés à une hypercalcémie secondaire, sont possibles comme amaigrissement, anorexie, asthénie, calcification, céphalées, troubles digestifs (constipation, nausées et vomissements), hypertension artérielle, atteintes rénales (insuffisance rénale aiguë, lithiase rénale, néphrocalcinose), polydypsie, polyurie, retard staturo-pondéral, troubles hydro-électrolytiques (déshydratation, hypercalciurie, hyperphosphatémie, hyperphosphaturie).

Interactions médicamenteuses

Aucune interaction médicamenteuse majeure n’est actuellement décrite. Cependant, pour éviter tout surdosage, il convient de tenir compte des doses totales de vitamine D en cas d’association avec un traitement contenant déjà cette vitamine.

Administration non quotidienne

Si une grande majorité des médicaments usuels ont un rythme d’administration journalier, il est important de garder à l’esprit la possibilité de rythmes différents, afin d’éviter de graves erreurs. Ainsi, de nombreux cas d’administration quotidienne de méthotrexate (au lieu d’une administration hebdomadaires) ont été signalés, avec des conséquences parfois mortelles. Deux situations peuvent être distinguées : certains traitements nécessitent l’administration d’une dose de charge, qui pourra être suivie d’une dose d’entretien. D’autres ont un rythme usuel d’administration hebdomadaire, mensuel, bimensuel, voire même annuel (voir tableau ci-dessus).

3. EN PRATIQUE

→ La prescription informatisée est un outil important d’amélioration de la qualité, de la sécurité et de l’efficience des soins apportés au patient. Cependant, comme dans le cas présenté ici, elle peut faciliter la survenue de certaines erreurs médicamenteuses (erreurs qui n’auraient pas eu lieu avec une prescription manuscrite). Selon les études publiées, les erreurs imputables à l’informatique représentent entre 9 et 49 % des erreurs de prescription. La formation exhaustive du personnel soignant et l’amélioration de l’ergonomie des logiciels de prescription permettent de diminuer ce risque d’erreur.

→ La traçabilité de l’administration des médicaments par les IDE, qu’elle soit informatique ou manuscrite, est une étape chronophage mais importante du circuit du médicament. Par facilité, certains IDE ont pris l’habitude de valider systématiquement par une signature informatique les administrations des médicaments, qu’ils aient été réellement administrés ou non. Ce défaut dans la traçabilité engendre des difficultés dans l’analyse de la réponse au traitement et également dans la gestion a posteriori des erreurs.

PRÉCAUTIONS À PRENDRE

→ La communication médecin-infirmier est très importante pour permettre de repérer d’éventuelles erreurs dans la prescription. Tout dysfonctionnement identifié par un infirmier, ou toute ambiguïté relevée dans une prescription devrait faire l’objet d’un signalement au médecin prescripteur pour correction éventuelle de l’ordonnance.