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L'Infirmière Magazine n° 260 du 01/05/2010

 

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À Haïti, les équipes médicales oeuvrent à l'appareillage des personnes amputées. Une infirmière témoigne de ce travail fondé sur la confiance.

À l'hôpital général, tout le monde connaît Daïna. Entre les tentes et les files interminables de patients, cette infirmière de 24 ans marche d'un pas assuré. Sur son chemin, souriante, elle s'arrête à chaque pas pour saluer les patients. Ici, des malades, il y en a des milliers. Pas seulement dans les lits d'appoint, sous les tentes et les bâches plantées dans la cour et le jardin de l'hôpital, mais aussi installés à même le sol, dans la moindre allée, ou allongés sur des palettes transformées en brancards de fortune. Quant aux volontaires médicaux internationaux, ils s'affairent auprès des victimes, encore très nombreuses trois mois après le désastre.

Prendre le temps

Dans le fond, sur un carré d'herbe de l'ancien jardin de l'hôpital, trois tentes siglées Handicap international. C'est là qu'exerce Daïna, la seule infirmière haïtienne de ce centre de réhabilitation monté par l'ONG. « ll y a beaucoup de patients, mais je me limite à douze par jour, car, avec eux, il faut prendre le temps », explique- t-elle calmement. Il faut dire que la jeune infirmière travaille exclusivement avec les personnes amputées. Trois cents patients suivis sur le long terme par l'ONG et auprès de qui le travail commence bien avant l'appareillage (préparation du moignon, rééducation, prise de mesures, essayage...).

« C'est nécessaire pour que le patient accepte la prothèse physiquement et psychologiquement, explique une porte-parole d'Handicap international. Les premières semaines après l'amputation sont déterminantes. Le patient doit être remis debout le plus vite possible. » Surtout, dans un pays où « le handicap est très mal accepté par l'entourage, il faut montrer qu'on peut encore travailler et être utile à la famille », constate la jeune Haïtienne. Pas toujours évident : « Quand ils arrivent ici, mes malades ne veulent plus vivre, commente-t-elle. Ils pensent qu'avec un membre en moins, la vie est finie, alors ils refusent les soins, et certains se renferment sur eux-mêmes. C'est pour cela qu'il faut beaucoup de dialogue. »

Formation

Avant le séisme, Daïna ne connaissait rien au public dont elle s'occupe aujourd'hui. Diplômée il y a un an, elle travaillait dans une clinique qui s'est effondrée. Un traumatisme pour la jeune femme, qui a perdu une dizaine de ses collègues. « Je me suis lancée très vite, cela m'a aidée à surmonter le choc, même si j'ai dû m'adapter à mes nouveaux malades », raconte-t-elle. L'infirmière a été formée sur le tas par le personnel de l'ONG. « Les kinés m'ont montré les exercices de rééducation, et je me suis mise à consulter des livres », poursuit-elle, enthousiaste.

Elle s'interrompt pour saluer une femme d'une trentaine d'années, qui se déplace à l'aide de béquilles, sa jambe droite amputée. Fière, l'infirmière raconte : « C'est Joséphine. Au début, elle m'insultait quand je voulais la soigner. Mais j'ai été patiente. Chaque jour, je lui apporte une serviette, un verre d'eau, des petites attentions pour lui donner confiance. » Aujourd'hui, Joséphine travaille de bon coeur... mais seulement avec Daïna. « Elle sait trouver les mots, explique un kinésithérapeute du centre. Parce qu'elle connaît la culture et parle le créole, elle est indispensable ici. »