Surveillance des traitements - L'Infirmière Libérale Magazine n° 293 du 01/06/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 293 du 01/06/2013

 

Cahier de formation

Savoir faire

Vous recevez un coup de fil de Mme B., traitée par méthotrexate oral et injections sous-cutanée d’Humira. Cela fait quelques jours à peine que vous avez pratiqué la dernière injection et, aujourd’hui, Mme B. a de la fièvre. Elle veut savoir si elle peut prendre de l’ibuprofène ou du doliprane.

Il ne faut pas banaliser l’hyperthermie de Mme B. et encourager impérativement une consultation médicale en urgence. En effet, c’est un signe clinique évocateur d’un état infectieux, qui peut révéler une leucopénie induite par le méthotrexate et majorée par l’anti-TNF alpha. Le médecin décidera d’interrompre le traitement anti-TNF alpha et d’instaurer une antibiothérapie. En outre, le paracétamol est à privilégier en première intention en cas de douleur ou de fièvre.

SURVEILLANCE CLINIQUE

Surveillance de l’efficacité du traitement

→ Pour s’assurer de l’efficacité du traitement antalgique, il convient d’évaluer la douleur du patient en utilisant une Échelle visuelle analogique (EVA) ou encore l’échelle numérique (EN).

→ Au cours de ses visites à domicile, l’Idel peut aussi s’assurer de la régression des autres signes cliniques de l’inflammation (surtout les synovites et gonflements articulaires, mais aussi rougeurs et chaleur) en examinant les articulations du patient. Il est à noter que l’efficacité des anti-TNF alpha se manifeste progressivement et qu’elle ne s’apprécie qu’au bout de quelques semaines après l’instauration du traitement.

→ La détermination du score DAS 28 est utilisée par les médecins pour évaluer l’efficacité des traitements. Si l’infirmière sait calculer le DAS, il est utile de s’assurer de la diminution du DAS 28 (< 2,6 = rémission, < 3,2 = état acceptable, > 5,1 = maladie active, mal contrôlée).

→ L’infirmière peut conseiller au patient de tenir un carnet de surveillance, qui peut être utile pour le suivi de la maladie. Cela permet de répertorier les différents traitements entrepris et leurs résultats, de noter la fréquence de survenue des poussées, etc.

Surveillance de la tolérance

Il est important de vérifier la bonne compréhension du patient vis-à-vis des effets indésirables liés aux différents traitements et de profiter des visites au domicile pour dépister l’éventuelle survenue de ces derniers. Ainsi, il convient de :

→ déceler une intolérance digestive, en particulier sous méthotrexate, par interrogatoire du patient (recherche de nausées, vomissements, douleurs abdominales). En cas de vomissements, des anti-émétiques peuvent être prescrits par le médecin. En cas de vomissements ou de diarrhées, il est important qu’une Idel ait le réflexe de rechercher des signes cliniques de déshydratation (sensation de soif intense, sécheresse cutanéo-muqueuse, “signe du pli cutané”, voire confusion mentale…) ;

→ rechercher des signes cliniques infectieux, notamment fièvre, maux de gorge ou écoulement nasal persistant, rechercher des signes d’infection bronchique (toux) ou urinaire (brûlures mictionnelles), qui doivent mener impérativement à une consultation médicale rapide. Chez les patients traités par anti-TNF alpha, ces infections peuvent ne pas s’accompagner d’une élévation franche de la protéine C réactive (CRP) ou d’une hyperleucocytose. En l’absence de signes de gravité, une antibiothérapie adaptée sera instaurée et le traitement par anti-TNF alpha interrompu. En présence de signes infectieux sévères ou de complications, une hospitalisation peut être requise ;

→ rechercher des signes cliniques d’atteintes pulmonaires ou d’infections respiratoires (recherche de toux, de dyspnée, d’une douleur thoracique, de fatigue, évaluation de la fréquence respiratoire…), en particulier sous méthotrexate ;

→ surveiller l’état buccal à la recherche de signes de stomatite, d’aphtose ou de candidose buccale, notamment lors d’un traitement par méthotrexate. Le cas échéant, tout signe d’irritation de la muqueuse buccale doit être signalé au médecin, en vue d’une éventuelle prescription de bain de bouche antifongique. La survenue d’une stomatite sévère sous méthotrexate impose l’arrêt du traitement ;

→ surveiller l’état cutané, en particulier en cas de traitement par méthotrexate, sulfasalazine, anti-TNF alpha et sels d’or, à la recherche d’une réaction d’hypersensibilité (qui, sous anti-TNF alpha, peut s’observer au décours immédiat de l’injection, mais aussi plus rarement, 3 à 12 jours après), de toxidermie, ou d’une manifestation de photosensibilité ;

→ rechercher des signes cliniques d’hépatotoxicité (ictère, douleurs abdominales, selles décolorées, urines foncées) sous méthotrexate et léflunomide ;

→ surveiller la tension artérielle, qui pourrait s’élever du fait du traitement corticoïde (rétention hydro-sodée), mais aussi AINS (ces derniers, en diminuant la synthèse de prostaglandines vasodilatatrices, présentent en effet une action vasoconstrictrice qui augmente la résistance artérielle). Le léflunomide (Arava) peut également être fréquemment responsable d’élévation modérée de la tension artérielle, et plus rarement d’hypertension artérielle sévère ;

→ rechercher par interrogatoire des troubles neurosensoriels (vertiges, bourdonnements d’oreille), en particulier en cas de traitement par anti-paludéens de synthèse. Déconseiller la conduite automobile en cas de vertiges ;

→ rechercher des signes cliniques évocateurs d’insuffisance cardiaque (prise de poids, œdèmes des chevilles, essoufflements, fatigue) sous anti-TNF alpha ;

→ surveiller le point d’injection à la recherche de réactions locales (rougeur, démangeaisons, douleur, œdème) sous biothérapies. La survenue d’une boule au point d’injection ne contre-indique pas la poursuite du traitement, mais nécessite de varier le site d’injection.

SURVEILLANCE BIOLOGIQUE

L’infirmière libérale doit s’assurer que le patient respecte bien le rythme des bilans sanguins prescrits par le médecin. Ces derniers visent à contrôler en particulier :

→ la vitesse de sédimentation (Vs) et CRP, marqueurs biologiques de l’inflammation, qui doivent régresser pour signer l’efficacité du traitement (normales : CRP < 5 mg/l et Vs < 10 mm à la 1re heure et < 20 mm à la 2e heure) ;

→ la clairance de la créatinine pour évaluer la fonction rénale du patient ;

→ les transaminases (Asat, Alat), dont l’élévation peut signer une hépatotoxicité ;

→ la NFS/plaquettes à la recherche d’une hématotoxicité ;

→ l’ionogramme sanguin dans certains cas : surveillance en particulier de la natrémie (normale entre 135 et 145 mmol/l), kaliémie (normale entre 3,5 et 5 mmol/l) et calcémie (normale entre 2,2 et 2,6 mmol/l) qui pourraient être perturbées du fait d’une corticothérapie ou d’une néphrotoxicité due aux traitements.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

Par interrogatoire, l’infirmière libérale peut s’assurer que le patient traité par Plaquénil se soumet bien au rythme des examens ophtalmiques. Chez les patients ayant une acuité visuelle normale et traités par de faible dose d’hydroxychloroquine, un bilan ophtalmique est réalisé une fois par an. La surveillance ophtalmique est renforcée chez ceux présentant une anomalie ophtalmique préexistante. En cas de troubles visuels (modification de l’acuité visuelle, altération de la perception des couleurs, amputation du champ visuel…), le traitement doit être interrompu.

Point de vue…

« Le calcul du DAS 28 : mission d’avenir pour les Idels »

Christian L’amour, infirmier, hôpital La Pitié-Salpêtrière, AP-HP

« Les infirmières libérales sont les partenaires paramédicaux trop souvent oubliés par les programmes d’éducation thérapeutique hospitaliers. Or leur implication devient nécessaire dans la surveillance, l’observance et les conduites à tenir face aux événements indésirables liés à la maladie et au traitement de fond. L’évaluation de la douleur ou de l’activité de la maladie par le calcul du DAS 28 est certainement l’une des missions qui pourrait être confiée aux infirmières libérales sous réserve d’une vraie formation valorisante et, bien entendu, d’une rémunération de cet acte. »

Point de vue…

« Les biothérapies multiplient par deux le risque infectieux »

Dr Laure Gossec, rhumatologue, hôpital La Pitié– Salpêtrière, AP-HP

« Les patients sous anti-TNF alpha ne sont pas immunodéprimés au même sens qu’un patient atteint du sida ou sous traitement anticancéreux. Toutefois, les biothérapies multiplient par deux le risque infectieux. La règle est donc claire : pas d’injection d’anti-TNF alpha en cas de signe infectieux (en particulier si la fièvre est supérieure à 38°C) et consultation rapide du médecin. Les autres traitements (méthotrexate, etc.) peuvent être poursuivis, mais il faut dans tous les cas consulter un médecin en cas de signes d’infection. »