Simulation en santé : un métier et une construction - Objectif Soins & Management n° 248 du 01/09/2016 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins_Hors série n° 248 du 01/09/2016

 

Ressources humaines

Sophie Baijot*   Arnaud Barras**   Alexandre Besnoit***   Alexandre Besnoit****   Stéphane Kirche*****  

La simulation en santé se développe et, avec elle, apparaissent de nouveaux métiers et enjeux économiques. Découverte, à partir de deux exemples : le rôle et les contraintes du responsable de la gestion d’un centre de simulation, puis la construction d’un laboratoire de simulation haute-fidélité en Ifsi en dépit des contraintes économiques.

Responsable de la gestion d’un centre de simulation

Le centre Namur Simulation (NaSim) se situe dans le département paramédical de la Haute École de Namur-Liège-Luxembourg (Belgique). Il est destiné en première intention aux étudiants, mais s’ouvre aux professionnels. Composé de cinq salles et doté de mannequins basse, moyenne et haute-fidélité, il s’inscrit dans le contexte belge et dans le cadre des missions définies par l’Ares (Académie de recherche et d’enseignement supérieur) : formation, recherche et services à la société. La gouvernance comprend donc des axes d’ordre organisationnel, pédagogique et de recherche. La tâche est vaste et il est impératif de déterminer un plan stratégique qui priorisera les différents projets à réaliser, en tenant compte du fait que les ressources financières et humaines sont limitées. En Belgique, il n’existe aucune recommandation, législation et financement en la matière. La créativité est donc de mise ! Les missions étant très vastes, la responsabilité du NaSim consiste surtout à coordonner une équipe. Tout comme lors d’un débriefing, le respect et l’écoute mutuelle sont les piliers de cette coordination. Nos pratiques reposent sur les Standards of Best Practice : Simulation de l’INACSL et celles de l’EUSIM.

AXE ORGANISATIONNEL

L’équipe, appelée comité scientifique, est pluridisciplinaire. Les membres sont formés au débriefing et ont été choisis en raison de leur expertise professionnelle. Une charte organisationnelle et déontologique a été rédigé, puis ont été définis les grands axes en termes de formation afin de partager les responsabilités.

La responsable s’occupe de la gestion de l’infrastructure sur base des recommandations du comité, des demandes des utilisateurs et des retours d’incidents.

AXE PÉDAGOGIQUE

Il est nécessaire de différencier les formations pour les étudiants et celles pour les professionnels. Celles en interne s’organisent en collaboration avec les responsables d’années. La responsable du centre et un membre du comité s’assurent de la cohérence par rapport au projet global. Des formations permanentes sont programmées, mais il est également possible de répondre aux demandes ciblées des partenaires. Chacune est prise en charge par la responsable secondée d’une secrétaire et d’un expert du comité pour les aspects scientifiques. Cet axe comprend aussi la formation continue des formateurs. Une des contraintes majeure est le manque de médecins formés en simulation.

AXE RECHERCHE

Cet axe, encore peu développé, est pourtant essentiel pour l’avenir. Il concerne l’évaluation des séances et débriefings, ainsi que l’analyse de l’impact de la simulation dans l’amélioration des compétences professionnelles. Cet axe est pris en charge par un candidat doctorant en lien avec une université. L’opérationnalisation se réalise en collaboration avec la responsable. Dans l’avenir, la sécurité du patient et l’amélioration de la qualité des soins passeront par l’interdisciplinarité. Il faut donc la développer davantage. C’est peut-être là que se situe le plus gros défi, car aujourd’hui les professionnels sont formés indépendamment les uns des autres. Par ailleurs, l’absence de reconnaissance est aussi un obstacle ; la frustration est fréquente tant les projets potentiels sont nombreux. Mais la responsabilité d’un centre de simulation est avant tout une belle aventure humaine qui pousse au-delà de ses limites et vers de magnifiques rencontres.

Construire un laboratoire de simulation haute-fidélité en Ifsi en dépit des contraintes économiques

Le développement de la simulation en Ifsi représente un investissement financier important, tant au niveau des ressources matérielles qu’humaines. Comme les moyens accordés aux Ifsi ne peuvent être exclusivement alloués à cette activité, cela nécessite la recherche de nouvelles collaborations.

En 2013, le Centre hospitalier (CH) de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) crée le Centre de simulation en santé du territoire du Chalonnais (Cesitech) qui répond aux besoins de formation des professionnels de santé. L’originalité du projet est de fédérer, au sein du CH, l’anesthésie, le Cesu, l’Ifsi et le biomédical. Les compétences formateurs, matériels et techniques sont mutualisées. Ce partenariat répond aux besoins de la formation continue et initiale et préserve l’autonomie fonctionnelle de chaque entité. Engagé dans le développement de la simulation à la suite de la mise en place de séances expérimentales, l’Ifsi a identifié trois espaces contigus : salle de pilotage, salle de visionnage/ débriefing et espace configuré en chambre hospitalière. Le volume horaire alloué à la simulation dans le référentiel infirmier ne justifie pas de dédier des espaces exclusifs à cette pratique, mais plutôt d’envisager l’utilisation de solutions mobiles, d’espaces reconfigurables et la polyvalence des locaux.

Dans le cadre du partenariat, un formateur Ifsi et un infirmier anesthésiste titulaires d’un DU en simulation ont rédigé et animé un programme d’enseignement. L’écriture, le réalisme et la faisabilité des scénarios reposent sur la complémentarité pédagogique et clinique des formateurs, gage de réussite du projet. Pour développer la simulation à l’Ifsi, les instructeurs en simulation ont assuré une formation action à l’ensemble de l’équipe et favorisé le compagnonnage lors de l’animation des séances. Ce partage des compétences a permis d’uniformiser les pratiques pédagogiques et de répartir une activité chronophage en temps formateur.

En 2014, l’Ifsi acquiert un simulateur grâce au Conseil régional dans le cadre de pratiques innovantes. Dès lors, tous nos scénarios sont programmés afin de simplifier l’utilisation du mannequin. La sophistication du simulateur n’est pas un gage de qualité, c’est le degré d’immersion et d’interactivité qui reste l’élément capital atteint sans mannequin dans les scénarios relationnels. L’expertise du biomédical sur l’équipement audio-vidéo a été déterminante pour la mise en place technique du centre. L’objectif de faire vivre une expérience vicariante en salle de visionnage implique une retransmission vidéo – et plus encore audio – optimale. L’utilisation d’un système de vidéo surveillance, couplé au réseau informatique et à une table de mixage, renvoie l’image et le son en différents lieux répondant à tous les besoins : faible coût d’investissement, évolutivité du système, enregistrement des séquences, flexibilité de l’installation et enfin utilisation facilitée pour des non-experts en audio-vidéo.

CONCLUSION

Un laboratoire de simulation en Ifsi est un projet pluriprofessionnel et collaboratif qui doit s’appuyer sur des ressources formées à la simulation. Le partage de compétences pédagogiques et soignantes favorise le réalisme des situations et la complémentarité des débriefings. La réflexion technique et biomédicale est essentielle dans la mise en place de conditions optimales pour libérer les formateurs de la contrainte technique.